Gertrude et Veronique. André Theuriet

Gertrude et Veronique - André Theuriet


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       André Theuriet

      Gertrude et Veronique

      Publié par Good Press, 2020

       [email protected]

      EAN 4064066086664

       LE SECRET DE GERTRUDE

       I

       II

       III

       IV

       V

       VI

       VII

       VIII

       IX

       X

       XI

       XII

       MADAME VÉRONIQUE

       I

       II

       III

       IV

       V

       VI

       VII

       VIII

       IX

       Table des matières

       Table des matières

      La journée tirait à sa fin—une pluvieuse journée de février—et bien que le ciel se fût éclairci, la lumière pénétrait déjà avec peine à travers les carreaux verdâtres de la pièce où se réunissait chaque soir la famille de Mauprié. Les fenêtres donnaient sur l'unique rue du village; en soulevant le rideau, on pouvait apercevoir la route détrempée par la pluie, la rue tournante, les maisons basses aux toits moussus, l'abside de la vieille église de Lachalade, et dans le fond, la forêt d'Argonne voilée d'une brume violette. Près de l'une des croisées, la veuve de David de Mauprié se tenait droite dans son fauteuil et raide dans ses vêtements noirs; sa figure affilée et pointue se profilait sur la mousseline du rideau, et l'on voyait ses mains sèches agiter mécaniquement les aiguilles. Sa fille aînée, Honorine, élancée et maigre, surveillait devant la cheminée la cuisson d'un opiat pour le teint; elle devait avoir passé la trentaine; la flamme du brasier éclairait à demi son visage couperosé et ses yeux noirs encore beaux sous leurs paupières déjà fatiguées. Un garçon de vingt-trois ans, nommé Xavier, était assis à une table ronde devant un dessin qu'il terminait rapidement. Près de lui, dans l'embrasure de la seconde fenêtre, sa sœur cadette, Reine, les coudes sur les genoux et les mains enfoncées dans ses épais cheveux bruns, profitait des dernières heures du jour pour dévorer un roman qui absorbait toute son attention.

      L'ombre envahissait de plus en plus la salle, et les meubles qui la garnissaient disparaissaient noyés dans l'obscurité. Parfois seulement le feu se ranimait, un jet de flamme lançait çà et là de légères touches lumineuses, et on distinguait un coin de miroir, un panneau de tapisserie, un portrait enfumé dans son cadre terni, une console ventrue à poignées de cuivre, un râtelier d'armes de chasse… Puis la flamme s'évanouissait et tout se replongeait dans l'ombre, à l'exception des silhouettes immobiles près des fenêtres.

      —Allons, fit Xavier en posant son crayon, on n'y voit plus.

      —Reine, dit la sœur aînée d'une voix aigre-douce, le souper ne sera jamais prêt!… Laisse donc ton livre, tu finiras par te perdre les yeux.

      Reine feuilleta les dernières pages de son roman et releva la tête d'un air de mauvaise humeur.—Si tu as peur pour mes yeux, répondit-elle, allume la lampe.

      —Nous brûlons déjà trop d'huile, reprit sèchement Honorine, et tu sais bien que la buire doit nous faire une semaine.

      —Reine, dit alors madame de Mauprié d'un ton emphatique, tu ne devrais pas oublier que nous avons de lourdes charges et que nous devons être économes…. Laisse ton roman et occupe-toi des choses utiles.

      —Bien parlé, ma mère! cria une voix rude, et au même moment la porte entr'ouverte livra passage au fils aîné, Gaspard de Mauprié, tandis qu'un chien de chasse vint secouer son poil mouillé jusque sur les jupes de Reine.

      Elle jeta son livre avec dépit, et, repoussant l'épagneul:—Emmène-donc ton chien, dit-elle à Gaspard, sa place est au chenil et non dans la salle.

      —Tout beau, ma précieuse sœur, répliqua celui-ci en faisant résonner la crosse de son fusil sur les carreaux, Phanor n'est déplacé nulle part, il gagne sa journée, lui, et ne perd pas son temps à bayer aux corneilles!

      Tout en parlant, le chasseur tira de son carnier deux vanneaux qu'il jeta sur la table:—Honorine, porte cela au garde-manger, et mets le couvert, car je meurs de faim.

      Puis, d'un geste de maître, il frotta une allumette contre sa manche et alluma la lampe, objet de la contestation. L'apparition de la lumière rétablit le calme dans la salle. La veuve s'approcha avec son tricot, Reine reprit sa lecture, Honorine se mit à filtrer la liqueur qu'elle avait retirée du feu; Xavier, seul, resta près de la croisée, le front appuyé contre la vitre et regardant la route déserte. Quant à Gaspard, après avoir débouclé ses guêtres, il avait pris un chiffon de laine et frottait le canon de son fusil en sifflant un air de chasse. La lueur de la lampe éclairait sa figure osseuse et hâlée, sa barbe touffue et ses yeux gris perçants. Personne ne parlait plus et le silence n'était interrompu que par le sifflet du chasseur, le balancier de l'horloge dans sa longue boîte, et les soupirs de l'épagneul qui s'était étendu près des chenets.

      Quand le


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