Dictionnaire de la langue verte. Alfred Delvau
s. m. Buveur d'absinthe.
ABSINTHIER, s. m. Débitant d'absinthe, c'est-à-dire de poison.
ABSORBER, v. n. et a. Manger ou boire abondamment.
ABSORPTION, s. f. Cérémonie annuelle qui a lieu à l'Ecole polytechnique, et «qui a été imaginée, dit Emile de la Bédollière, pour dépayser les nouveaux, les initier aux habitudes de l'Ecole, les accoutumer au tutoiement».
Le nom a été donné à cette fête de réception, parce qu'elle précède ordinairement l'absorption réelle qui se fait dans un restaurant du Palais-Royal, aux dépens des taupins admis.
ACABIT DE LA BÊTE, s. m. Bonne ou mauvaise qualité d'une chose ou d'une personne. Argot du peuple.
Être de bon acabit. Avoir un excellent caractère, ou jouir d'une excellente santé.
ACAGNARDER (S'), v. réfl. Se plaire dans la solitude, vivre dans son coin, comme un vieux chien las d'aboyer à la lune et de courir après les nuages,—ce gibier que nous poursuivons tous sans pouvoir même en jouir comme Ixion.
J'ai souligné à dessein coin et chien: c'est la double étymologie de ce verbe, que n'osent pas employer les gens du bel air, quoiqu'il ait eu l'honneur de monter dans les carrosses du roi Henri IV. (V. les lettres de ce prince.) S'acagnarder vient en effet du latin canis, chien, ou du vieux français cagnard, lieu retiré, solitaire,—coin.
On dit aussi s'acagnarder dans un fauteuil.
ACALIFOURCHONNER (S'), v. réfl. Se mettre à califourchon sur n'importe quoi,—dans l'argot du peuple, qui parle comme Cyrano de Bergerac écrivait.
ACCENTUER SES GESTES, v. a. Donner un soufflet ou un coup de poing,—ce qui est une manière de se prononcer suivant les règles de l'accent tonique.
ACCESSOIRES, s. m. pl. Matériel servant à meubler la scène; tous les objets dont l'usage est nécessaire à l'action d'une pièce de théâtre, depuis la berline jusqu'à la croix de ma mère.
Les acteurs emploient volontiers ce mot dans un sens péjoratif et comme point de comparaison. Ainsi, du vin d'accessoires, un poulet d'accessoires, etc., sont du mauvais vin, un poulet artificiel, etc.
ACCOLADE, s. f. C'était jadis un baiser que recevait sur la joue gauche l'homme qu'on ordonnait chevalier; c'est aujourd'hui un soufflet que peut recevoir tout le monde sur n'importe quelle joue.
ACCOMMODER QUELQU'UN A LA SAUCE PIQUANTE, v. a. Se moquer de lui,—et même se livrer sur sa personne à des voies de fait désagréables.
ACCOMMODER QUELQU'UN AU BEURRE NOIR, v. a. Lui pocher les yeux à coups de poing.
ACCORDÉON, s. m. Chapeau Gibus,—dans l'argot des faubouriens, par allusion au soufflet placé à l'intérieur de ce chapeau.
Se dit aussi d'un chapeau ordinaire sur lequel on s'est assis par mégarde.
ACCOUCHER, v. n. Avouer,—dans l'argot du peuple.
Accoucher de quelque chose. Divulguer un secret; faire paraître un livre; prendre un parti.
ACCOUFFLER (S'). v. réfl. S'accroupir, s'asseoir sur les talons,—dans l'argot du peuple, qui a emprunté ce mot aux patois du Centre, où l'on appelle couffles des balles de coton, sièges improvisés.
On dit aussi s'accrouer.
ACCROCHE-CœURS, s. m. pl. Petites mèches de cheveux bouclées que les femmes fixent sur chaque tempe avec de la bandoline, pour donner du piquant à leur physionomie.
Les faubouriens donnent le même nom à leurs favoris,—selon eux irrésistibles sur le beau sexe, comme les favoris temporaux du beau sexe sont irrésistibles sur nous.
ACCROCHER, v. a. Engager quelque chose au mont-de-piété. Argot des faubouriens.
A CHAILLOT! Exclamation populaire, passée dans l'argot des drôlesses de Breda-Street, et par laquelle on se débarrasse de quelqu'un qui gêne.
ACHETOIRES, s. m. pl. Argent,—dans le même argot.
Maurice Alhoy trouvait le mot trivial. Il est au contraire charmant et bien construit. Montaigne n'a-t-il pas écrit: «Je n'ai pas de gardoire»? Garder, gardoire; acheter, achetoires.
ACœURER, v. a. Accommoder, arranger de bon cœur. Argot des voleurs.
ACRÉE ou ACRIE, s. f. Méfiance, cousine germaine de l'acrimonie. Même argot.
Acrée donc! Cette interjection, qui signifie «Tais-toi!» se jette à voix basse pour avertir qu'un nouvel arrivant est ou peut être suspect. On dit aussi Nibé donc!
ACTEUR-GUITARE, s. m. Acteur qui ne varie pas assez ses effets et n'obtient d'applaudissements que dans certains rôles larmoyants, par exemple Bouffé et Mme Rose Chéri. Argot des coulisses.
ACTIONNAIRE, s. m. Homme crédule et simple, qui s'imagine que tout ce qu'on lui raconte est arrivé, que toutes les offres qu'on lui a faites sont sincères, etc. Argot des gens de lettres.
ADDITION, s. f. Ce que nos pères appelaient la carte à payer, ce que les paysans appellent le compte, et les savants en goguettes le quantum.
ADJECTIVER QUELQU'UN, v. a. Lui adresser des injures, qui ne peuvent être en effet que des adjectifs.
ADROIT DU COUDE, adj. m. Qui a plus l'habitude de boire que celle de travailler. Argot du peuple.
AFF, s. f. pl. Apocope d'Affaires,—dans l'argot des petites dames.
AFFAIRE, s. f. Vol à commettre. Argot des prisons.
AFFAIRE (Avoir son). Avoir son compte, soit dans un duel, soit dans un souper,—être presque tué ou presque gris. Argot du peuple.
AFFAIRE JUTEUSE, s. f. D'un bon rapport. Argot des Mercadets.
AFFAIRES, s. f. pl. Se dit de l'indisposition menstruelle des femmes. Argot des bourgeois.
AFFALER (S'). Tomber,—dans l'argot du peuple.
AFFE, s. f. La vie,—dans l'argot des voleurs, qui me font l'effet d'avoir à dessein confondu avec affres, leur existence étant un perpétuel effroi de la justice et des gendarmes.
Eau d'affe, Eau-de-vie.
AFFOLER, v. a. Accabler de coups, blesser, endommager,—dans l'argot du peuple, fidèle à l'étymologie (à et fouler) et à la tradition: «Vous nous affolerez de coups, monsieur, cela est sûr,» dit Rabelais.
«. . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ce qui me console, C'est que la pauvreté comme moi les affole,»
dit Mathurin Regnier.
AFFOURCHER SUR SES ANCRES (S'), v. réfl. Prendre du repos; se retirer du service. Argot des marins.
AFFRANCHI, s. et adj. Corrompu, qui a cessé d'être honnête. Argot des voleurs.
AFFRANCHIR, v. a. Initier un homme aux mystères du métier de voleur, faire d'un voyou un grinche.
AFFRANCHIR, v. a. Châtrer,—dans l'argot du peuple.
On dit aussi Couper.
AFFRANCHISSEUR, s. m. Homme qui rend hongres les animaux entiers.
On dit aussi Coupeur.
AFFRES, s. m. pl. Reproches,—dans l'argot du peuple.
L'expression se trouve dans Restif de la Bretonne.