La diva. Édouard Cadol
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Édouard Cadol
La diva
Publié par Good Press, 2021
EAN 4064066327057
Table des matières
IV UNE SOIRÉE THÉATRALE AU CHATEAU DE COMPIÈGNE
XI DANS LES PETITS APPARTEMENTS
XIII LE VICOMTE GONTRAN DE VAL–HUCHON
I
LOUIS SKÉBEL
Il faisait un temps atroce; ce froid de novembre, où la décomposition des feuilles tombées, en saturant l’atmosphère de miasmes fiévreux, triple la mortalité dans les agglomérations populeuses. A Paris, les enfants tombaient comme des mouches à la première gelée; les hôpitaux regorgeaient.
Il faisait cher vivre, et la masse des petits employés, chassés dans la banlieue, s’endettaient en criant la faim.
Cependant les journaux officieux publiaient tous les matins le même article satisfait sur la prospérité du pays, assurant que, grâce au gouvernement, tout allait le mieux du monde.
De fait, boursiers et femmes faciles menaient un train princier et nombre de gens, qu’autrefois on avait vus affublés de guenilles, tranchaient maintenant du personnage.
Or, un soir, vers sept heures, un grand diable de garçon, joufflu, mal peigné, crotté comme un poète de l’ancien temps,–ils ont des parts d’agent de change aujourd’hui! –et insuffisamment couvert d’un paletot d’été, que le grand soleil et la pluie avaient rendu de couleur indécise, arpentait lestement la rue de Richelieu.
Quelque hâte qu’il parût avoir d’arriver au terme de sa course, chaque fois qu’il rencontrait au passage les affiches de spectacles, il s’arrêtait net, et cherchant celle du Théâtre– Lyrique, il se plantait devant.
Elle était double ce jour–là.
La première division portait le spectacle du soir: Richard Cœur–de–Lion, et le Roi Candaule, d’Eugène Diaz.
La seconde était disposée à peu près ainsi:
«Demain, relâche
» pour sixième représentation
» Par ordre
» AU CHATEAU IMPÉRIAL DE COMPIÈGNE DE
» LA PRINCESSE ALDÉE,
» Opéra fantastique en cinq tableaux; paroles de
» MM. Jules Barbier et Michel Carré,
» Musique de
» M. LOUIS SKÉBEL.»
On eût dit que ce grand diable de garçon eût entrepris d’en apprendre le texte par cœur. Après une première lecture, il y revenait, et, à la dernière ligne, il prononçait à mi– voix, ce nom de: Louis Skébel, avec une sorte de délectation intime; le répétant à plusieurs reprises, en nuançant ses inflexions.
C’est que ce Louis Skébel, c’était lui.
Natif de Thionville, fils du greffier de la mairie, il s’était senti la vocation de la composition musicale, et contre vent et marée il avait suivi son idée, avec ce bel entêtement de Lorrain, dont le diable n’aurait pas raison.
A dix–sept ans, las de lutter contre la résistance de son père, qui n’était ni moins Lorrain ni moins entêté que son fils, celui–ci prit la clef des champs, et, fort de son vouloir, il débarqua à Paris, avec quatre louis dans sa poche, un violon, dont il avait appris tout seul à se servir, et toute sa garde–robe dans un foulard.
Le matin même de son arrivée, se donnant seulement le temps de se débarbouiller, afin qu’on ne le prît pas pour un nègre, il se présenta dans deux endroits qui n’ont, en apparence, que peu de rapports entre eux: au Conservatoire de musique et à Saint–Eustache.
Ici et là, on lui fit subir un examen quelques jours après.
Il échoua au Conservatoire; mais il fut accepté à la maîtrise de Saint–Eustache, à titre d’enfant de chœur solo d’attaque, avec la haute paye de dix–huit francs par mois.
C’était maigre; d’autant