David Copperfield – Tome II. Чарльз Диккенс

David Copperfield – Tome II - Чарльз Диккенс


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de son argent, parce qu'elle en a trop? Voyez un peu l'idiote!»

      Des larmes de plaisir coulaient des yeux de ma tante presque dans son ale.

      – Je n'ai jamais vu personne de si ridicule, ajouta-t-elle. J'ai deviné dès le premier moment, quand elle était auprès de votre pauvre petite mère, chère enfant! que ce devait être la plus ridicule créature qu'on puisse voir; mais il y a du bon chez elle.»

      Ma tante fit semblant de rire, et profita de cette occasion pour porter la main à ses yeux; puis elle reprit sa rôtie et son discours tout ensemble:

      «Ah! miséricorde! dit ma tante en soupirant; je sais tout ce qui s'est passé, Trot. J'ai eu une grande conversation avec Barkis pendant que vous étiez sorti avec Dick. Je sais tout ce qui s'est passé. Pour mon compte, je ne comprends pas ce que ces misérables filles ont dans la tête; je me demande comment elles ne vont pas plutôt se la casser contre… contre une cheminée! dit ma tante, en regardant la mienne, qui lui suggéra probablement cette idée.

      – Pauvre Émilie! dis-je.

      – Oh! ne l'appelez pas pauvre Émilie, dit ma tante; elle aurait dû penser à cela avant de causer tant de chagrins. Embrassez-moi, Trot; je suis fâchée de ce que vous faites, si jeune, la triste expérience de la vie.»

      Au moment où je me penchais vers elle, elle posa son verre sur mes genoux, pour me retenir, et me dit:

      «Oh! Trot! Trot! vous vous figurez donc que vous êtes amoureux, n'est-ce pas?

      – Comment! je me figure, ma tante! m'écriai-je en rougissant. Je l'adore de toute mon âme.

      – Dora? vraiment! répliqua ma tante. Et je suis sûre que vous trouvez cette petite créature très-séduisante?

      – Ma chère tante, répliquai-je, personne ne peut se faire une idée de ce qu'elle est.

      – Ah! et elle n'est pas trop niaise? dit ma tante.

      – Niaise, ma tante!»

      Je crois sérieusement qu'il ne m'était jamais entré dans la tête de demander si elle l'était, ou non. Cette supposition m'offensa naturellement, mais j'en fus pourtant frappé comme d'une idée toute nouvelle.

      «Comme cela, ce n'est pas une petite étourdie, dit ma tante.

      – Une petite étourdie, ma tante! Je me bornai à répéter cette question hardie avec le même sentiment que j'avais répété la précédente.

      – C'est bien! c'est bien! dit ma tante. Je voulais seulement le savoir; je ne dis pas de mal d'elle. Pauvres enfants! ainsi vous vous croyez faits l'un pour l'autre, et vous vous voyez déjà traversant une vie pleine de douceurs et de confitures, comme les deux petites figures de sucre qui décorent le gâteau de la mariée, à un dîner de noces, n'est-ce pas, Trot.»

      Elle parlait avec tant de bonté, d'un air si doux, presque plaisant, que j'en fus tout à fait touché.

      «Je sais bien que nous sommes jeunes et sans expérience, ma tante, répondis-je; et je ne doute pas qu'il nous arrive de dire et de penser des choses qui ne sont peut-être pas très-raisonnables; mais je suis certain que nous nous aimons véritablement. Si je croyais que Dora pût en aimer un autre, ou cesser de m'aimer, ou que je pusse jamais aimer une autre femme, ou cesser de l'aimer moi-même, je ne sais ce que je deviendrais… je deviendrais fou, je crois.

      – Ah! Trot! dit ma tante en secouant la tête, et en souriant tristement, aveugle, aveugle, aveugle! – Il y a quelqu'un que je connais, Trot, reprit ma tante après un moment de silence, qui, malgré la douceur de son caractère, possède une vivacité d'affection qui me rappelle sa pauvre mère. Ce quelqu'un-là doit rechercher un appui fidèle et sûr qui puisse le soutenir et l'aider: un caractère sérieux, sincère, constant.

      – Si vous connaissiez la constance et la sincérité de Dora, ma tante! m'écriai-je.

      – Oh! Trot, dit-elle encore, aveugle, aveugle! et sans savoir pourquoi, il me sembla vaguement que je perdais à l'instant quelque chose, quelque promesse de bonheur qui se dérobait à mes yeux derrière un nuage.

      – Pourtant, dit ma tante, je n'ai pas envie de désespérer ni de rendre malheureux ces deux enfants: ainsi, quoique ce soit une passion de petit garçon et de petite fille, et que ces passions-là très-souvent… faites-bien attention, je ne dis pas toujours, mais très-souvent n'aboutissent à rien, cependant nous n'en plaisanterons pas: nous en parlerons sérieusement, et nous espérons que cela finira bien, un de ces jours. Nous avons tout le temps devant nous.»

      Ce n'était pas là une perspective très-consolante pour un amant passionné, mais j'étais enchanté pourtant d'avoir ma tante dans ma confidence. Me rappelant en même temps qu'elle devait être fatiguée, je la remerciai tendrement de cette preuve de son affection et de toutes ses bontés pour moi, puis après un tendre bonsoir, ma tante et son bonnet de nuit allèrent prendre possession de ma chambre à coucher.

      Comme j'étais malheureux ce soir-là dans mon lit! Comme mes pensées en revenaient toujours à l'effet que produirait ma pauvreté sur M. Spenlow, car je n'étais plus ce que je croyais être quand j'avais demandé la main de Dora, et puis je me disais qu'en honneur je devais apprendre à Dora ma situation dans le monde, et lui rendre sa parole si elle voulait la reprendre; je me demandais comment j'allais faire pour vivre pendant tout le temps que je devais passer chez M. Spenlow, sans rien gagner; je me demandais comment je pourrais soutenir ma tante, et je me creusais la tête sans rien trouver de satisfaisant; puis je me disais que j'allais bientôt ne plus avoir d'argent dans ma poche, qu'il faudrait porter des habite râpés, renoncer aux jolis coursiers gris, aux petits présents que j'avais tant de plaisir à offrir à Dora, enfin à me montrer sous un jour agréable! Je savais que c'était de l'égoïsme, que c'était une chose indigne, de penser toujours à mes propres malheurs, et je me le reprochais amèrement; mais j'aimais trop Dora pour pouvoir faire autrement. Je savais bien que j'étais un misérable de ne pas penser infiniment plus à ma tante qu'à moi-même; mais pour le moment mon égoïsme et Dora étaient inséparables, et je ne pouvais mettre Dora de côté pour l'amour d'aucune autre créature humaine. Ah! que je fus malheureux, cette nuit-là!

      Quant à mon sommeil, il fut agité par mille rêves pénibles sur ma pauvreté, mais il me semblait que je rêvais sans avoir accompli la cérémonie préalable de m'endormir. Tantôt je me voyais en haillons voulant obliger Dora à aller vendre des allumettes chimiques, à un sou le paquet; tantôt je me trouvais dans l'étude, revêtu de ma chemise de nuit et d'une paire de bottes, et M. Spenlow me faisait des reproches sur la légèreté de costume dans lequel je me présentais à ses clients; puis je mangeais avidement les miettes qui tombaient du biscuit que le vieux Tiffey mangeait régulièrement tous les jours au moment où l'horloge de Saint-Paul sonnait une heure; ensuite je faisais une foule d'efforts inutiles pour l'autorisation officielle nécessaire à mon mariage avec Dora, sans avoir, pour la payer, autre chose à offrir en échange qu'un des gants d'Uriah Heep que la Cour tout entière refusait, d'un accord unanime; enfin, ne sachant trop où j'en étais, je me retournais sans cesse ballotté comme un vaisseau en détresse, dans un océan de draps et de couvertures.

      Ma tante ne dormait pas non plus: je l'entendais qui se promenait en long et en large. Deux ou trois fois pendant la nuit, elle apparut dans ma chambre comme une âme en peine, revêtue d'un long peignoir de flanelle qui lui donnait l'air d'avoir six pieds, et elle s'approcha du canapé sur lequel j'étais couché. La première fois, je bondis avec effroi, à la nouvelle qu'elle avait tout lieu de croire, d'après la lueur qui apparaissait dans le ciel, que l'abbaye de Westminster était en feu. Elle voulait savoir si les flammes ne pouvaient pas arriver jusqu'à Buckingham-Street dans le cas où le vent changerait. Lorsqu'elle reparut plus tard, je ne bougeai pas, mais elle s'assit près de moi en disant tout bas: «Pauvre garçon!» et je me sentis plus malheureux encore en voyant combien elle pensait peu à elle-même pour s'occuper de moi, tandis que moi, j'étais absorbé comme un égoïste, dans mes propres soucis.

      J'avais quelque peine à croire qu'une nuit qui me semblait si longue pût être courte pour personne. Aussi je me mis à penser à un bal imaginaire où les invités passaient la nuit à danser: puis tout


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