Une Croisade au XXe siècle. Lois Dabbadie

Une Croisade au XXe siècle - Lois Dabbadie


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croyances catholiques, n’eurent point la confiance d’une république inféodée à la franc-maçonnerie. Par surcroît, des naturalisations faciles, puis l’accès partout, furent le privilège des juifs allemands, de par le patronage des loges. Guillaume II eut ainsi le bonheur d’être servi par Combes autant que Bismarck espéra voir Gambetta bouleverser la France.

      L’empereur d’Allemagne avait toujours craint la perspicacité du tsar Alexandre III; il se réjouit de découvoir en Nicolas II un philanthrope sans méfiance. Rien n’était plus facile à l’élève du faussaire d’Ems que d’avoir des représentants aux grandes parlottes de la Haye, pour promettre en son nom, quitte à ne rien tenir plus tard. Il dissiperait ainsi les préventions du nouvel autocrate assez longtemps pour accomplir quelques perfidies. L’évènement justifia son espoir. Nicolas II eut l’occasion d’admirer sa troublante intelligence. Guillaume II affecta de féliciter la diplomatie russe d’avoir mis fin aux malentendus qui exaspéraient la méfiance du gouvernement britannique et il suggéra l’occupation des territoires chinois de Mandchourie. L’astucieux Kaiser était d’autant mieux averti de la puissance japonaise que des officiers-instructeurs allemands le renseignèrent. Mais il démontra au tsar combien la Russie, bloquée par des glaces polaires, étouffant pour ne point heurter diverses limites imposées par le Foreign Office, prendrait un puissant essor quand elle annexerait ce rivage sur une mer libre: Moukden, Port Arthur et Dalny seraient villes russes dans le voisinage des Nippons craintifs, résignés, affirma Guillaume II.

      Il intrigua longtemps, comme Bismarck, pour amener un conflit entre la France et l’Angleterre; les incidents de Bangkok et de Fachoda stimulèrent son activité ; lord Salisbury manqua lui donner ce spectacle.

      Les guerres du Transvaal et de Mandchourie fournirent à Guillaume II l’occasion d’accroître eu France et en Russie des rancunes fort légitimes contre l’impérialisme anglais dont Palmerston, Beaconsfield, Salisbury, Chamberlain, représentèrent avec une morgue peu attrayante l’idéal accapareur. Mais l’avènement d’un grand monarque interrompit les succès diplomatiques du Kaiser; tout-à-coup Edouard VII dirigea les affaires européennes avec une intelligence loyale et bienfaisante qui rappelait celle de son beau-frère Alexandre III.

      Devant la Russie, qu’une campagne malheureuse venait d’affaiblir, et la France gouvernée par les loges maçonniques, une impérieuse tentation de frapper son grand coup agita Guillaume II.

      Mais il avait un partenaire timide: l’empereur François-Joseph d’Autriche ne voulut agir qu’en des circonstances évidemment favorables. Or le roi Edouard VII opérait la réconciliation de l’Angleterre avec la France; c’est donc vainement que Guillaume II provoqua le peuple français en 1905. Il dût se montrer ensuite souple, patient, lorsque la conférence d’Algésiras régla, ou plutôt enfouit, cette question marocaine soulevée par lui. Dès lors il résolut d’entraîner son brillant second, Habsbourg, au milieu des Balkans, pour le contraindre à perpétrer un horrible crime de lèse-humanité.

      Quelques années auparavant, le Kaiser s’était rendu à Jérusalem; certes il ressemblait peu à Godefroy de Bouillon prosterné au Saint-Sépulcre après sa victoire; mais plufôt à quelque fastueux chef de brigands! Aussi l’impression qu’il produisit, en traversant Constantinople, dût être une sorte de magnétisme. Passer la revue discrète des contingents turcs, qu’il opposerait aux Russes dans une guerre prochaine, et non point accomplir un pélerinage, lui importait en l’occurrence. Toutefois il osa se poser en protecteur des chrétiens pour faire contraste avec le Président de la République Française dont les gestes protocolaires, à l’égard du Vatican, furent dictés par les loges.

      Guillaume II avait choisi pour le représenter à Constantinople un diplomate éminent: Marshall de Bieberstein; et celui-ci était devenu grand-vizir occulte; les Turcs marcheraient donc an premier signal.

      C’est pourquoi l’empereur allemand fit annexer d’une manière définitive la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche-Hongrie; en même temps Saxe-Cobourg, roi bulgare, prenait le titre de tsar, véritable bravade que la Russie n’eut point tolérée en d’autres époques. Mais, sagement Nicolas II subit l’affront, et engagea même le gouvernement serbe à se résigner en présence des mobilisations inquiétantes de la Double-Monarchie.

      Le fourbe teuton n’avait point réussi à exaspérer contre l’Autriche-Hongrie deux Gouvernements slaves; son impatience d’obliger l’empereur d’Autriche à faire la guerre devint extrême. Il revint aux machinations en Occident, et déterra d’un tour de main la question marocaine. Son coup d’Agadir vaut une charge à fond. consortiums

      Guillaume II profitait du régime des consortiums franco-allemands, qu’organisèrent Caillaux et de Schœn; et il pouvait choisir entre deux excellentes perspectives. Si la France eut résisté, sa préparation militaire, aussi défectueuse par la faute du ministre Messimy en 1911, que par celle de ses prédécesseurs André et Berteaux en 1905, aurait permis à l’envahisseur de pénétrer dans Paris avant que les armées du tsar Nicolas II fussent réunies aux abords de la frontière allemande. Autrement, céder aux injonctions teutonnes, jusqu’à renonveler, en d’autres termes, non moins ambigus, la convention d’Algésiras, et de plus faire abandon, par peur, d’un territoire colonial, n’était-ce pas le plus terrible aveu de décadence que formulerait, à la face du monde, le peuple français, quarante ans après la guerre de 1870?

      Caillaux prépara une fusion franco-teutonne. Jaurès le soutint. Les pangermanistes se réjouirent d’avance. Un sculpteur boche, ayant atelier à Paris, modelait pour la venue triomphale du kaiser, en France, des bustes de toutes les grandeurs.

      Pris d’inquiétude, parce qu’on ne sentait point, comme état-tampon, la France entre l’Allemagne et l’Angleterre, déjà sir Edward Grey disait: “ nous ne serons pas le chien qui se met dans la mangeoire pour empêcher le cheval de manger.”

      Dans toute la France passa un frisson belliqueux. On s’émut des conséquences immédiates du traité marocain. Quelles alliances résisteraient à cet abaissement? Le peuple français, auquel dès lors ni les Russes, ni les Anglais, ni les Serbes, ni les Belges, ne pouvaient reconnaître le moindre courage, dégénérerait-il jusqu’au point où il serait mûr pour la kultur allemande, qu’on lui infuserait en confisquant son indépendance?

      Tout-à-coup notre illustre vétéran de Rezonville décrivit les œuvres ténébreuses du ministère Caillaux: “ Je suis,

       “ disait le comte de Mun, à la Chambre des Députés, un

      “ très ancien et très déterminé partisan du protectorat de

      “ la France au Maroc; je l’ai toujours considéré comme

      “ une conséquence nécessaire de la domination de la

      “ France sur l’Algérie et l’achèvement de l’œuvre accomplie

      “depuis 80 ans par les gouvernements successifs

      “ dans l’Afrique du Nord. J’ai soutenu devant l’opinion

      “ les efforts qui nous ont été imposés, bien que je les aie

      “ trouvés quelquefois dirigés sans une énergie suffisante, et

      “ surtout sans une méthode vraiment efficace. J’ai cru, je

      “ crois encore qu’on pouvait aboutir à un protectorat de

      “ fait plus rapidement, avec beaucoup moins de complications,

      “ si, à Paris on avait considéré la question marocaine

      “ comme une question algérienne et non comme une question

      “ européenne, et si, appuyés sur cette base de l’Algérie,

      “ nous avions progressé à l’abri de la force militaire,

      “ par la protection des intérêts.”

      Cette fière critique émise, le comte de Mun hésitait à requérir la répudiation du traité Caillaux, sachant quel travail


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