Makossa Love. Tome 1 : La très amusante et passionnante recherche de la femme blanche, " Madame Visa ". Roman. Guy Dantse
que le nom « Ndé » est un sigle signifiant Noblesse, Dignité et Élégance. Et c'est ainsi qu'il essayait toujours de se conduire ; tout du moins en ce qui concerne l'élégance.
Alors qu'il n'avait que dix ans, ses parents furent mutés à Bafoussam. Bafoussam est le chef-lieu de la région Bamiléké. Le pays de la Terre Rouge. Il est fréquent au Cameroun, que les fonctionnaires d'état soient mutés de ville en ville afin que leurs services puissent être proposés à toutes les populations. C'est ainsi que l'unité du pays et le sentiment d'appartenance se renforcent.
Il est le dernier-né d'une famille de sept enfants, il a deux frères et quatre sœurs. On comprend aisément qu'il fut, de ce fait, très choyé. Il était le chouchou de la famille. Il n'a jamais appris à faire d'effort pour obtenir ce qu'il voulait. Tout lui était apporté sur un plateau d'argent et cette situation lui convenait parfaitement.
Après l'obtention de leurs baccalauréats, ses deux frères et trois de ses sœurs étaient partis étudier en Europe ou aux USA. Ils lui envoyaient régulièrement de beaux vêtements, des jeux récents, etc. Tous les enfants de la ville, garçons comme filles, voulaient être amis avec lui. On le surnommait à l'époque le « Hot Guy ».
Une soirée sans lui ne valait pas le coup. Il était le centre des événements de la ville.
Les jeunes passaient tous leurs mercredis après-midi ainsi que les samedis et dimanches sur le terrain de sport « La Pelouse », derrière la mairie de Bafoussam. Ces jours-là, des élèves de différentes écoles se retrouvaient, soi-disant, pour faire du sport. Mais en réalité, il s'agissait plus de faire le show, de savoir qui avait les chaussures les plus récentes, le téléphone le plus moderne et de draguer les filles.
Hot Guy était toujours le mieux habillé, il avait toujours quelque chose de neuf sur lui et souvent de délicieuses friandises en provenance d'Europe à distribuer. Elles lui étaient envoyées par ses frères et sœurs.
On aurait pu s'attendre à ce qu'il se vante. Mais étonnamment, Johnny n'était pas arrogant ou snob. Il était toujours de bonne humeur, toujours souriant. Il ne brusquait jamais ses amis et était très serviable. Il donnait aussi sans compter.
À l'époque, on pouvait déjà remarquer qu'il était très intelligent. Quand il avait quelque chose en tête, rien ni personne ne pouvait l'empêcher de le réaliser.
Il était sûr de lui, empli d'assurance. Déjà petit écolier, il dégageait un charisme irrésistible, bien qu'il ne soit pas le plus beau de sa classe.
Il finit l'école avec succès. Après son bac, qu’il a réussi avec la mention très bien, il partit étudier dans la capitale économique du pays : Douala.
Un an plus tard, son père mourut dans un accident mystérieux. Tout le monde parlait de magie noire, on disait que son père faisait partie d'une loge satanique. En Afrique, on ne meurt pas de causes naturelles. Il y a toujours une raison lorsqu'un homme meurt. On raconta beaucoup d'histoires à ce sujet : par exemple, un homme raconta que le père de Johnny devait mourir, car il n'avait pas voulu faire de sacrifices. Il n'avait pas voulu payer le prix pour son succès fulgurant malgré le pacte passé avec des esprits. En punition, il devait donc mourir dans un accident bizarre pour effrayer les gens dans la même situation. L'accident était effectivement très étrange. Il était en route entre Bafoussam et Douala, sur les plus belles routes du Cameroun qui serpentent entre les montagnes, dans un paysage magnifique, quand il eut l’accident de voiture, sans aucun dommage matériel ou physique. On a retrouvé sa voiture au milieu de la route, le moteur encore chaud, il était simplement assis derrière le volant comme s'il se reposait. Mais il était mort. Il y avait aussi un boa dans la voiture, qui était mort lui aussi. Voilà pour l'histoire.
Un boa ?! En pleine journée ?! Dans une voiture climatisée ?! Bien que personne n'ait vu le boa, et qu'il n'y avait aucune preuve de sa présence, cela suffit pour réveiller l'imaginaire des gens : « C'est un sectaire » (il fait partie d'une société secrète). « Maintenant on comprend pourquoi il avait tant d'argent » et « Oui, tous ses enfants sont en Europe », disaient les uns, « Oh oui et son frère qui est mort il y a cinq ans ! Peut-être l'a-t-il tué pour ce pacte… ? », disaient les autres. Il était donc clair que cet homme faisait partie d'une secte. Il avait gagné son argent par le sang et c'est pour ça qu'il était mort. Que ce soit vrai ou pas, n'intéressait personne. Seule l'histoire intéressait les gens.
Suite au décès de son père, les huissiers avaient pris possession de tous leurs biens à cause de prétendues dettes, cela n'était donc plus simplement des bruits de couloir, mais cela devenait tangiblement la vérité. Cet homme faisait partie d'un groupe mystique qui vénérait le diable. Tu peux avoir tout ce que tu veux : gloire, argent, succès... mais à un moment donné tu dois forcément en payer le prix et toutes tes richesses disparaissent simplement après ta mort, comme elles sont apparues.
Ces gens-là sont certes physiquement morts, mais ils continuent à vivre dans un autre monde, où ils devront travailler éternellement pour rembourser tout ce qu'ils ont pu avoir sur terre. C'est leur punition. C'est en tout cas ce qu'on raconte au Cameroun.
C'est ainsi que dans la culture et les croyances africaines, les morts ne sont pas vraiment morts. Ils continuent à vivre. C'est pourquoi le culte des morts est très important. Ils continuent à vivre, dans une autre dimension certes, mais voient tout ce qui se passe sur terre et on peut également entrer en contact avec eux. On entend de partout des histoires de gens, qui ont vu le fantôme d'un membre de leur famille africaine et qui ont pu discuter avec lui. C'est ainsi qu'on peut notamment connaître les raisons de sa mort.
Cette histoire a beaucoup marqué Johnny, car elle était fausse. Tout son monde s'est écroulé après la mort de son père. Il ne pouvait plus se payer le luxe et la belle vie qu'il menait jusqu'alors. Ses frères et sœurs en Europe et en Amérique avaient eux aussi leurs propres familles, ils ne pouvaient pas, et ne voulaient plus s'occuper de lui. Mais il tint le coup, courageusement.
Le temps passa, il avait désormais 32 ans. Assez vieux, pour découvrir le monde par lui-même. Entre-temps, le « Hot Guy » devint Johnny Walker à Douala. Il finit ses études de philosophie et de psychologie à 27 ans. Mais que pouvait-il faire de ça au Cameroun ? Être professeur et gagner 200 € par mois ? Non, cela était trop peu pour cet homme ingénieux. Il vivait de petits boulots et grâce à de riches femmes mariées qui cherchaient de beaux jeunes hommes pour prendre du plaisir.
Il était très étonnant de voir comment Johnny Walker s'était adapté à sa nouvelle réalité. Il ne s'était jamais plaint. Il n'avait rien perdu de sa dignité et de son élégance. Il développait des stratégies pour vivre. Certains appelleraient ça survivre, mais Johnny Walker ne faisait pas partie de ces hommes qui ne laissent rien transparaître quand quelque chose n'allait pas bien. Non, il était trop fier pour ça.
Il s'achetait des vêtements de marque venant d'Europe dans des magasins de seconde main. Il les faisait laver dans des laveries modernes et ils en ressortaient comme neufs, ainsi, il était toujours parfaitement habillé, comme avant.
Les femmes l'aimaient. Des bruits couraient que c'était un étalon au lit, mais qu'il était tendre, doux et attentionné. On disait, qu'il était désormais blacklisté de certains hôtels de passe lorsqu'il était en compagnie d'une femme. La raison en était les cris perçants des femmes qui dérangeaient non seulement les clients de l'hôtel, mais aussi le voisinage. La police avait dû intervenir plusieurs fois afin qu'il soit plus silencieux. C'est ainsi que, sans le vouloir, Johnny devint un coureur de jupons à Douala.
Il vivait dans un appartement 3 pièces, paisible, dans un quartier lambda du quartier de Bonaberi avec Rita et leurs deux enfants.
Il n'était peut-être pas heureux de sa nouvelle situation, mais il avait su l’accepter. Il ne se plaignait jamais. Quand il avait de l'argent, il fêtait toute la soirée, dépensant jusqu'au dernier centime. Le jour suivant, sans un sou, il restait simplement à la maison à lire, sans déranger personne ou alors il passait du temps chez Wadjo, un musulman du nord du Cameroun qui tenait un petit cybercafé.
C'est