David Copperfield – Tome II. Чарльз Диккенс

David Copperfield – Tome II - Чарльз Диккенс


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CHAPITRE V

      Abattement

      Dès que j'eus retrouvé ma présence d'esprit, qui m'avait complètement abandonné au premier moment, sous le coup accablant que m'avaient porté les nouvelles de ma tante, je proposai à M. Dick de venir chez le marchand de chandelles, et de prendre possession du lit que M. Peggotty avait récemment laissé vacant. Le magasin de chandelles se trouvait dans le marché d'Hungerford, qui ne ressemblait guère alors à ce qu'il est maintenant, et il y avait devant la porte un portique bas, composé de colonnes de bois, qui ne ressemblait pas mal à celui qu'on voyait jadis sur le devant de la maison du petit bonhomme avec sa petite bonne femme, dans les anciens baromètres. Ce chef-d'oeuvre d'architecture plut infiniment à M. Dick, et l'honneur d'habiter au-dessus de la colonnade l'eût consolé, je crois, de beaucoup de désagréments; mais comme il n'y avait réellement d'autre objection au logement que je lui proposais, que la variété des parfums dont j'ai déjà parlé, et peut-être aussi le défaut d'espace dans la chambre, il fut charmé de son établissement. Mistress Crupp lui avait déclaré, d'un air indigné, qu'il n'y avait pas seulement la place de faire danser un chat, mais comme me disait très-justement M. Dick, en s'asseyant sur le pied du lit et en caressant une de ses jambes: «Vous savez bien, Trotwood, que je n'ai aucun besoin de faire danser un chat; je ne fais jamais danser de chat; par conséquent, qu'est-ce que cela me fait, à moi?»

      J'essayai de découvrir si M. Dick avait quelque connaissance des causes de ce grand et soudain changement dans l'état des affaires de ma tante; comme j'aurais pu m'y attendre, il n'en savait rien du tout. Tout ce qu'il pouvait dire, c'est que ma tante l'avait ainsi apostrophé l'avant-veille: «Voyons, Dick, êtes-vous vraiment aussi philosophe que je le crois?» Oui, avait-il répondu, je m'en flatte. Là-dessus, ma tante lui avait dit: «Dick, je suis ruinée.» Alors, il s'était écrié: «Oh! vraiment!» Puis ma tante lui avait donné de grands éloges, ce qui lui avait fait beaucoup de plaisir. Et ils étaient venus me retrouver, en mangeant des sandwiches et en buvant du porter en route.

      M. Dick avait l'air tellement radieux sur le pied de son lit, en caressant sa jambe, et en me disant tout cela, les yeux grands ouverts et avec un sourire de surprise, que je regrette de dire que je m'impatientai, et que je me laissai aller à lui expliquer qu'il ne savait peut-être pas que le mot de ruine entraînait à sa suite la détresse, le besoin, la faim; mais je fus bientôt cruellement puni de ma dureté, en voyant son teint devenir pâle, son visage s'allonger tout à coup, et des larmes couler sur ses joues, pendant qu'il jetait sur moi un regard empreint d'un tel désespoir, qu'il eût adouci un coeur infiniment plus dur que le mien. J'eus beaucoup plus de peine à le remonter que je n'en avais eu à l'abattre, et je compris bientôt ce que j'aurais dû deviner dès le premier moment, à savoir que, s'il avait montré d'abord tant de confiance, c'est qu'il avait une foi inébranlable dans la sagesse merveilleuse de ma tante, et dans les ressources infinies de mes facultés intellectuelles; car je crois qu'il me regardait comme capable de lutter victorieusement contre toutes les infortunes qui n'entraînaient pas la mort.

      «Que pouvons-nous faire, Trotwood? dit M. Dick. Il y a le mémoire…

      – Certainement, il y a le mémoire, dis-je; mais pour le moment, la seule chose que nous ayons à faire, M. Dick, est d'avoir l'air serein, et de ne pas laisser voir à ma tante combien nous sommes préoccupés de ses affaires.»

      Il convint de cette vérité, de l'air le plus convaincu, et me supplia, dans le cas où je le verrais s'écarter d'un pas de la bonne voie, de l'y ramener par un de ces moyens ingénieux que j'avais toujours sous la main. Mais je regrette de dire que la peur que je lui avais faite était apparemment trop forte pour qu'il pût la cacher. Pendant toute la soirée, il regardait sans cesse ma tante avec une expression de la plus pénible inquiétude, comme s'il s'attendait à la voir maigrir du coup sur place. Quand il s'en apercevait, il faisait tous ses efforts pour ne pas bouger la tête, mais il avait beau la tenir immobile et rouler les yeux comme une pagode en plâtre, cela n'arrangeait pas du tout les choses. Je le vis regarder, pendant le souper, le petit pain qui était sur la table, comme s'il ne restait plus que cela, entre nous et la famine. Lorsque ma tante insista pour qu'il mangeât comme à l'ordinaire, je m'aperçus qu'il mettait dans sa poche des morceaux de pain et de fromage, sans doute pour se ménager, dans ces épargnes, le moyen de nous rendre à l'existence quand nous serions exténués par la faim.

      Ma tante, au contraire, était d'un calme qui pouvait nous servir de leçon à tous, à moi tout le premier. Elle était très-aimable pour Peggotty, excepté quand je lui donnais ce nom par mégarde, et elle avait l'air de se trouver parfaitement à son aise, malgré sa répugnance bien connue pour Londres. Elle devait prendre ma chambre, et moi coucher dans le salon pour lui servir de garde du corps. Elle insistait beaucoup sur l'avantage d'être si près de la rivière, en cas d'incendie, et je crois qu'elle trouvait véritablement quelque satisfaction dans cette circonstance rassurante.

      «Non, Trot, non, mon enfant, dit ma tante quand elle me vit faire quelques préparatifs pour composer son breuvage du soir.

      – Vous ne voulez rien, ma tante?

      – Pas de vin, mon enfant, de l'ale.

      – Mais j'ai du vin, ma tante, et c'est toujours du vin que vous employez.

      – Gardez votre vin pour le cas où il y aurait quelqu'un de malade, me dit-elle; il ne faut pas le gaspiller, Trot. Donnez-moi de l'ale, une demi-bouteille.»

      Je crus que M. Dick allait s'évanouir. Ma tante étant très-décidée dans son refus, je sortis pour aller chercher l'ale moi-même; comme il se faisait tard, Peggotty et M. Dick saisirent cette occasion pour prendre ensemble le chemin du magasin de chandelles. Je quittai le pauvre homme au coin de la rue, et il s'éloigna, son grand cerf-volant sur le dos, portant dans ses traits la véritable image de la misère humaine.

      À mon retour, je trouvai ma tante occupée à se promener de long en large dans la chambre, ou plissant avec ses doigts les garnitures de son bonnet de nuit. Je fis chauffer l'ale, et griller le pain d'après les principes adoptés. Quand le breuvage fut prêt, ma tante se trouva prête aussi, son bonnet de nuit sur la tête, et la jupe de sa robe relevée sur ses genoux.

      «Mon cher, me dit-elle, après avoir avalé une cuillerée de liquide; c'est infiniment meilleur que le vin, et beaucoup moins bilieux.»

      Je suppose que je n'avais pas l'air bien convaincu, car elle ajouta:

      «Ta… ta… ta… mon garçon, s'il ne nous arrive rien de pis que de boire de l'ale, nous n'aurons pas à nous plaindre.

      – Je vous assure, ma tante, lui dis-je, que s'il ne s'agissait que de moi, je serais loin de dire le contraire.

      – Eh bien! alors, pourquoi n'est-ce pas votre avis?

      – Parce que vous et moi, ce n'est pas la même chose, repartis-je.

      – Allons donc, Trot, quelle folie!» répliqua-t-elle.

      Ma tante continua avec une satisfaction tranquille, qui ne laissait percer aucune affectation, je vous assure, à boire son ale chaude, par petites cuillerées, en y trempant ses rôties.

      «Trot, dit-elle, je n'aime pas beaucoup les nouveaux visages, en général; mais votre Barkis ne me déplaît pas, savez-vous?

      – On m'aurait donné deux mille francs, ma tante, qu'on ne m'aurait pas fait tant de plaisir; je suis heureux de vous voir l'apprécier.

      – C'est un monde bien extraordinaire que celui où nous vivons, reprit ma tante en se frottant le nez; je ne puis m'expliquer où cette femme est allée chercher un nom pareil. Je vous demande un peu, s'il n'était pas cent fois plus facile de naître une Jakson, ou une Robertson, ou n'importe quoi du même genre.

      – Peut-être est-elle de votre avis, ma tante; mais enfin ce n'est pas sa faute.

      – Je pense que non, repartit ma tante, un peu contrariée d'être obligée d'en convenir; mais ce n'en est pas moins désespérant.

      Enfin, à présent elle s'appelle Barkis, c'est une consolation.

      Barkis vous aime de tout son coeur, Trot.

      – Il n'y


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