La Flandre pendant des trois derniers siècles. Joseph Marie Bruno Constantin Baron Kervyn de Lettenhove

La Flandre pendant des trois derniers siècles - Joseph Marie Bruno Constantin Baron Kervyn de Lettenhove


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n'a esté, comme encoires n'est, ne changer ou altérer la manière d'accorder aydes en nostre dict pays de Flandres, ains que l'accord et levée desdits deux dixiesmes est et sera sans préjudice de leurs priviléges et coutumes, et ne pourra cy-après estre tiré en conséquence par nous, nos hoirs et successeurs comtes et comtesses de Flandres.

      «Donné en nostre ville de Gand, le 10 décembre 1544.»

      Charles-Quint pressait l'exécution du traité de Crespy, lorsqu'on apprit tout à coup que le duc d'Orléans était mort subitement, le 8 septembre 1545, à l'abbaye de Farmoutier, près d'Abbeville. On assurait que la peste l'avait emporté; cependant la voix populaire continuait à accuser d'un nouveau crime la femme du dauphin, Catherine de Médicis. Les princes protestants furent vaincus à Muhlberg: l'un d'eux, le landgrave de Hesse, reçut pour prison la forteresse d'Audenarde, mais leur parti ne tarda point à se relever. Les guerres intérieures et étrangères se perpétuaient sans qu'il fût permis d'espérer la paix, si nécessaire aux intérêts et aux besoins de l'Europe. Le trésor de Charles-Quint était épuisé; les vétérans de ses armées (perte irréparable) disparaissaient chaque jour, et avec eux les illustres capitaines qui leur avaient appris à vaincre: leurs glorieux débris, épars sur les champs de bataille, rappelaient ces monuments funèbres placés par les anciens au bord des routes que suivaient les triomphateurs.

      Si parmi eux il en était quelques-uns à qui il fût donné de finir, à l'ombre du foyer domestique, une vie abrégée par les fatigues, leur mort même empruntait aux souvenirs de leurs exploits un caractère héroïque et belliqueux qui commandait l'admiration.

      L'antiquité ne nous a rien laissé de plus beau que ce récit de Brantôme:

      «Les Flamans et Bourguignons ont fort estimé leur M. de Bure [1] et tenu pour bon capitaine. Ce comte de Bure mourut à Bruxelles et fit la plus belle mort de laquelle on ouyt jamais parler au monde. Ce chevalier de la Toison d'or tomba soudainement malade au lict, de quelque effort qu'il eust faict en avallant ces grands verres de vin à la mode du pays, carrousant à outrance, fust que les parties de son corps fussent vitiées ou autrement. André Vesalius, médecin de l'empereur Charles, l'alla incontinent visiter et luy dict franchement, après luy avoir tasté le pouls, que dans cinq ou six heures, pour le plus tard, il lui falloit mourir, si les règles de son art ne falloient en luy, par quoy luy conseilla, en amy juré qu'il luy estoit, de penser à ses affaires: ce qui advint comme le médecin l'avoit prédict. Tellement que Vesalius fut cause que le comte fit la plus belle mort de laquelle on ayt jamais ouy parler depuis que les roys portent couronnes; car le comte, sans s'estonner aucunement, fit appeller les deux plus grands amis qu'il eust, à sçavoir l'évesque d'Arras, despuis cardinal de Granvelle, qu'il appelloit son frère d'alliance, ensemble le comte d'Aremberg, son frère d'armes, pour leur dire adieu. En ces cinq ou six heures, il fit son testament, il se confessa et receut le Saint Sacrement. Puis, se voulant lever, fit apporter les plus riches, les plus beaux et les plus somptueux habits qu'il eust, lesquels il vestit; se fit armer de pied en cap des plus belles et riches armes qu'il eust, jusques aux esperons; chargea son collier et son grand manteau de l'ordre, avec un riche bonnet à la polacre, qu'il portoit en teste pour l'aymer plus que toute autre sorte de chapeau, l'espée au costé; et ainsy superbement vestu et armé, se fit porter dans une chaire en la salle de son hostel, où il y avoit plusieurs couronnels de lansquenets, gentilshommes, capitaines et seigneurs flamans et espagnols, qui le vouloient voir avant mourir, parce que le bruit vola par toute la ville que, dans si peu de temps, il devoit estre corps sans âme. Porté en sa salle, assis en sa chaire, et devant luy sa salade enrichie de ses panaches et plumes, avec les gantelets, il pria ses deux frères d'alliance de vouloir faire appeler tous ses capitaines et officiers, qu'il vouloit voir pour leur dire adieu à tous, les uns après les autres: ce qui fut faict. Vindrent maistres d'hostel, pages, valets de chambre, gentilshommes servans, pallefreniers, lacquais, portiers, sommeliers, muletiers et tous autres, auxquels à tous (plorans et se jettans à ses genoux) il parla humainement, recommandant ores cestuy-cy, ores cestuy-là, à M. d'Arras, pour les récompenser selon leurs mérites, donnant à l'un un cheval, à l'autre un mullet, à l'autre un lévrier ou un accoustrement complet des siens, jusques à un pauvre fauconnier, chassieux, bossu, mal vestu, qui ne sçavoit approcher de son maistre pour luy dire adieu, comme les autres de la maison avoient faict, pour estre mal en ordre, fut aperçeu par le comte, dernier les autres, plorer chaudement le trespas de son bon maistre et fut appelé pour venir à luy: ce que fit le faulconnier, lequel son maistre consola; et si l'interrogea particulièrement comme se portoient tels et tels oiseaux qu'il nourrissoit, puis, tournant sa face vers l'évesque d'Arras, luy dict: Mon frère, je vous recommande ce mien fauconnier; je vous prie de mettre sur mon testament que j'entends qu'il ayt sa vie en ma maison tant qu'il vivra. Hélas! le petit bonhomme m'a bien servy, comme aussy il avoit faict service à feu mon père, et a esté mal récompensé. Tous les assistans, voyans un si familier devis d'un si grand seigneur à un si petit malotru, se mirent à plorer de compassion. Puis, ayant dict adieu à tous ses officiers et serviteurs et leur avoir touché en la main, il demanda à boire en ce godet riche où il faisoit ses grands carroux avec les couronnels quand il estoit en ses bonnes; et de faict voulut boire à la santé de l'Empereur son maistre. Fit lors une belle harangue de sa vie et des honneurs qu'il avoit receus de son maistre, rendit le collier de la toison au comte d'Aremberg pour le rendre à l'Empereur, beut le vin de l'estrier et de la mort, soutenu soubs les bras par deux gentilshommes, remercia fort l'Empereur, disant, entre autres choses, qu'il n'avoit jamais voulu boire en la bouteille des princes protestans, ny volter face à son maistre, comme de ce faire il en avoit esté fort sollicité; et plusieurs autres belles parolles, dignes d'éternelle mémoire, furent dictes et proférées par ce bon et brave capitaine. Finalement, sentant qu'il s'en alloit, il se hasta de dire adieu à l'évesque d'Arras et au comte d'Aremberg, les remerciant du vray office d'amy que tous deux luy avoient faict à l'article de la mort, pour l'avoir assisté en ceste dernière catastrophe de sa vie. Il dict adieu de mesme à tous ces braves capitaines et gentilshommes qui là estoient. Puis, tournant la teste, apercevant M. Vesalius, l'embrassa et le remercia de son advertissement. Finalement, dict: Portez-moi sur le lict, où il ne fut pas plus tost posé, qu'il mourut entre les bras de ceux qui le couchoient. Ainsy, superbement vestu et armé, mourut ce grand cavalier flamand: mort de grand capitaine qui, certes, mérite d'estre posée à la veue des princes, roys et gouverneurs de province, pour leur servir de patron de bravement et royallement mourir.»

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