Glossaire du patois normand. Du Bois Louis François
éprouva des pertes dans son commerce, il avait pour grand-oncle maternel M. de Plainville, dont la généalogie remontant au célèbre Alpin, compagnon de Fingal, se trouve dans le treizième volume du Dictionnaire de la Noblesse, par La Chesnaye-Desbois. Cet oncle l'avait pris en amitié; il le recevait souvent chez lui, et s'émerveillait de son goût prématuré pour la lecture et les conversations sérieuses.
M. de Plainville mourut, et M. Du Bois père, s'étant retiré à Coupesarte, mit d'abord son fils en pension chez le curé d'une paroisse voisine, chez cet abbé Dufresne, qui, peu d'années après, fut député du clergé aux États-Généraux. L'enfant n'y demeura que quelques mois. Comme il était d'une complexion faible, on lui donna un précepteur; puis il reçut des leçons de latin chez l'abbé Fougère, vicaire de St. – Julien-le-Faucon.
Sa mère, passionnée pour l'horticulture, lui inspira le goût de cette science, goût qui s'étendit à tous les travaux de la campagne, et qui explique le succès de plusieurs ouvrages de Louis Du Bois, notamment de son Cours complet d'agriculture, dont la quatrième édition est en 9 volumes; et de sa Pratique simplifiée du jardinage, qui eut six éditions.
Les dispositions qu'annonçait le joli petit Louis, comme on l'appelait alors, ses essais en vers français et en vers latins 11 ses connaissances prématurées en histoire et en géographie, lui firent faire des offres, et pour entrer dans le cloître, par le prieur de Ste. – Barbe-en-Auge, et pour entrer dans la diplomatie, par Rosey de Plainville, frère aîné de Mme. Du Bois et ami de Gravier de Vergennes, ministre des affaires étrangères. En attendant, le petit Louis fit avec un succès d'éclat sa rhétorique au collége de Lisieux; et la Révolution, en lui enlevant ses protecteurs laïques et en expulsant les religieux de leurs couvents, le força bientôt à chercher une autre carrière.
Ses parents désirèrent qu'il étudiât la jurisprudence, et, en 1791, il devint l'élève de l'avocat Plancher qui joignait, à Lisieux, le goût des vers à la pratique du barreau. Louis Du Bois, qui connaissait déjà l'italien et dont les idées nouvelles et les événements politiques qui s'accomplissaient, exaltaient la vive imagination, négligea ses études en droit pour traduire le Traité de la tyrannie, par Alfiéri, et se livrer à la lecture des journaux et des brochures qu'enfantait l'esprit révolutionnaire. Cet esprit réformateur s'empara de toutes ses facultés. Les principes généreux de 1789 n'eurent point de plus zélé défenseur, et il glissa sur leur pente jusqu'au républicanisme des Girondins.
Lisieux avait son club. Un pot-pourri de Louis Du Bois sur Ancastrœm qui assassina, le 13 mars 1792, le roi de Suède, y fut chanté dans l'une des séances, et l'auteur admis avant l'âge de 20 ans. Plus tard il en devint l'un des secrétaires. Au mois d'octobre il était à Paris. Lié d'amitié avec Rouget de Lisle, il lui avait fait corriger deux vers de la Marseillaise. Il eut à son tour un moment d'inspiration et composa le couplet des enfants, à l'imitation du chant des Spartiates cité par Plutarque. Ce couplet ne s'est plus séparé, depuis, de l'hymne patriotique de Rouget de Lisle.
Une curiosité bien naturelle à son âge lui fit faire un second voyage à Paris en avril et en mai 1793. Il vit une séance des Jacobins de la capitale, avec lesquels le club de Lisieux avait rompu, et il revint indigné et plein de l'aversion la plus motivée pour le parti Montagnard. Il reçut les proscrits du 31 mai qui se retiraient à Caen, alla les rejoindre dans cette ville dévouée à leur cause; vit Charlotte Corday chez sa tante, Mme de Bretteville, et ne soupçonna pas les projets de cette héroïne, fut persécuté pour sa modération, et échappa aux vengeances des terroristes par sa jeunesse, son état maladif et le dévouement de ses amis.
Le 27 janvier 1794, la Convention décréta que l'on ferait un recensement des livres enlevés des couvents et des châteaux pour en former une bibliothèque dans chaque chef-lieu de district. Louis Du Bois, qui avait des connaissances bibliographiques étendues et bien rares alors, fut l'un des cinq commissaires chargés du travail à Lisieux, et il y consacra plus de deux années. Enfin, il consentit à reprendre ses études de jurisprudence, par déférence pour son père plus que par inclination, et ce fut à Alençon qu'il alla les continuer en octobre 1797, sous Le Fourdrey, de Cherbourg, ancien avocat au Parlement de Normandie.
Peu de mois s'étaient écoulés depuis son arrivée à Alençon, lorsque Louis Du Bois concourut pour la chaire de bibliothécaire de l'Ecole centrale, place qu'il obtint par un mémoire sur l'histoire littéraire en général, sur la bibliographie proprement dite, sur la formation d'une bibliothèque et sur son classement raisonné, mémoire qui réunit les suffrages de Daunou, de Capperonnier, de Clément de Ris, de Garat et de Ginguené. Nommé le 3 mars 1799, le jeune bibliothécaire remplit ses fonctions jusqu'à la suppression de l'établissement au mois de mars 1805.
Sa santé s'était fortifiée par l'usage du café, son ardeur s'accrut avec elle. En attendant que la bibliothèque pût être ouverte au public, il professa un cours d'histoire littéraire et de bibliographie raisonnée (de 1799 à 1801); il occupa aussi la chaire d'histoire et de géographie, pendant que d'autres fonctions retenaient loin d'Alençon M. Posté qui en était le titulaire.
Louis Du Bois fondait en même temps une Société littéraire sous le nom de Lycée des sciences, des lettres et des arts, qui devint la Société d'émulation, en 1802. Il composa pour cette Compagnie, dont il rédigea les statuts, et qu'il présida le premier, quoique le plus jeune de tous les membres, une foule d'opuscules en vers et en prose qui pour la plupart ont vu le jour, soit dans le Journal de l'Orne (politique, statistique et littéraire) qu'il créa le 24 janvier 1803, soit dans l'Annuaire de l'Orne qu'il publia de 1807 à 1812
Dans le temps qu'il préparait l'ouverture de la bibliothèque publique d'Alençon, où, grâce à ses soins, les livres devaient être reçus par la riche menuiserie que les Chartreux du Val-Dieu (arrondissement de Mortagne) avaient fait sculpter à grands frais avec le plus beau bois de chêne qu'on puisse trouver en France, Louis Du Bois, sauvait, à Laigle, de précieux manuscrits venus de St. – Évroult, notamment un autographe d'Orderic Vital contenant des parties inédites de cet historien. A Séez, il achetait des parchemins venus de la Trappe, et commençait l'histoire de ce monastère, qui ne parut qu'en 1824. Il imprimait en même temps le prospectus d'une publication mensuelle (L'Esprit des journaux), auquel il fallut renoncer, parce que cette ancienne compilation se continuait à Bruxelles.
A l'époque de la destruction des écoles centrales, Louis Du Bois refusa une chaire de latin à l'école secondaire d'Alençon, et peu après les fonctions de sous-préfet d'Acqui dans le département du Tanaro. Sa ville d'adoption avait pour lui trop de charmes. Une liaison de cœur l'y retenait, et aux jouissances de l'amour il réunissait toutes celles de l'amour-propre; il avait des ennemis, des polémiques (une entre autres avec l'avocat Laigneau-Duronceray, qui publia ses Tablettes en 1804); et, reçu franc-maçon, parvenu rapidement au grade de rose-croix, il était chargé comme orateur de sa loge, de prononcer tous les discours d'apparat. Il fut aussi le poète de cette loge, et composa pour dix solennités dix cantiques imprimés à Alençon et réimprimés à Paris dans divers recueils.
Quand le préfet de l'Orne, La Magdelaine, mit sur pied les amis de Louis Du Bois pour lui faire accepter les fonctions de son secrétaire intime, il n'éprouva point de refus. Le poste était lucratif, et ses goûts retenaient à Alençon notre jeune et actif écrivain. La Magdelaine était maladif et paresseux; il remit le fardeau de sa préfecture à son secrétaire, qui se livra à l'administration avec le zèle qu'il portait dans toutes ses études. Un fort volume in-fo. qu'il composa sur la statistique du département de l'Orne pour répondre aux désirs du Gouvernement, valut au préfet qui ne l'avait pas lu en entier, des titres et des dotations. Quant à l'auteur, il en tira de bons articles pour ses annuaires de 1808-1812.
Ces annuaires, le Journal de l'Orne et l'administration n'occupèrent encore qu'une partie de son temps. Une autre était consacrée aux plaisirs de la société, une autre à des compositions sérieuses ou frivoles. Ainsi dans l'année 1810, nous le voyons publier un Traité des melons, 1 vol., et le roman de Geneviève et Siffrid, 2 vol. in-12. A l'occasion de ce dernier ouvrage, Mme de Staël lui écrivait: «Je vous remercie de m'avoir envoyé votre spirituel
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Dès 1786, il avait composé une