Dictionnaire de la langue verte. Alfred Delvau

Dictionnaire de la langue verte - Alfred Delvau


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rel="nofollow" href="#ulink_60157013-650a-596e-bf46-051b89cb0d7c">Table des matières

      A.

       ABADIE, s. f. Foule,—dans l'argot des voleurs, qui l'appellent ainsi, avec mépris, parce qu'ils ont remarqué qu'elle se compose de badauds, de gens qui ouvrent les yeux, la bouche et les oreilles d'une façon démesurée.

       ABAJOUES, s. f. pl. La face,—dans l'argot du peuple.

      Il n'est pas de mots que les hommes n'aient inventés pour se prouver le mutuel mépris dans lequel ils se tiennent. Un des premiers de ce dictionnaire est une injure, puisque jusqu'ici l'abajoue signifiait soit le sac que certains animaux ont dans la bouche, soit la partie latérale d'une tête de veau ou d'un groin de cochon. Nous sommes loin de l'os sublime dedit. Mais nous en verrons bien d'autres.

       ABALOURDIR, v. a. Rendre balourd, niais, emprunté.

       ABAT-FAIM, s. m. Plat de résistance,—gigot ou roastbeef plantureux.

       ABATIS, s. m. pl. Le pied et la main,—l'homme étant considéré par l'homme, son frère, comme une volaille.

      Avoir les abatis canailles. Avoir les extrémités massives, grosses mains et larges pieds, qui témoignent éloquemment d'une origine plébéienne.

       ABAT-RELUIT, s. m. Abat-jour à l'usage des vieillards. Argot des voleurs.

       ABATTOIR, s. m. Le cachot des condamnés à mort, à la Roquette,—d'où ils ne sortent que pour être abattus devant la porte de ce Newgate parisien.

       ABATTRE (En). Travailler beaucoup,—dans l'argot des ouvriers et des gens de lettres.

       ABBAYE, s. f. Four,—dans l'argot des rôdeurs de nuit qui, il y a une quinzaine d'années, se domiciliaient encore volontiers dans les fours à plâtre des buttes Chaumont, où ils chantaient matines avant l'arrivée des ouvriers chaufourniers.

      Abbaye ruffante. Four chaud,—de rufare, roussir.

       ABBAYE DE MONTE-A-REGRET, s. f. L'échafaud,—dans l'argot des voleurs, qui se font trop facilement moines de cette Abbaye que la Révolution a oublié de raser.

       ABBAYE DES S'OFFRE-A-TOUS, s. f. Maison conventuelle où sont enfermées volontairement de jolies filles qui ne pourraient jouer le rôle de vestales que dans l'opéra de Spontini.

      Cette expression, qui sort du Romancero, est toujours employée par le peuple.

       ABCÈS, s. m. Homme au visage boursouflé, au nez à bubelettes, sur lequel il semble qu'on n'oserait pas donner un coup de poing,—de peur d'une éruption purulente.

      On a dit cela de Mirabeau, et on le dit tous les jours des gens dont le visage ressemble comme le sien à une tumeur.

       ABÉLARDISER, v. a. Mutiler un homme comme fut mutilé par le chanoine Fulbert le savant amant de la malheureuse Héloïse.

      C'est un mot du XIIIe siècle, que quelques écrivains modernes s'imaginent avoir fabriqué; on l'écrivait alors abaylarder,—avec la même signification, bien entendu.

       ABÉQUER, v. a. Nourrir quelqu'un, lui donner la béquée,—dans l'argot du peuple, qui prend l'homme pour un oiseau.

       ABÉQUEUSE, s. f. Nourrice ou maîtresse d'hôtel.

       ABIGOTIR (S'). v. réfl. Devenir bigot, hanter assidûment les églises après avoir hanté non moins assidûment d'autres endroits,—moins respectables.

      Le mot a trois ou quatre cents ans de noblesse.

       ABLOQUER ou Abloquir, v. n. Acheter,—dans l'argot des voleurs, qui n'achètent cependant presque jamais, excepté en bloc, à l'étalage des marchands.

       ABOMINER, v. a. Avoir de l'aversion pour quelque chose et de l'antipathie pour quelqu'un,—ce que dit clairement l'étymologie de ce mot: ab, hors de, et omen, d'omentum, estomac.

      Expression du vieux français et des jeunes Parisiens.

       ABONNÉ AU GUIGNON (Être). Être poursuivi avec trop de régularité par la déveine. Argot des faubouriens.

       ABOULER, v. a. Donner, remettre à quelqu'un. Argot des voyous.

      Signifie encore Venir, Arriver sans délai, précipitamment, comme une boule.

       ABOYEUR, s. m. Crieur public ou particulier qui se tient dans les marchés ou à la porte des théâtres forains.

       ABRACADABRA, adv. D'une manière bizarre, décousue, folle,—dans l'argot du peuple, qui a conservé ce mot du moyen âge en oubliant à quelle superstition il se rattache. Les gens qui avaient foi alors dans les vertus magiques de ce mot l'écrivaient en triangle sur un morceau de papier carré, qu'ils pliaient de manière à cacher l'écriture; puis, ayant piqué ce papier en croix, ils le suspendaient à leur cou en guise d'amulette, et le portaient pendant huit jours, au bout desquels ils le jetaient derrière eux, dans la rivière, sans oser l'ouvrir. Le charme qu'on attachait à ce petit papier opérait alors,—ou n'opérait pas.

      Faire une chose abracadabra. Sans méthode, sans réflexion.

       ABRACADABRANT, E, adj. Etonnant, extraordinaire, merveilleux, épatant,—dans l'argot des gens de lettres, qui ont emprunté cette expression à l'abracadabra du Romantisme.

      «Satan vous verra.

      De vos mains grossières,

      Parmi des poussières,

      Ecrivez, sorcières,

      Abracadabra

      dit Victor Hugo dans la pièce des Odes et Ballades intitulée le Sabbat.

      Cet abracadabra était en effet assez singulier, et je comprends qu'on l'ait raillé en en faisant un adjectif,—sans se douter que depuis longtemps le peuple en avait fait un adverbe.

       ABREUVOIR, s. m. Cabaret,—d'où l'on sort plus altéré qu'on n'y est entré.

      D'où l'expression proverbiale: Un bon cheval va bien tout seul à l'abreuvoir, pour dire: Un ivrogne n'a pas besoin d'y être invité pour aller au cabaret.

       ABRUTI, s. m. Élève assidu, acharné à l'étude,—dans l'argot des Polytechniciens, dont la plupart sont encore trop jeunes pour ne pas être un peu fous.

       ABS, s. m. Apocope d'Absinthe, créée il y a quelques années par Guichardet, et aujourd'hui d'un emploi général.

      Les apocopes vont se multiplier dans ce Dictionnaire. On en trouvera à chaque page, presque à chaque ligne: abs, achar, autor, aristo, eff, délass-com, démoc, poche, imper, rup, soc, liquid, bac, aff, Saint-Laz, etc., etc., etc. Il semble, en effet, que les générations modernes soient pressées de vivre qu'elles n'aient pas le temps de prononcer les mots entiers.

       ABSINTHAGE, s. m. Action de boire l'absinthe, ou de la faire.

       ABSINTHE (Faire son). Verser de l'eau sur l'absinthe, afin de la précipiter et de développer en elle cette odeur qui grise tant de cerveaux aujourd'hui.

      Signifie aussi Cracher en parlant. On a dit à propos d'un homme de lettres connu par son bavardage et ses postillons: «X... demande son absinthe, on la lui apporte, il parle art ou politique pendant un quart d'heure,—et son absinthe est faite.»

       ABSINTHE (Heure de l'). Le moment de la journée où les Parisiens boivent de l'absinthe dans les cafés et chez les liquoristes. C'est de quatre


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