Robert Burns. Angellier Auguste

Robert Burns - Angellier Auguste


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Si on soulignait les substantifs et les adjectifs qui désignent un mouvement, on soulignerait la moitié des mots. En même temps aucun morceau ne peut mieux faire juger à quel point cette poésie est faite d'exactitude.

      La pièce s'ouvre par une charmante strophe, féerique et légère, toute brillante de clair de lune et qui fait penser aux passages de Shakspeare où passent des elfes et des gnomes. Elle donne aussitôt le caractère, l'atmosphère de superstition de tout le morceau. Elle est tout aérienne.

      Cette nuit où les fées légères

      Sur les dunes de Cassilis dansent;

      Ou bien par les champs, dans une lumière splendide,

      Caracolent sur de vifs coursiers;

      Ou bien prennent la route de Colean

      Sous les pâles rayons de la lune,

      Pour y errer et se perdre dans la caverne,

      Parmi les rocs et les ruisseaux,

      Et jouer cette nuit-là257.

      Ce regard rapide vers les hauteurs sauvages et sombres de Cassilis donne à la réunion autour du feu une sensation de sécurité et de bien-être, en répandant autour de la maison un peu de terreur. On entend courir, dans la nuit, le Doon, sinueux et clair sous la lune. Les voisins arrivent; les fillettes propres et plus jolies que lorsqu'elles ont leurs atours. Les gars viennent bientôt après, avec un double nœud à leurs jarretières pour indiquer qu'ils font leur cour; les uns, taciturnes, les autres, bavards; bien des cœurs déjà se mettent à battre.

      Les cérémonies commencent et, avec elles, les rires, les cris, les exclamations et les bousculades, qui vont aller en grandissant. On se rend d'abord au jardin cueillir, les yeux fermés, une tige de chou. Si elle est grosse ou mince, droite ou tordue, ce sont autant d'indications. Ce sont des cris. Puis, les fillettes vont à la grange arracher un épi, et ce sont d'autres farces et d'autres jeux. Voici qu'on range devant le feu les noix qui doivent décider du destin des filles et des gars: quelques-unes restent tranquilles l'une à côté de l'autre et se consument de compagnie; c'est signe du mariage; d'autres s'agitent, craquent, sautent, éclatent dans la cheminée. Alors ce sont des exclamations, des éclats de rire. Le bruit augmente; les noix font une fusillade; les clameurs se croisent, parmi les jurons de dépit et les confidences. Merran qui pense à Andrew Bill et qui est assise derrière les autres, en profite pour sortir et aller dévider un écheveau de laine dans un pot. Si, en le repelotonnant, quelque chose l'arrête, on peut demander au pot: «qui tient?» Et le pot répond le nom de la personne qu'on doit épouser. Merran raccourt, toute tremblante. Quelque chose a retenu le fil, mais elle n'a pas osé demander qui. Puis, c'est la petite Jenny qui veut aller manger une pomme devant le miroir que lui a donné son oncle Johnnie, car alors le visage de celui qu'on épousera apparaît, comme s'il regardait par dessus votre épaule. La grand'mère la gronde et commence un charmant discours de vieille femme, plein de bavardages du temps passé. C'est Jamie Feck qui a juré d'aller semer un boisseau de lin. Il sort; mais quand il est seul parmi les meules, il siffle la marche de Lord Lennox, pour se donner du courage. Tout à coup, ses cheveux se dressent, il entend un cri perçant, un grognement et un ronflement. Il s'allonge à terre et se met à crier au meurtre. Tout le monde accourt. On cherche l'ennemi. C'est la truie qui trotte parmi eux. Meg voudrait bien aller à la grange vanner trois vans d'air, pour voir passer à la troisième fois Tam Kipples. Elle a donné au berger une poignée de noix et deux pommes aux joues rouges pour qu'il fasse la garde. Mais, à peine entrée, elle entend un rat qui court, et se sauve en criant: «Le Seigneur me préserve!» On a dit à Willie que, s'il tourne trois fois autour d'une meule et y plonge trois fois le bras, il saisira à la troisième fois l'objet aimé.

      Il arriva que la meule qu'il sonda trois fois

      Était étayée de bois, parce qu'elle penchait.

      Il prend un vieux chêne moussu et noueux

      Pour quelque vieille noire et hideuse,

      Lance un juron et lui allonge un coup de poing

      Tel que la peau en fut arrachée

      De ses mains, cette nuit-là258.

      Puis, voici l'aventure de Lizzie, une veuve folâtre et joyeuse comme un jeune chat. Par les genêts, près du cairn, de l'autre côté de la colline, elle va chercher le long d'un ruisseau, la place où les terres de trois fermiers se réunissent. C'est pour y tremper la manche de sa chemise. Elle la suspendra ensuite devant le feu, et la figure désirée viendra la retourner pour la faire sécher. La peinture du ruisseau est un modèle de précision. Tous les mouvements et les jeux de l'eau se pressent en quelques lignes. On peut dire qu'elles contiennent toute la jolie pièce de Tennyson Le Ruisseau.

      Tantôt, en une cascade, le ruisseau se joue,

      Tandis qu'il fait ses détours dans la glen;

      Tantôt il contourne lentement une falaise rocheuse;

      Tantôt en petits remous, il se ride;

      Tantôt il étincelle sous les rayons nocturnes,

      Trottant, dansant, éclatant;

      Tantôt il disparaît aux pieds des rives,

      Sous les noisetiers épandus,

      Invisible cette nuit-là259.

      Lizzie se prépare à accomplir le charme. Tout à coup, parmi les fougères, sur la rive, entre elle et la lune, le diable ou, peut-être une génisse égarée, apparaît et pousse un cri.

      Le cœur de la pauvre Lizzie bondit presque hors de son enveloppe,

      Elle sauta presque à hauteur d'alouette,

      Mais le pied lui manqua et, dans le ruisseau,

      Par dessus les oreilles, elle fit paff,

      Avec un plongeon, cette nuit-là260.

      La scène se termine par de joyeuses chansons, des causeries amicales, des histoires amusantes, des farces risibles, on sert de grossiers gâteaux, qui mettent toutes les mâchoires en mouvement; on prend un verre de whiskey; puis on se sépare et on entend les rires se disperser dans la nuit. Ce qu'il est impossible de rendre, c'est l'animation et l'agilité de cette pièce. Pas un vers n'est tranquille. Les strophes bondissent, elles touchent à peine terre qu'elles prennent un nouvel élan; les traits de mouvement y foisonnent et s'y heurtent; ils y sont tous. On en pourrait faire une pantomime anglaise, pleine de gestes, d'ébats, de bousculades et de gambades. C'est d'une étonnante gaîté animale. Quelques passages de lyrisme grotesque dans Dickens ont seuls une pareille vitesse.

      La pièce célèbre sous le nom de la Foire Sainte est un modèle des mêmes qualités, avec autant de mouvement, et plus de variété dans les scènes. C'est une satire contre ces communions et ces prédications en plein vent, qui étaient alors fréquentes en Écosse. On dressait sous un auvent une chaire; les prédicateurs s'y succédaient toute la journée. Les auditeurs venaient en foule de tous les villages des alentours. Des baraques de rafraîchissements se dressaient près de l'endroit choisi. La matinée se passait d'ordinaire avec ordre et bienséance. Mais quand la journée s'avançait, que les libations avaient échauffé les têtes, le champ de prière prenait l'aspect d'un champ de foire. On sortait les provisions, on s'asseyait à terre, on buvait, on riait, tandis que les prédicateurs continuaient à gesticuler et à vociférer, si bien que le retour du soir était terriblement pittoresque. On devine ce que cette donnée a pu devenir entre les mains actives de Burns.

      C'est d'abord un charmant paysage matinal, tout brillant de rosée. L'air est frais; le soleil glorieux apparaît au-dessus des moors; dans la lumière glissante les lièvres courent le long des sillons, et les alouettes montent dans le ciel. Les routes sont couvertes de monde: ce sont des fermiers en costume de cheval qui chevauchent tranquillement près de leurs paysans; les jeunes gens, en beau drap neuf, sautent par-dessus les ornières; les filles, pieds


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