Histoire des Plus Célèbres Amateurs Étrangers. Dumesnil Antoine Jules
'ambi i penelli e le quadrella;
Due esempi han fatto d'una donna bella,
E sacrati al Mendoza, aureo signore.
Onde egli altier di si divin favore,
Per seguir cotal dea, come sua stella,
Con cerimonie appartenenti a quella,
L'uno in camera tien, l'altro nel core.
E mentre quell'effigie e questo imago
Dentro à se scopre e fuor cela ad altrui;
E in cio, che più desia, meno appar vago.
Vanta il secreto, che si asconde in lui,
Che s'ogn'un è del foco suo presago,
Ardendo poi non sà verun di cui.
«Titien et l'Amour prirent tous deux en cachette les pinceaux et la palette, et firent deux portraits d'une belle dame, chère au Mendoza, chevalier de la Toison d'or. Fier de cette faveur divine, et voulant suivre cette déesse comme son étoile, et la traiter avec les honneurs qu'elle mérite, ce seigneur a placé l'un des portraits dans sa chambre et fait entrer l'autre dans son cœur. Et, tandis qu'il admire en lui-même ces deux images, il les cache avec soin à tout autre, se montrant ainsi, en apparence, peu désireux de ce qu'il souhaite le plus. Il est heureux du secret qu'il cache si bien; de telle sorte, que si l'on peut présumer qu'il brûle du feu de l'amour, au moins ne sait-on pas quel est l'objet de sa flamme.»
Les sonnets de Partenio ne restèrent sans doute pas sans récompense; car les poëtes de circonstance n'avaient pas alors l'habitude d'écrire seulement pour la gloire, et, d'ailleurs, don Diego était généreux. Tiraboschi29 rapporte qu'il fit cadeau de vingt-quatre écus d'or à Ant. Francesco Doni, qui lui avait envoyé la description de la gravure du portrait de Charles-Quint, par Énea Vico Parmigiano. Cette description, imprimée d'abord à Venise en 1550, par le Marcolini, fut plus tard dédiée de nouveau par l'auteur, qui cherchait à tirer profit de sa plume, au marquis Doria et au seigneur Ferrante Caraffa30.
Nous ne suivrons pas don Diego dans son gouvernement de Sienne, dans sa mission au concile de Trente, non plus que dans son ambassade à Rome, qui le contraignit, à son grand regret, de quitter définitivement Venise. Sa carrière politique ressemble à celle de tous les hommes d'État de son siècle. Il recevait de ses maîtres, Charles-Quint et Philippe II, des instructions et des ordres, et il s'y conformait en les faisant exécuter avec le zèle et même le fanatisme ardent qui dominait alors à la cour d'Espagne. Le comte paraît avoir eu en partage un caractère violent et passionné qui, dans l'âge mûr et même dans la vieillesse, le jeta plus d'une fois dans des extrémités regrettables. C'est ainsi, qu'étant ambassadeur à Rome, il eut une véritable altercation avec le pape Paul III (Farnèse), à l'occasion de la translation à Bologne des Pères du concile de Trente, qu'il convenait mieux à la politique de Charles-Quint de maintenir dans cette dernière ville31. Le pape, irrité des remontrances de l'ambassadeur, voulut le consigner dans son palais, mais don Diego lui répondit avec hauteur: «Qu'il était cavalier, et que son père l'avait été; qu'en cette qualité, il devait prendre au pied de la lettre les ordres que lui envoyait son maître, sans aucune crainte de Sa Sainteté, quoique conservant toujours le respect que l'on doit au vicaire du Christ; et qu'étant ministre de l'empereur, sa maison était là où il voulait qu'il mît les pieds, et que là où il se trouvait, il se trouvait en toute sûreté.»
Il paraît qu'il rentra en Espagne vers l'année 1554, qu'il fut maintenu dans le conseil d'État, et qu'il accompagna Philippe II à la grande journée de Saint-Quentin, en 1557. Toutefois, il ne jouissait plus auprès de ce prince de la même confiance qu'il avait pendant si longtemps inspirée à son père, soit que sa conduite en Italie eût déplu au roi, soit, qu'en vieillissant, il dût naturellement perdre de son crédit.
Au milieu des distractions de la cour, il n'oubliait pas les lettres, et c'est à cette époque qu'il composa deux épîtres critiques, vives, éloquentes et remplies, suivant l'appréciation de son biographe32, des plus délicates beautés de la langue castillane, sur l'histoire de la guerre de Charles-Quint contre les luthériens, que venait de publier in-folio, en 1552, Pedro Salazar. Il prit le pseudonyme du bachelier Arcade: dans la première lettre, il critique ouvertement cet ouvrage; dans la seconde, sous prétexte de le défendre, il relève ses erreurs avec encore plus d'acrimonie. Ce caractère ardent avait besoin d'action, et n'étant plus absorbé par le maniement des grandes affaires, il cherchait un autre aliment à son activité encore toute juvénile.
Il lui arriva, vers ce temps, une aventure singulière, qui découvre l'emportement de son humeur et peint bien les mœurs de ce siècle. Se trouvant un jour dans le palais de Philippe II, il se prit de querelle avec un autre grand seigneur. Après un échange d'invectives, ils en vinrent aux mains, et don Diego ayant arraché le poignard de son adversaire, le précipita par la fenêtre. Don Gregorio Mayans ne dit pas si ce seigneur fut tué ou blessé; mais c'est fort probable, si l'on réfléchit qu'il fut jeté du balcon d'un des étages élevés du palais. Cet événement fit beaucoup de bruit et déplut extrêmement à Philippe II, qui donna l'ordre de mettre le comte en prison. Il fut ensuite exilé de la cour, après avoir employé presque toute sa vie à rendre d'importants services à la couronne. Il essaya de se disculper, par des raisons qui passaient alors pour acceptables. Il écrivait à don Diego de Espinosa, évêque de Sigüenza et président du conseil de Castille: «…Je pourrais citer beaucoup d'exemples semblables, outre ceux de ces hommes dont on a feint d'ignorer la conduite, et qui ont été promptement rétablis dans leurs honneurs et leur crédit, sans avoir été, pour ce qu'ils avaient fait, considérés comme fous. Seul, don Diego de Mendoza est obligé d'aller en exil, parce que, revenant par ici, à l'âge de soixante-quatre ans, il se saisit d'un poignard, dans un des corridors du palais, sans qu'on puisse l'excuser, ou lui infliger une réprimande proportionnée. Et afin qu'on ne me regarde pas comme un historien, j'omets de rappeler beaucoup d'autres exemples. Si ceux-ci ne suffisent pas, l'indignation qui me rend muet parlera partout.»
Ces explications hautaines n'apaisèrent point le ressentiment du roi. Il fut donc obligé de se retirer à Grenade, où il vécut dans le calme de l'étude, loin du bruit de la cour, bien qu'il prévît les troubles qui ne tardèrent pas à s'élever dans cette province, et qui se prolongèrent de 1568 à 1570. Don Diego vit éclater, en effet, la révolte de la population moresque, persécutée dans ses croyances par le zèle outré des conquérants. Il écrivit alors sa célèbre Histoire de la guerre de Grenade, composée à la manière de Salluste, remplie de maximes et de réflexions dignes d'un homme d'État, et présentée dans un style vif, concis et profond qui n'a pas été surpassé en espagnol. Ce soulèvement ne lui fit pas quitter Grenade, sa ville natale, qu'il aimait pour sa beauté, ainsi que pour les souvenirs de son enfance et de sa famille. Il continua d'y résider en cultivant les lettres, et en particulier la poésie, comme on le voit par l'épître en vers ou hymne qu'il adressa à don Diego de Espinosa, pour le complimenter sur le chapeau de cardinal que le pape Pie V lui avait envoyé, en mars 1568. Dans cette pièce, il traite le cardinal en ami, et lui insinue ce qu'il a souffert d'être exilé de la cour.
Don Diego était consulté par ses compatriotes les plus instruits sur les sciences et, en particulier, sur les antiquités de l'Espagne, dont il avait fait une étude approfondie. Il n'avait jamais cessé d'entretenir la connaissance qu'il avait acquise dans sa jeunesse des langues hébraïque, arabe et grecque. Il se mit donc à faire des recherches sur les antiquités arabes; il fut déterminé à entreprendre ce travail par le grand nombre de monuments de ce peuple qu'il voyait à Grenade. Malheureusement, ces recherches n'ont pas été publiées; c'est fort regrettable, car elles jetteraient une vive lumière sur l'origine et la destination des monuments de cette nation, qui sont aujourd'hui entièrement détruits, et dont on a perdu l'histoire. Il avait réuni plus de quatre cents manuscrits arabes, ainsi que l'assure Jérôme de Zurita, auquel il en communiqua quelques-uns pour être insérés ou cités dans ses Annales de l'Aragon.
Notre personnage
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Bottari,
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