Le vicomte de Bragelonne, Tome II.. Dumas Alexandre

Le vicomte de Bragelonne, Tome II. - Dumas Alexandre


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important?

      – Enfin, si un de vos amis vous demandait un service?

      – Je ne le lui rendrais pas.

      – Égoïste!

      – Ou du moins je lui demanderais quel service il me rendra en échange.

      – À la bonne heure! Eh bien! cet ami vous parle.

      – C'est vous, Malicorne?

      – C'est moi.

      – Ah çà! vous êtes donc bien riche?

      – J'ai encore cinquante pistoles.

      – Juste la somme dont j'ai besoin. Où sont ces cinquante pistoles?

      – Là, dit Malicorne en frappant sur son gousset.

      – Alors, parlez, mon cher; que vous faut-il?

      Malicorne reprit l'encre, la plume et le papier, et présenta le tout à Manicamp.

      – Écrivez, lui dit-il.

      – Dictez.

      – «Bon pour une charge dans la maison de Monsieur.»

      – Oh! fit Manicamp en levant la plume, une charge dans la maison de Monsieur pour cinquante pistoles?

      – Vous avez mal entendu, mon cher.

      – Comment avez-vous dit?

      – J'ai dit cinq cents.

      – Et les cinq cents?

      – Les voilà.

      Manicamp dévora des yeux le rouleau; mais, cette fois, Malicorne le tenait à distance.

      – Ah! qu'en dites-vous? Cinq cents pistoles…

      – Je dis que c'est pour rien, mon cher, dit Manicamp en reprenant la plume, et que vous userez mon crédit; dictez.

      Malicorne continua:

      – «Que mon ami le comte de Guiche obtiendra de Monsieur pour mon ami Malicorne.»

      – Voilà, dit Manicamp.

      – Pardon, vous avez oublié de signer.

      – Ah! c'est vrai. Les cinq cents pistoles?

      – En voilà deux cent cinquante.

      – Et les deux cent cinquante autres?

      – Quand je tiendrai ma charge.

      Manicamp fit la grimace.

      – En ce cas, rendez-moi la recommandation, dit-il.

      – Pourquoi faire?

      – Pour que j'y ajoute un mot.

      – Un mot?

      – Oui, un seul.

      – Lequel?

      – «Pressé.»

      Malicorne rendit la recommandation: Manicamp ajouta le mot.

      – Bon! fit Malicorne en reprenant le papier.

      Manicamp se mit à compter les pistoles.

      – Il en manque vingt, dit-il.

      – Comment cela?

      – Les vingt que j'ai gagnées.

      – Où?

      – En pariant que vous auriez la lettre du duc de Guiche dans huit heures.

      – C'est juste.

      Et il lui donna les vingt pistoles.

      Manicamp se mit à prendre son or à pleines mains et le fit pleuvoir en cascades sur son lit.

      – Voilà une seconde charge, murmurait Malicorne en faisant sécher son papier, qui, au premier abord, paraît me coûter plus que la première; mais…

      Il s'arrêta, prit à son tour la plume, et écrivit à Montalais:

      «Mademoiselle, annoncez à votre amie que sa commission ne peut tarder à lui arriver; je pars pour la faire signer: c'est quatre- vingt-six lieues que j'aurai faites pour l'amour de vous…»

      Puis avec son sourire de démon, reprenant la phrase interrompue:

      – Voilà, dit-il, une charge qui, au premier abord, paraît me coûter plus cher que la première; mais… le bénéfice sera, je l'espère, dans la proportion de la dépense, et Mlle de La Vallière me rapportera plus que Mlle de Montalais, ou bien, ou bien, je ne m'appelle plus Malicorne. Adieu, Manicamp.

      Et il sortit.

      Chapitre LXXXI – La cour de l'hôtel Grammont

      Lorsque Malicorne arriva à Étampes, il apprit que le comte de Guiche venait de partir pour Paris. Malicorne prit deux heures de repos et s'apprêta à continuer son chemin.

      Il arriva dans la nuit à Paris, descendit à un petit hôtel dont il avait l'habitude lors de ses voyages dans la capitale, et le lendemain, à huit heures, il se présenta à l'hôtel Grammont.

      Il était temps que Malicorne arrivât.

      Le comte de Guiche se préparait à faire ses adieux à Monsieur avant de partir pour Le Havre, où l'élite de la noblesse française allait chercher Madame à son arrivée d'Angleterre.

      Malicorne prononça le nom de Manicamp, et fut introduit à l'instant même. Le comte de Guiche était dans la cour de l'hôtel Grammont, visitant ses équipages, que des piqueurs et des écuyers faisaient passer en revue devant lui.

      Le comte louait ou blâmait devant ses fournisseurs et ses gens les habits, les chevaux et les harnais qu'on venait de lui apporter, lorsque au milieu de cette importante occupation On lui jeta le nom de Manicamp.

      – Manicamp? s'écria-t-il. Qu'il entre, parbleu! qu'il entre!

      Et il fit quatre pas vers la porte. Malicorne se glissa par cette porte demi-ouverte, et regardant le comte de Guiche surpris de voir un visage inconnu en place de celui qu'il attendait:

      – Pardon, monsieur le comte, dit-il, mais je crois qu'on a fait erreur: on vous a annoncé Manicamp lui-même, et ce n'est que son envoyé.

      – Ah! ah! fit de Guiche un peu refroidi, et vous m'apportez?

      – Une lettre, monsieur le comte.

      Malicorne présenta le premier bon et observa le visage du comte.

      Celui-ci lut et se mit à rire.

      – Encore! dit-il, encore une fille d'honneur? Ah ça! mais ce drôle de Manicamp protège donc toutes les filles d'honneur de France?

      Malicorne salua.

      – Et pourquoi ne vient-il pas lui-même? demanda-t-il.

      – Il est au lit.

      – Ah! diable! Il n'a donc pas d'argent?

      De Guiche haussa les épaules.

      – Mais qu'en fait-il donc, de son argent?

      Malicorne fit un mouvement qui voulait dire que, sur cet article- là, il était aussi ignorant que le comte.

      – Alors qu'il use de son crédit, continua de Guiche.

      – Ah! mais c'est que je crois une chose.

      – Laquelle?

      – C'est que Manicamp n'a de crédit qu'auprès de vous, monsieur le comte.

      – Mais alors il ne se trouvera donc pas au Havre?

      Autre mouvement de Malicorne.

      – C'est impossible, et tout le monde y sera!

      – J'espère, monsieur le comte, qu'il ne négligera point une si belle occasion.

      – Il devrait déjà être à Paris.

      – Il prendra la traverse pour regagner le temps perdu.

      – Et où est-il?

      – À


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