Histoire de la République de Gênes. Emile Vincens

Histoire de la République de Gênes - Emile Vincens


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darse. L'année suivante, l'imposition fut répétée, à moins que les annales qui en parlent deux fois, ne se rapportent à une seule mesure, d'abord pour la promulgation, ensuite pour l'exécution6.

      En rentrant dans la jouissance du revenu des droits sur le sel, une loi expresse fut portée, pour défendre à l'avenir d'aliéner les impositions et gabelles, excepté celle du sel, les droits du palais que la république possédait à Messine, les revenus de Tyr (1214), et les chancelleries de Ceuta et de Buzea (Bougie). Nous avons vu (1222) qu'en vertu d'un arrangement singulier dans une de ces villes d'Afrique, et probablement dans toutes deux, sur les impôts que le gouvernement des Mores exigeait du commerce génois qui fréquentait leurs ports, une partie du droit revenait au fisc de la république par les mains des officiers qu'elle y entretenait. Ces revenus, par exception, pouvaient être légitimement affermés, mais pour deux ans seulement. Au delà ou pour tout autre, l'aliénation était déclarée nulle de plein droit, et les prêteurs étaient avertis que la république reprendrait ce qu'on leur aurait irrégulièrement engagé en son nom. Tous les citoyens de quinze ans jusqu'à soixante et dix furent tenus de prêter un vain serment pour le maintien de ce nouvel article ajouté aux statuts. En même temps des nobles furent institués commissaires pour la gestion des finances.

      CHAPITRE IV.

       Frédéric II. - Guelfes et gibelins. - Guerres avec les voisins.

      La domination germanique était, en Italie, comme en suspens depuis la mort de Henri VI. Son frère Philippe de Souabe et Othon d'Aquitaine, descendant du duc Guelfe de Bavière, se disputaient la couronne impériale. De leur opposition naquirent en Allemagne ces fameux noms de partis de gibelins et de guelfes, qui, passés en Italie, s'y appliquèrent, non pas au choix entre deux empereurs, mais d'abord à la lutte des amis de l'indépendance et des fauteurs de l'autorité impériale, et bientôt à des intérêts purement italiens; ainsi ils survécurent longtemps aux causes qui leur avaient donné naissance.

      Le pape devait être opposé au parti de la maison de Souabe, bien qu'il se portât pour protecteur du jeune rejeton qu'elle avait laissé (1198) dans le royaume de Naples. Cependant Philippe l'ayant emporté sur son compétiteur, Innocent III ne dédaigna pas de négocier pour se rapprocher de l'empereur gibelin. Il avait déjà levé (1208) l'interdit dont il l'avait frappé, quand ce prince mourut assassiné. Othon IV lui succéda paisiblement: il épousa (1209) la fille du mort, et se présenta comme devant recueillir les affections des deux partis. Il vint (1214) en Italie, et, chef des guelfes, il y caressa les gibelins (1222).

      Othon se rendant à Rome, manda les Génois pour lui prêter serment et pour soumettre à son jugement leurs querelles avec Pise. Il ordonna une trêve; pour en assurer le maintien, il exigea que de part et d'autre des otages lui fussent remis.

      L'empereur fut couronné dans Rome. Mais Innocent III, auquel il faut rapporter l'établissement solide de la monarchie temporelle des papes, avait mis le temps à profit pendant l'éloignement et les discordes des compétiteurs à l'empire. Il avait soulevé la Toscane, entraînant toutes ses villes dans une ligue dont il s'était fait le chef. Les Pisans seuls avaient refusé d'y adhérer et persistaient dans leur attachement aux empereurs. En même temps, le pape réclamait la tutelle du jeune Frédéric, fils de Henri, dans l'espérance d'étendre sa propre autorité sur Naples et sur la Sicile. C'est dans ces conjonctures qu'Othon se présentait. S'il était le chef des guelfes d'Allemagne, ce n'est pas pour lui qu'Innocent avait suscité ceux d'Italie. Ces deux hommes ne se virent qu'en rivaux. Othon, résolu à l'invasion du royaume de Naples, est excommunié pour cette entreprise. Il y appelait à la fois les Génois et les Pisans. Les derniers s'y prêtent avec zèle; les Génois se disent retenus par l'excommunication qu'ils ne sauraient braver. Frédéric, grâce aux intrigues du pape, devenu gendre du roi d'Aragon, favorisé par le roi de France, ennemi d'Othon, va tenter la fortune en Allemagne. C'est à Gênes que le pontife lui ménage les premiers secours. Accueilli à son passage (1212), aidé d'un don de 1,500 liv., il part de là et exécute heureusement son voyage périlleux. En ce moment, tout à Gênes était réuni pour lui. Le gouvernement était encore guelfe et le pape en disposait en faveur de Frédéric; le parti gibelin, qui se renforçait de jour en jour, était favorable à sa personne.

      (1214) La bataille célèbre de Bouvines, perdue par Othon contre Philippe Auguste, ébranla le trône de cet empereur; Frédéric s'en prévalut. Il fut reconnu roi des Romains à Aix-la-Chapelle. Deux ans après il eut le champ libre dans l'empire par la mort d'Othon.

      Mais à mesure que le pupille se fortifiait, le tuteur lui retirait son appui. L'ambitieux Innocent n'avait voulu faire de Frédéric que sa créature, et le jeune roi était né pour un autre rôle. Ce prince, que le pape avait opposé à Othon comme le vrai César, ne put jamais obtenir de ce même pontife la reconnaissance formelle de son titre impérial. Toutes ses démarches furent croisées, son royaume de Naples fut une source de prétentions et de chicanes. Innocent mourut; Honorius III et Grégoire IX qui lui succédèrent (1217) agirent dans le même esprit. Honorius avait été longtemps ministre de Frédéric dans Palerme. A peine élevé au pontificat, il fit sentir à son maître que leur position avait changé. Avant de renoncer aux apparences de l'amitié il en employa les séductions pour éloigner Frédéric sous un prétexte honorable. Ceci nous ramène un moment aux affaires de la Syrie1.

      Tandis que Guy de Lusignan était allé régner en Chypre, son frère Amaury était devenu roi de Jérusalem, du chef de sa femme Isabelle, soeur et héritière de la reine Sibylle. A proprement parler, son autorité n'était reconnue que dans les murs de Ptolémaïs. Il s'y maintint avec des succès divers, attendant le secours d'une nouvelle croisade. Mais, promise à la terre sainte, elle alla éclater (1203) d'abord sur la ville chrétienne de Zara, ensuite sur l'empire chrétien de Constantinople. Les Génois n'avaient point eu de part à cette expédition. Loin de là, elle blessait leurs intérêts en les privant des fruits de leurs alliances avec les empereurs grecs dépouillés. Elle excitait leur plus vive jalousie par l'accroissement de pouvoir et de commerce échu aux Vénitiens. L'annaliste de Gênes parle avec mépris de ces seigneurs qui feignirent de se croiser et qui allèrent à Venise conspirer des usurpations.

      Une nièce de Sibylle, fille d'Isabelle et du marquis de Montferrat, l'un de ses maris, succéda au titre royal d'Amaury (1210). L'on appelle du fond de la France Jean de Brienne pour épouser cette princesse et pour partager une couronne si difficile à soutenir. Le nouveau roi reçut quelques secours; mais plusieurs fois les chevaliers venus à la défense du pays se découragèrent et se rembarquèrent sans persévérer. Cependant ce roi conduisit (1219) une armée en Égypte et conquit Damiette. Les Génois l'avaient assisté dans cette entreprise. L'un d'eux, Pierre de Castello, fut dépêché pour en donner la nouvelle, qui retentit dans toute la chrétienté. Ce succès pouvait porter des fruits immenses. Le soudan d'Égypte offrait de rendre en échange de Damiette, Jérusalem et tout ce qu'il avait possédé dans la terre sainte. Le roi croyait assurer la paix et sa couronne par cette glorieuse négociation. Le cardinal Pélage, le plus hautain des légats, s'y oppose d'autorité. Les mesures furent mal prises; Damiette échappa aux chrétiens: dix galères promptement envoyées de Gênes, sous le commandement d'un Doria et d'un Volta, arrivèrent trop tard pour sauver la ville. Ce secours remonta du moins les courages abattus et contint les attaques des Sarrasins. L'armée put rentrer en sûreté dans les murs d'Acre. Jean de Brienne passa bientôt la mer pour aller solliciter à Rome une assistance sans laquelle il ne pouvait plus se maintenir. Sur cette circonstance le pape fonda son projet pour se débarrasser de Frédéric. Ce prince était veuf de Constance d'Aragon. Honorius mit en usage jusqu'à son autorité pontificale pour l'obliger à épouser (1225) la fille de Jean de Brienne qui lai apportait pour dot la succession au titre de roi de Jérusalem; le pape l'excite à réaliser le nom que ce mariage lui assure, à relever le trône de la sainte cité; il lui déclare enfin qu'il ne le couronnera point empereur avant d'avoir reçu son serment de passer promptement la mer pour la défense du saint sépulcre. Frédéric opposa la ruse aux exigences du pontife. Il feignit de partir, envoya une flotte avec quelques secours en Palestine et resta en Italie. Excommunié par Grégoire IX (1227), successeur d'Honorius, comme désobéissant et parjure, il partit enfin; il arriva en Syrie, il combattit, il négocia, il obtint que Jérusalem et le saint sépulcre fussent


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