La terre et la lune: forme extérieure et structure interne. P. Puiseux
stations. Elles permettent, en conséquence, de construire une section soit de la surface réelle, soit du géoïde. Avec une série de sections parallèles, on peut établir un modèle en relief. Quand ce travail aura été fait pour la plus grande partie du globe terrestre, on pourra dire quelle est la surface géodésique, à définition simple, qu'il convient d'adopter comme se rapprochant le plus du géoïde.
Il s'en faut de beaucoup, à l'heure présente, que ce vaste programme soit réalisé. En laissant de côté les irrégularités locales, on ne trouve pas de difficulté insurmontable pour placer sur une même ellipse les différents arcs de méridien mesurés. La concordance, toutefois, est médiocre, et l'on ne doit pas espérer, dans la détermination de l'aplatissement, une précision très élevée. Delambre et Méchain l'évaluaient à 1/334 d'après l'ensemble des triangulations effectuées à la fin du XVIIIe siècle. Bessel, en 1837, a proposé 1/299,5; Clarke, en 1880, 1/(293,5 ± 1,1). L'erreur probable indiquée est sans doute trop faible, car deux seulement des arcs utilisés, de petite étendue, tombent dans l'hémisphère austral, et la symétrie par rapport à l'équateur n'est point démontrée ni même vraisemblable d'après la distribution des continents. Les valeurs correspondantes du demi petit axe et du demi grand axe sont respectivement, en kilomètres, 6356,607 et 6378,284. Le moment approche, à ce qu'il semble, où la discussion de Clarke pourrait être reprise avec avantage. Depuis, l'arc anglo-français a reçu une extension considérable par la jonction de l'Algérie et de l'Espagne. D'importantes triangulations ont été reprises ou inaugurées au Spitzberg, au Canada, au Pérou, dans l'Afrique australe. Ces travaux, dont une Association géodésique internationale encourage le développement, doivent être considérés comme ayant pour but de faire connaître les irrégularités du géoïde, plutôt qu'une valeur plus exacte de l'aplatissement. Alors même que tous les arcs de méridien mesurés seraient applicables sur une même ellipse, il resterait à démontrer que toutes ces ellipses ont même centre, que les lieux des points d'égale latitude sont plans et de courbure uniforme. Ce dernier point ne peut être élucidé que par des mesures suffisamment nombreuses d'arcs de parallèle, accompagnées de déterminations de longitudes très précises.
Le doute à ce sujet est d'autant plus permis que l'aplatissement proposé par Clarke, tenant le milieu entre les deux chiffres que suggèrent les recherches de Mécanique céleste d'une part, les mesures de la pesanteur de l'autre, ne concorde d'une manière vraiment satisfaisante ni avec l'un ni avec l'autre.
Les mesures de la pesanteur, fondées sur l'observation du pendule, offrent sur les opérations géodésiques l'avantage de pouvoir s'exécuter sur toute l'étendue des continents, dans les régions montagneuses les plus âpres, et jusque dans les îles semées au milieu des mers. Elles se prêtent donc à une répartition plus égale entre les deux hémisphères et entre les diverses latitudes. La troisième loi de Clairaut permettrait, à la rigueur, de déduire l'aplatissement superficiel de deux mesures de pesanteur seulement, exécutées l'une près de l'équateur, l'autre dans les régions polaires. Par la combinaison d'un plus grand nombre de résultats, on atténuera l'effet des erreurs d'observation et des anomalies locales. En suivant cette marche, de Freycinet a trouvé, pour l'inverse de l'aplatissement, 286,2; Sabine, 284,4; Foster, 289,5; Clarke, en 1880, 292,4. Tous ces aplatissements sont, on le voit, plus forts que ceux qui résultent des triangulations. Dans ces dernières années, on a trouvé le moyen d'effectuer des mesures suffisamment précises, même en pleine mer. Sans doute l'observation du pendule demeure impraticable à bord des navires, mais on y supplée par la lecture simultanée du point thermométrique d'ébullition de l'eau et de la colonne barométrique. La première lecture donne en effet, pour la pression atmosphérique, une évaluation indépendante de l'intensité de la pesanteur, au lieu que la seconde en est affectée d'une manière sensible.
L'observation du pendule présente encore sur les mesures d'arc l'avantage de se rapporter à une localité précise, et par suite se prête mieux à l'étude des irrégularités locales. En pays de plaine, la variation de la gravité avec la latitude suit assez bien les prévisions de la théorie. Mais le voisinage de la mer ou des montagnes donne ordinairement lieu à des surprises. Des hypothèses vraisemblables sur la densité des masses montagneuses avaient fait penser aux géodésiens que le niveau de la mer pourrait être relevé d'un millier de mètres, dans le voisinage des côtes, par l'attraction des continents. Les travaux récents de M. Helmert, fondés principalement sur l'observation du pendule dans les Alpes, montrent que cette estimation est exagérée. Entre le géoïde et l'ellipsoïde de révolution qui s'en rapproche le plus, l'écart ne doit nulle part dépasser 200m. C'est peu en comparaison des inégalités de la surface réelle, qui atteignent 9km de part et d'autre du niveau des mers, et sont par suite du même ordre de grandeur que la différence des rayons polaires et équatoriaux. Il y a donc une influence cachée qui diminue l'attraction des parties saillantes et augmente l'attraction des parties creuses. Cette remarque est importante, comme nous le verrons dans un des Chapitres suivants, pour l'étude de la structure interne. Mais, avant d'entrer dans ce sujet difficile, il est à propos de jeter un coup d'oeil d'ensemble sur le relief actuel et de résumer l'enseignement qu'il peut nous offrir.
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