Le vicomte de Bragelonne, Tome II.. Dumas Alexandre

Le vicomte de Bragelonne, Tome II. - Dumas Alexandre


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sait les affaires, dit Manicamp.

      – À qui le dites-vous! Aussi, quand je serai roi, je vous promets une chose.

      – Laquelle? de vous appeler Malicorne Ier?

      – Non, de vous faire surintendant de mes finances; mais ce n'est point de cela qu'il s'agit.

      – Malheureusement.

      – Il s'agit de me procurer une seconde charge de fille d'honneur.

      – Mon ami, vous me promettriez le ciel que je ne me dérangerais pas dans ce moment-ci.

      Malicorne fit sonner sa poche.

      – Il y a là vingt pistoles, dit Malicorne.

      – Et que voulez-vous faire de vingt pistoles, mon Dieu?

      – Eh! dit Malicorne un peu fâché, quand ce ne serait que pour les ajouter aux cinq cents que vous me devez déjà!

      – Vous avez raison, reprit Manicamp en tendant de nouveau la main, et sous ce point de vue je puis les accepter. Donnez-les moi.

      – Un instant, que diable! il ne s'agit pas seulement de tendre la main; si je vous donne les vingt pistoles, aurai-je le brevet?

      – Sans doute.

      – Bientôt?

      – Aujourd'hui.

      – Oh! prenez garde, monsieur de Manicamp! vous vous engagez beaucoup, et je ne vous en demande pas si long. Trente lieues en un jour, c'est trop, et vous vous tueriez.

      – Pour obliger un ami, je ne trouve rien d'impossible.

      – Vous êtes héroïque.

      – Où sont les vingt pistoles?

      – Les voici, fit Malicorne en les montrant.

      – Bien.

      – Mais, mon cher monsieur Manicamp, vous allez les dévorer rien qu'en chevaux de poste.

      – Non pas; soyez tranquille.

      – Pardonnez-moi.

      – Quinze lieues d'ici à Étampes…

      – Quatorze.

      – Soit; quatorze lieues font sept postes; à vingt sous la poste, sept livres; sept livres de courrier, quatorze; autant pour revenir, vingt-huit; coucher et souper autant; c'est une soixantaine de livres que vous coûtera cette complaisance.

      Manicamp s'allongea comme un serpent dans son lit, et fixant ses deux grands yeux sur Malicorne:

      – Vous avez raison, dit-il, je ne pourrais pas revenir avant demain.

      Et il prit les vingt pistoles.

      – Alors, partez.

      – Puisque je ne pourrai revenir que demain, nous avons le temps.

      – Le temps de quoi faire?

      – Le temps de jouer.

      – Que voulez-vous jouer?

      – Vos vingt pistoles, pardieu!

      – Non pas, vous gagnerez toujours.

      – Je vous les gage, alors.

      – Contre quoi!

      – Contre vingt autres.

      – Et quel sera l'objet du pari?

      – Voici. Nous avons dit quatorze lieues pour aller à Étampes.

      – Oui.

      – Quatorze lieues pour revenir.

      – Oui.

      – Par conséquent vingt-huit lieues.

      – Sans doute.

      – Pour ces vingt-huit lieues, vous m'accordez bien quatorze heures?

      – Je vous les accorde.

      – Une heure pour trouver le comte de Guiche?

      – Soit.

      – Et une heure pour lui faire écrire la lettre à Monsieur?

      – À merveille.

      – Seize heures en tout.

      – Vous comptez comme M. Colbert.

      – Il est midi?

      – Et demi.

      – Tiens! vous avez une belle montre.

      – Vous disiez?.. fit Malicorne en remettant sa montre dans son gousset.

      – Ah! c'est vrai; je vous offrais de vous gagner vingt pistoles contre celles que vous m'avez prêtées, que vous aurez la lettre du comte de Guiche dans…

      – Dans combien?

      – Dans huit heures.

      – Avez-vous un cheval ailé?

      – Cela me regarde. Pariez-vous toujours?

      – J'aurai la lettre du comte dans huit heures?

      – Oui.

      – Signée?

      – Oui.

      – En main?

      – En main.

      – Eh bien, soit! je parie, dit Malicorne, curieux de savoir comment son vendeur d'habits se tirerait de là.

      – Est-ce dit?

      – C'est dit.

      – Passez-moi la plume, l'encre et le papier.

      – Voici.

      – Ah!

      Manicamp se souleva avec un soupir, et s'accoudant sur son bras gauche, de sa plus belle écriture il traça les lignes suivantes: «Bon pour une charge de fille d'honneur de Madame que M. le comte de Guiche se chargera d'obtenir à première vue. De Manicamp.» Ce travail pénible accompli, Manicamp se recoucha tout de son long.

      – Eh bien? demanda Malicorne, qu'est-ce que cela veut dire?

      – Cela veut dire que si vous êtes pressé d'avoir la lettre du comte de Guiche pour Monsieur, j'ai gagné mon pari.

      – Comment cela?

      – C'est limpide, ce me semble; vous prenez ce papier.

      – Oui.

      – Vous partez à ma place.

      – Ah!

      – Vous lancez vos chevaux à fond de train.

      – Bon!

      – Dans six heures, vous êtes à Étampes; dans sept heures, vous avez la lettre du comte, et j'ai gagné mon pari sans avoir bougé de mon lit, ce qui m'accommode tout à la fois et vous aussi, j'en suis bien sûr.

      – Décidément, Manicamp, vous êtes un grand homme.

      – Je le sais bien.

      – Je pars donc pour Étampes.

      – Vous partez.

      – Je vais trouver le comte de Guiche avec ce bon.

      – Il vous en donne un pareil pour Monsieur.

      – Je pars pour Paris.

      – Vous allez trouver Monsieur avec le bon du comte de Guiche.

      – Monsieur approuve.

      – À l'instant même.

      – Et j'ai mon brevet.

      – Vous l'avez.

      – Ah!

      – J'espère que je suis gentil, hein?

      – Adorable!

      – Merci.

      – Vous faites donc du comte de Guiche tout ce que vous voulez, mon cher Manicamp?

      – Tout,


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