Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


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du troisième jour, comme il entrait dans une pièce située au-dessus du boudoir, et qui servait de salle d’études aux enfants, il trouva Henriette, la plus petite des sœurs. Elle cherchait ses ciseaux.

      – Tu sais, dit-elle à Sholmès, j’en fais aussi des papiers comme celui que t’as reçu l’autre soir.

      – L’autre soir ?

      – Oui, à la fin du dîner. Tu as reçu un papier avec des bandes dessus… tu sais, un télégramme… eh bien, j’en fais aussi, moi.

      Elle sortit. Pour tout autre, ces paroles n’eussent rien signifié que l’insignifiante réflexion d’un enfant, et Sholmès, lui-même, les écouta d’une oreille distraite et continua son inspection. Mais tout à coup il se mit à courir après l’enfant dont la dernière phrase le frappait subitement. Il la rattrapa au haut de l’escalier et lui dit :

      – Alors, toi aussi, tu colles des bandes sur papier ?

      Henriette, très fière, déclara :

      – Mais oui, je découpe des mots et je les colle.

      – Et qui t’a montré ce petit jeu ?

      – Mademoiselle… ma gouvernante… je lui en ai vu faire autant. Elle prend des mots sur des journaux et les colle…

      – Et qu’est-ce qu’elle en fait ?

      – Des télégrammes, des lettres qu’elle envoie.

      Herlock Sholmès rentra dans la salle d’études, singulièrement intrigué par cette confidence et s’efforçant d’en extraire les déductions qu’elle comportait.

      Des journaux, il y en avait un paquet sur la cheminée. Il les déplia, et vit en effet des groupes de mots ou des lignes qui manquaient, régulièrement et proprement enlevés. Mais il lui suffit de lire les mots qui précédaient ou qui suivaient, pour constater que les mots qui manquaient avaient été découpés au hasard des ciseaux, par Henriette évidemment. Il se pouvait que, dans la liasse des journaux, il y en eût un que Mademoiselle eût découpé elle-même. Mais comment s’en assurer ?

      Machinalement, Herlock feuilleta les livres de classe empilés sur la table, puis d’autres qui reposaient sur les rayons d’un placard. Et soudain il eut un cri de joie. Dans un coin de ce placard, sous de vieux cahiers amoncelés, il avait trouvé un album pour enfants, un alphabet orné d’images, et, à l’une des pages de cet album, un vide lui était apparu.

      Il vérifia. C’était la nomenclature des jours de la semaine. Lundi, mardi, mercredi, etc. Le mot samedi manquait. Or, le vol de la lampe juive avait eu lieu dans la nuit d’un samedi.

      Herlock éprouva ce petit serrement du cœur qui lui annonçait toujours, de la manière la plus nette, qu’il avait touché au nœud même d’une intrigue. Cette étreinte de la vérité, cette émotion de la certitude, ne le trompait jamais.

      Fiévreux et confiant, il s’empressa de feuilleter l’album. Un peu plus loin, une autre surprise l’attendait.

      C’était une page composée de lettres majuscules, suivies d’une ligne de chiffres.

      Neuf de ces lettres, et trois de ces chiffres avaient été enlevés soigneusement.

      Sholmès les inscrivit sur son carnet, dans l’ordre qu’ils eussent occupé, et obtint le résultat suivant :

      CDEHNOPRZ-237

      – Fichtre… murmura-t-il, à première vue cela ne signifie pas grand-chose.

      Pouvait-on, en mêlant ces lettres et en les employant toutes, former un, ou deux, ou trois mots complets ?

      Sholmès le tenta vainement.

      Une seule solution s’imposait à lui, qui revenait sans cesse sous son crayon, et qui, à la longue, lui parut la véritable, aussi bien parce qu’elle correspondait à la logique des faits que parce qu’elle s’accordait avec les circonstances générales.

      Étant donné que la page de l’album ne comportait qu’une seule fois chacune des lettres de l’alphabet, il était probable, il était certain qu’on se trouvait en présence de mots incomplets et que ces mots avaient été complétés par des lettres empruntées à d’autres pages. Dans ces conditions, et sauf erreur, l’énigme se posait ainsi :

      REPOND.Z – CH – 237

      Le premier mot était clair : répondez, un E manquant parce que la lettre E, déjà employée, n’était plus disponible.

      Quant au second mot inachevé, il formait indubitablement, avec le nombre 237, l’adresse que donnait l’expéditeur au destinataire de la lettre. On proposait d’abord de fixer le jour au samedi, et l’on demandait une réponse à l’adresse CH.237.

      Ou bien CH.237 était une formule de poste restante, ou bien les lettres C H faisaient partie d’un mot incomplet. Sholmès feuilleta l’album : aucune autre découpure n’avait été effectuée dans les pages suivantes. Il fallait donc, jusqu’à nouvel ordre, s’en tenir à l’explication trouvée.

      – C’est amusant, n’est-ce pas ?

      Henriette était revenue. Il répondit :

      – Si c’est amusant ! Seulement, tu n’as pas d’autres papiers ?… Ou bien des mots déjà découpés et que je pourrais coller ?

      – Des papiers. ?… Non… et puis, Mademoiselle ne serait pas contente.

      – Mademoiselle ?

      – Oui, elle m’a déjà grondée.

      – Pourquoi ?

      – Parce que je vous ai dit des choses… et qu’elle dit qu’on ne doit jamais dire des choses sur ceux qu’on aime bien.

      – Tu as absolument raison.

      Henriette sembla ravie de l’approbation, tellement ravie qu’elle tira d’un menu sac de toile, épinglé à sa robe, quelques loques, trois boutons, deux morceaux de sucre, et, finalement, un carré de papier qu’elle tendit à Sholmès.

      – Tiens, je te le donne tout de même. C’était un numéro de fiacre, le 8279.

      – D’où vient-il, ce numéro ?

      – Il est tombé de son porte-monnaie.

      – Quand ?

      – Dimanche, à la messe, comme elle prenait des sous pour la quête.

      – Parfait. Et maintenant je vais te donner le moyen de n’être pas grondée. Ne dis pas à Mademoiselle que tu m’as vu.

      Sholmès s’en alla trouver M. d’Imblevalle et nettement l’interrogea sur Mademoiselle.

      Le Baron eut un haut-le-corps.

      – Alice Demun ! Est-ce que vous penseriez ?… C’est impossible.

      – Depuis combien de temps est-elle à votre service ?

      – Un an seulement, mais je ne connais pas de personne plus tranquille et en qui j’aie plus de confiance.

      – Comment se fait-il que je ne l’aie pas encore aperçue ?

      – Elle s’est absentée deux jours.

      – Et actuellement ?

      – Dès son retour elle a voulu s’installer au chevet de votre ami. Elle a toutes les qualités de la garde-malade… douce… prévenante… M. Wilson en paraît enchanté.

      – Ah fit Sholmès qui avait complètement négligé de prendre des nouvelles du vieux camarade.

      Il réfléchit et s’informa :

      – Et le dimanche matin, est-elle sortie ?

      – Le lendemain du vol ?

      – Oui.

      Le


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