David Copperfield – Tome II. Чарльз Диккенс

David Copperfield – Tome II - Чарльз Диккенс


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Et comme il dormait profondément dans un coin de la voiture, je marchais à côté et je parlais à Dora. Elle admirait mon cheval et le caressait (oh! quelle jolie petite main à voir sur le poitrail d'un cheval!); et son châle qui ne voulait pas se tenir droit! j'étais obligé de l'arranger de temps en temps, et je crois que Jip lui-même commençait à s'apercevoir de ce qui se passait, et à comprendre qu'il fallait prendre son parti de faire sa paix avec moi.

      Cette pénétrante miss Mills, cette charmante recluse qui avait usé l'existence, ce petit patriarche de vingt ans à peine qui en avait fini avec le monde, et qui n'aurait pas voulu, pour tout au monde, réveiller les échos assoupis des cavernes de la Mémoire, comme elle fut bonne pour moi!

      «Monsieur Copperfield, me dit elle, venez de ce côté de la voiture pour un moment, si vous avez un moment à me donner. J'ai besoin de vous parler.»

      Me voilà, sur mon joli coursier gris, me penchant pour écouter mis Mills, la main sur la portière.

      «Dora va venir me voir. Elle revient avec moi chez mon père après- demain. S'il vous convenait de venir chez nous, je suis sûre que papa serait très-heureux de vous recevoir.»

      Que pouvais-je faire de mieux que d'appeler tout bas des bénédictions sans nombre sur la tête de miss Mills, et surtout de confier l'adresse de miss Mills, au recoin le plus sûr de ma mémoire! Que pouvais-je faire de mieux que de dire à miss Mills, avec des paroles brûlantes et des regards reconnaissants, combien je la remerciais de ses bons offices, et quel prix infini j'attachais à son amitié!

      Alors miss Mills me congédia avec bénignité: «Retournez vers Dora,» et j'y retournai; et Dora se pencha hors de la voiture pour causer avec moi, et nous causâmes tout le reste du chemin, et je fis serrer la roue de si près à mon coursier gris qu'il eut la jambe droite tout écorchée, même que son propriétaire me déclara le lendemain que je lui devais soixante-cinq shillings, pour cette avarie, ce que j'acquittai sans marchander, trouvant que je payais bien bon marché une si grande joie. Pendant ce temps, miss Mills regardait la lune en récitant tout bas des vers, et en se rappelant, je suppose, le temps éloigné où la terre et elle n'avaient pas encore fait un divorce complet.

      Norwood était beaucoup trop près, et nous y arrivâmes beaucoup trop tôt. M. Spenlow reprit ses sens, un moment avant d'atteindre sa maison et me dit: «Vous allez entrer pour vous reposer, Copperfield.» J'y consentis et on apporta des sandwiches, du vin et de l'eau. Dans cette chambre éclairée, Dora me paraissait si charmante en rougissant, que je ne pouvais m'arracher à sa présence, et que je restais là à la regarder fixement comme dans un rêve, quand les ronflements de M. Spenlow vinrent m'apprendre qu'il était temps de tirer ma révérence. Je partis donc, et tout le long du chemin je sentais encore la petite main de Dora posée sur la mienne; je me rappelais mille et mille fois chaque incident et chaque mot, puis je me trouvai enfin dans mon lit, aussi enivré de joie que le plus fou des jeunes écervelés à qui l'amour ait jamais tourné la tête.

      En me réveillant, le lendemain matin, j'étais décidé à déclarer ma passion à Dora, pour connaître mon sort. Mon bonheur ou mon malheur, voilà maintenant toute la question. Je n'en connaissais plus d'autre au monde, et Dora seule pouvait y répondre. Je passai trois jours à me désespérer, à me mettre à la torture, inventant les explications les moins encourageantes qu'on pouvait donner à tout ce qui s'était passé entre Dora et moi. Enfin, paré à grands frais pour la circonstance, je partis pour me rendre chez miss Mills, avec une déclaration sur les lèvres.

      Il est inutile de dire maintenant combien de fois je montai la rue pour la redescendre ensuite, combien de fois je fis le tour de la place, en sentant très-vivement que j'étais bien mieux que la lune le mot de la vieille énigme, avant de me décider à gravir les marches de la maison, et à frapper à la porte. Quand j'eus enfin frappé, en attendant qu'on m'ouvrît, j'eus un moment l'idée de demander, si ce n'était pas là que demeurait M. Blackboy (par imitation de ce pauvre Barkis), de faire mes excuses et de m'enfuir. Cependant je ne lâchai pas pied.

      M. Mills n'était pas chez lui. Je m'y attendais. Qu'est-ce qu'on avait besoin de lui? Miss Mills était chez elle, il ne m'en fallait pas davantage.

      On me fit entrer dans une pièce au premier, où je trouvai miss Mills et Dora; Jip y était aussi. Miss Mills copiait de la musique (je me souviens que c'était une romance nouvelle intitulée: le De profundis de l'amour), et Dora peignait des fleurs. Jugez de mes sentiments quand je reconnus mes fleurs, le bouquet du marché de Covent-Garden! Je ne puis pas dire que la ressemblance fût frappante, ni que j'eusse jamais vu des fleurs de cette nature. Mais je reconnus l'intention de la composition, au papier qui enveloppait le bouquet et qui était, lui, très-exactement copié.

      Miss Mills fut ravie de me voir; elle regrettait infiniment que son papa fut sorti, quoiqu'il me semblât que nous supportions tous son absence avec magnanimité. Miss Mills soutint la conversation pendant un moment, puis passant sa plume sur le De profundis de l'amour, elle se leva et quitta la chambre.

      Je commençais à croire que je remettrais la chose au lendemain.

      «J'espère que votre pauvre cheval n'était pas trop fatigué quand vous êtes rentré l'autre soir, me dit Dora en levant ses beaux yeux, c'était une longue course pour lui.»

      Je commençais à croire que ce serait pour le soir même.

      «C'était une longue course pour lui, sans doute, répondis-je, car le pauvre animal n'avait rien pour le soutenir pendant le voyage.

      – Est-ce qu'on ne lui avait pas donné à manger? pauvre bête!» demanda Dora.

      Je commençais à croire que je remettrais la chose au lendemain.

      «Pardon, pardon, on avait pris soin de lui. Je veux dire qu'il ne jouissait pas autant que moi de l'ineffable bonheur d'être près de vous.»

      Dora baissa la tête sur son dossier, et dit au bout d'un moment (j'étais resté assis tout ce temps-là dans un état de fièvre brûlante, je sentais que mes jambes étaient roides comme des bâtons):

      «Vous n'aviez pas l'air de sentir ce bonheur bien vivement pendant une partie de la journée.»

      Je vis que le sort en était jeté, et qu'il fallait en finir sur l'heure même.

      «Vous n'aviez pas l'air de tenir le moins du monde à ce bonheur, dit Dora avec un petit mouvement de sourcils et en secouant la tête, pendant que vous étiez assis auprès de miss Kitt.»

      Je dois remarquer que miss Kitt était la jeune personne en rose, aux petits yeux.

      «Du reste, je ne sais pas pourquoi vous y auriez tenu, dit Dora, ou pourquoi vous dites que c'était un bonheur. Mais vous ne pensez probablement pas tout ce que vous dites. Et vous êtes certainement bien libre de faire ce qu'il vous convient. Jip, vilain garçon, venez ici!»

      Je ne sais pas ce que je fis. Mais tout fut dit en un moment. Je coupai le passage à Jip; je pris Dora dans mes bras. J'étais plein d'éloquence. Je ne cherchais pas mes mots. Je lui dis combien je l'aimais. Je lui dis que je mourrais sans elle. Je lui dis que je l'idolâtrais. Jip aboyait comme un furieux tout le temps.

      Quand Dora baissa la tête et se mit à pleurer en tremblant, mon éloquence ne connut plus de bornes. Je lui dis qu'elle n'avait qu'à dire un mot, et que j'étais prêt à mourir pour elle. Je ne voulais à aucun prix de la vie sans l'amour de Dora. Je ne pouvais ni ne voulais la supporter. Je l'aimais depuis le premier jour, et j'avais pensé à elle à chaque minute du jour et de la nuit. Dans le moment même où je parlais, je l'aimais à la folie. Je l'aimerais toujours à la folie. Il y avait eu avant moi des amants, il y en aurait encore après moi, mais jamais amant n'avait pu, ne pouvait, ne pourrait, ne voudrait, ne devrait aimer comme j'aimais Dora. Plus je déraisonnais, plus Jip aboyait. Lui et moi, chacun à notre manière, c'était à qui se montrerait le plus fou des deux. Puis, petit à petit, ne voilà-t-il pas que nous étions assis, Dora et moi, sur le canapé, tout tranquillement, et Jip était couché sur les genoux de sa maîtresse, et me regardait paisiblement. Mon esprit était délivré de son fardeau. J'étais parfaitement heureux; Dora et moi, nous étions engagés l'un à l'autre.

      Je suppose que nous avions quelque


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