L'éclaireur. Aimard Gustave

L'éclaireur - Aimard Gustave


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coulaient sur ses joues.

      – Ma sœur, mon amie, ma Laura! s'écria l'autre jeune fille en l'embrassant tendrement, soit courageuse jusqu'au bout; ne reste-je pas avec toi? Oh! Ne crains rien, ajouta-t-elle avec une charmante expression, je prendrai la moitié de tes peines, comme cela le fardeau te semblera moins lourd.

      – Pauvre Luisa, murmura la jeune fille en lui rendant ses caresses, c'est à cause de moi que tu es malheureuse; comment pourrai-je jamais reconnaître ton dévouement?

      – En m'aimant comme je t'aime, mon ange chérie, et en reprenant espoir.

      – Avant un mois, je l'espère, reprit don Miguel, vos persécuteurs seront mis pour toujours dans l'impossibilité de vous nuire; je joue avec eux une partie terrible, dont ma tête est l'enjeu; mais peu m'importe, si je vous sauve. Laissez-moi, en vous quittant, emporter dans mon cœur l'espoir que vous n'essayerez en aucune façon de sortir du refuge que je vous ai trouvé, et que vous attendrez patiemment mon retour.

      – Hélas! caballero, vous le savez, je n'existe que par un miracle; mes parents, mes amis, tous ceux enfin que j'aimais m'ont abandonné, excepté Luisa, ma sœur de lait, dont le dévouement pour moi ne s'est jamais démenti; et vous que je ne connaissais pas, que je n'avais jamais vu, et qui, tout à coup, vous êtes révélé à moi dans ma tombe, comme l'ange de la justice divine; depuis cette nuit terrible où, comme Lazare, je suis, grâce à vous, sortie du sépulcre, vous m'avez entourée des soins les plus délicats et les plus intelligent, vous avez remplacé ceux qui m'avaient trahie, vous avez été pour moi plus qu'un père, presque un dieu.

      – Señorita! s'écria le jeune homme confus et heureux à la fois de ces paroles.

      – Je vous dis cela, don Miguel, continua-t-elle avec une certaine animation fébrile, parce je tiens à vous prouver que je ne suis pas ingrate. Je ne sais ce que, dans sa sagesse, Dieu décidera de moi; mais, sachez-le, ma dernière prière et ma dernière pensée seront pour vous. Vous voulez que je vous attende, je vous obéirai; croyez-le bien, je ne dispute plus ma vie que par une certaine curiosité de joueur aux abois, ajouta-t-elle avec un sourire navrant; mais je comprends combien vous avez besoin de votre liberté d'action pour la rude partie que vous avez entreprise; aussi, partez tranquille, j'ai foi en vous.

      – Merci, señorita, cette promesse double mes forces, Oh! Maintenant, je suis certain de réussir.

      Un espèce de jacal en branchage avait été préparé pour les jeunes filles par l'autre chasseur et le guerrier indien; elles s'y retirèrent pour se livrer au sommeil.

      Quelque bourrelé d'inquiétudes que fût l'esprit du jeune homme, cependant, après quelques minutes d'une méditation profonde, il s'étendit auprès de ses compagnons et ne tarda à s'endormir. Au désert, la nature ne perd jamais ses droits, les plus grandes douleurs ne parviennent que rarement à l'emporter sur les exigences matérielles de l'organisation humaine.

      A peine les premiers rayons du soleil commencèrent-ils à teindre le ciel d'un reflet d'opale, que les chasseurs ouvrirent les yeux. Les préparatifs du départ furent bientôt terminés, le moment de la séparation arriva, les adieux furent tristes. Les deux chasseurs avaient accompagné les jeunes filles jusqu'à la lisière de la forêt, afin de demeurer plus longtemps avec elles.

      Doña Luisa, profitant d'un instant ou le chemin devenait tellement étroit qu'il était presque impossible de marcher deux de front, s'approcha du chasseur compagnon de don Miguel:

      – Un service, lui dit-elle rapidement à voix basse.

      – Parlez, lui répondit celui-ci sur le même ton.

      – Cet Indien ne m'inspire qu'une médiocre confiance.

      – Vous avez tort, je le connais.

      Elle secoua la tête d'un air mutin.

      – C'est possible, fit-elle; voulez-vous me rendre le service que je réclame de vous? Sans cela je le demanderai à don Miguel, quoique j'eusse préféré le lui laisser ignorer.

      – Parlez, vous dis-je.

      – Donnez-moi un couteau et vos pistolets.

      Le chasseur la regarda en face.

      – Bien, dit-il au bout d'un instant, vous êtes une brave fille. Voilà ce que vous me demandez.

      Et sans que personne s'en aperçut, il lui remit les objets qu'elle désirait obtenir de lui, en y joignant deux petits sacs, l'un de poudre et l'autre de balles.

      – On ne sait pas ce qu'il peut arriver, fit-il.

      – Merci, lui dit-elle avec un mouvement de joie dont elle ne fut pas maîtresse.

      Puis tout fut dit: elle fit disparaître les armes sous ses vêtements avec une prestesse et un certain air résolu qui firent sourire le chasseur.

      Cinq minutes plus tard, on arriva sur la lisière de la forêt.

      – Addick, dit laconiquement le chasseur, souvenez-vous que vous me répondez de ces deux femmes!

      – Addick a juré, répondit seulement l'Indien.

      On se sépara; il était impossible de demeurer plus longtemps à l'endroit où l'on se trouvait sans courir le risque d'être découvert par les Indiens.

      Les jeunes filles et le guerriers se dirigèrent vers la ville.

      – Montons sur la colline, dit don Miguel, afin de les revoir une dernière fois.

      – J'allais vous le proposer, répondit simplement le chasseur.

      Ils reprirent, avec les mêmes précautions, la place qu'ils avaient pendant quelques minutes occupée la nuit précédente.

      Aux rayons resplendissants du soleil qui s'était levé radieux, la verte campagne avait pris un aspect véritablement enchanteur. La nature s'était pour ainsi dire animée, et un spectacle des plus variés avait remplacé l'aspect sombre et solitaire sous lequel elle leur était apparue la veille.

      Des portes de la ville, qui étaient ouvertes, sortaient des groupes d'Indiens à pied et à cheval, qui se dispersaient de tous les côtés, avec des cris de joie et des éclats de rire stridents. De nombreuses pirogues sillonnaient la rivière, les champs se peuplaient de troupeaux de vigognes et de chevaux conduits par des Indiens armés de longues gaules, qui, venus des environs, se dirigeaient vers la ville. Des femmes bizarrement vêtues et portant gaillardement sur leur tête de longues mannes en osier remplies de viandes, de fruits ou de légumes, marchaient en causant entre elles, et accompagnant chaque phrase de ce rire continuel, saccadé et métallique dont les peuplades indiennes ont le secret et dont le bruit ressemble assez à celui que produirait la chute d'une quantité de cailloux sur un plat de cuivre.

      Les jeunes filles et leur guide ne tardèrent pas à se mêler à cette foule bigarrée, au milieu de laquelle elles disparurent.

      Don Miguel poussa un soupir.

      – Partons, dit-il d'une voix profonde.

      Ils regagnèrent la forêt.

      Quelques minutes plus tard ils se remettaient en route.

      – Il faut nous séparer, fit don Miguel, lorsqu'ils eurent traversé la forêt dans toute sa longueur, je retourne à Tubac.

      – Moi, je vais tâcher de rendre un petit service à un chef indien de mes amis.

      – Toujours vous songez aux autres et jamais à vous, mon brave Bon-Affût; toujours vous êtes occupé à être utile à quelqu'un.

      – Que voulez-vous, don Miguel, il paraît que c'est ma mission; vous savez que chacun a la sienne sur la terre.

      – Oui, répondit le jeune homme d'une voix sourde. Allons, adieu, ajouta-t-il au bout d'un instant, n'oubliez pas notre rendez-vous.

      – Soyez tranquille, dans quinze jours, au gué del Rubio, c'est convenu.

      – Pardonnez-moi mes réticences pendant les quelques jours que nous avons passés ensemble; ce secret n'est pas à moi seul, Bon-Affût; je ne suis pas le maître de le divulguer, même


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