David Copperfield – Tome II. Чарльз Диккенс
un bonnet de coton d'une taille ordinaire, au moment où je me réveillai, ou plutôt au moment où je renonçai à essayer de m'endormir, en voyant le soleil briller enfin à ma fenêtre.
Il y avait alors au bas d'une des rues attenant au Strand d'anciens bains romains (ils y sont peut-être encore) où j'avais l'habitude d'aller me plonger dans l'eau froide. Je m'habillai le plus doucement qu'il me fut possible, et, laissant à Peggotty le soin de s'occuper de ma tante, j'allai me précipiter dans l'eau la tête la première, puis je pris le chemin de Hampstead. J'espérais que ce traitement énergique me rafraîchirait un peu l'esprit, et je crois réellement que j'en éprouvai quelque bien, car je ne tardai pas à décider que la première chose à faire était de voir si je ne pouvais pu faire résilier mon traité avec M. Spenlow et recouvrer la somme convenue. Je déjeunai à Hampstead, puis je repris le chemin de la Cour, à travers les routes encore humides de rosée, au milieu du doux parfum des fleurs qui croissaient dans les jardins environnants ou qui passaient dans des paniers sur la tête des jardiniers, ne songeant à rien autre chose qu'à tenter ce premier effort, pour faire face au changement survenu dans notre position.
J'arrivai pourtant de si bonne heure à l'étude que j'eus le temps de me promener une heure dans les cours, avant que le vieux Tiffey, qui était toujours le premier à son poste, apparût enfin avec sa clef. Alors je m'assis dans mon coin, à l'ombre, à regarder le reflet du soleil sur les tuyaux de cheminée d'en face, et à penser à Dora, quand M. Spenlow entra frais et dispos.
«Comment allez-vous, Copperfield! me dit-il. Quelle belle matinée!
– Charmante matinée, monsieur! repartis-je. Pourrais-je vous dire un mot avant que vous vous rendiez à la Cour?
– Certainement, dit-il, venez dans mon cabinet.»
Je le suivis dans son cabinet, où il commença par mettre sa robe, et se regarder dans un petit miroir accroché derrière la porte d'une armoire.
«Je suis fâché d'avoir à vous apprendre, lui dis-je, que j'ai reçu de mauvaises nouvelles de ma tante!
– Vraiment! dit-il, j'en suis bien fâché; ce n'est pas une attaque de paralysie, j'espère?
– Il ne s'agit pas de sa santé, monsieur, répliquai-je. Elle a fait de grandes pertes, ou plutôt il ne lui reste presque plus rien.
– Vous m'é… ton… nez, Copperfield!» s'écria M. Spenlow.
Je secouai la tête.
«Sa situation est tellement changée, monsieur, que je voulais vous demander s'il ne serait pas possible… en sacrifiant une partie de la somme payée pour mon admission ici, bien entendu (je n'avais point médité cette offre généreuse, mais je l'improvisai en voyant l'expression d'effroi qui se peignait sur sa physionomie)… s'il ne serait pas possible d'annuler les arrangements que nous avions pris ensemble.»
Personne ne peut s'imaginer tout ce qu'il m'en coûtait de faire cette proposition. C'était demander comme une grâce qu'on me déportât loin de Dora.
«Annuler nos arrangements, Copperfield! annuler!»
J'expliquai avec une certaine fermeté que j'étais aux expédients, que je ne savais comment subsister, si je n'y pourvoyais pas moi- même, que je ne craignais rien pour l'avenir, et j'appuyai là- dessus pour prouver que je serais un jour un gendre fort à rechercher, mais que, pour le moment, j'en étais réduit à me tirer d'affaire tout seul.
«Je suis bien fâché de ce que vous me dites là, Copperfield, répondit M. Spenlow; extrêmement fâché. Ce n'est pas l'habitude d'annuler une convention pour des raisons semblables. Ce n'est pas ainsi qu'on procède en affaires. Ce serait un très-mauvais précédent… Pourtant.
– Vous êtes bien bon, monsieur, murmurai-je, dans l'attente d'une concession.
– Pas du tout, ne vous y trompez pas, continua M. Spenlow; j'allais vous dire que, si j'avais les mains libres, si je n'avais pas un associé, M. Jorkins!..»
Mes espérances s'écroulèrent à l'instant: je fis pourtant encore un effort.
«Croyez-vous, monsieur que si je m'adressais à M. Jorkins…?»
M. Spenlow secoua la tête d'un air découragé, «Le ciel me préserve, Copperfield, dit-il, d'être injuste envers personne, surtout envers M. Jorkins. Mais je connais mon associé, Copperfield. M. Jorkins n'est pas homme à accueillir une proposition si insolite. M. Jorkins ne connaît que les traditions reçues: il ne déroge point aux usages. Vous le connaissez!»
Je ne le connaissais pas du tout. Je savais seulement que M. Jorkins avait été autrefois l'unique patron de céans, et qu'à présent il vivait seul dans une maison tout près de Montagu- Square, qui avait terriblement besoin d'un coup de badigeon; qu'il arrivait au bureau très-tard, et partait de très-bonne heure; qu'on n'avait jamais l'air de le consulter sur quoi que ce fût; qu'il avait un petit cabinet sombre pour lui tout seul au premier; qu'on n'y faisait jamais d'affaires, et qu'il y avait sur son bureau un vieux cahier de papier buvard, jauni par l'âge, mais sans une tâche d'encre, et qui avait la réputation d'être là depuis vingt ans.
«Auriez-vous quelque objection à ce que je parlasse de mon affaire à M. Jorkins? demandai-je.
– Pas le moins du monde, dit M. Spenlow. Mais j'ai quelque expérience de Jorkins, Copperfield. Je voudrais qu'il en fût autrement, car je serais heureux de faire ce que vous désirez. Je n'ai pas la moindre objection à ce que vous en parliez à M. Jorkins, Copperfield, si vous croyez que ce soit la peine.»
Profitant de sa permission qu'il accompagna d'une bonne poignée de main, je restai dans mon coin, à penser à Dora, et à regarder le soleil qui quittait les tuyaux des cheminées pour éclairer le mur de la maison en face, jusqu'à l'arrivée de M. Jorkins. Je montai alors chez lui: et vous n'avez jamais vu un homme plus étonné de recevoir une visite.
«Entrez, monsieur Copperfield, dit M. Jorkins, entrez donc.»
J'entrai, je m'assis, et je lui exposai ma situation, à peu près comme je l'avais fait à M. Spenlow. M. Jorkins n'était pas, à beaucoup près, aussi terrible qu'on eût pu s'y attendre. C'était un gros homme de soixante ans, à l'air doux et bénin, qui prenait une telle quantité de tabac qu'on disait parmi nous que ce stimulant était sa principale nourriture, vu qu'il ne lui restait plus guère de place après, dans tout son corps, pour absorber d'autres articles de subsistance.
«Vous en avez parlé à M. Spenlow, je suppose? dit M. Jorkins, après m'avoir écouté jusqu'au bout avec quelque impatience.
– Oui, monsieur, c'est lui qui m'a objecté votre nom.
– Il vous a dit que je ferais des objections?» demanda M. Jorkins.
Je fus obligé d'admettre que M. Spenlow avait regardé la chose comme très-vraisemblable.
«Je suis bien fâché, monsieur Copperfield, dit M. Jorkins, très- embarrassé, mais je ne puis rien faire pour vous. Le fait est… Mais j'ai un rendez-vous à la Banque, si vous voulez bien m'excuser.»
Là-dessus il se leva précipitamment et allait quitter la chambre quand je m'enhardis jusqu'à lui dire que je craignais bien alors qu'il n'y eût pas moyen d'arranger l'affaire.
«Non, dit Jorkins en s'arrêtant à la porte pour hocher la tête, non, non, j'ai des objections, vous savez bien, continua-t-il en parlant très-vite, puis il sortit, vous comprenez, monsieur Copperfield, dit-il, en rentrant d'un air agité, que si M. Spenlow a des objections…
– Personnellement, il n'en a pas, monsieur.
– Oh! personnellement, répète M. Jorkins d'un air d'impatience; je vous assure qu'il y a des objections, monsieur Copperfield, insurmontables: ce que vous désirez est impossible… j'ai vraiment un rendez-vous à la Banque.» Là-dessus il se sauva en courant, et, d'après ce que j'ai su, il se passa trois jours avant qu'il reparût à l'étude.
J'étais décidé à remuer ciel et terre, s'il le fallait. J'attendis donc le retour de M. Spenlow, pour lui raconter mon entrevue avec son associé, en lui laissant entendre que je n'étais pas sans espérances qu'il fût possible