La Flandre pendant des trois derniers siècles. Joseph Marie Bruno Constantin Baron Kervyn de Lettenhove

La Flandre pendant des trois derniers siècles - Joseph Marie Bruno Constantin Baron Kervyn de Lettenhove


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et qu'il était d'ailleurs constant que Philippe de Valois s'était réservé, en 1345, tous les droits de la souveraineté royale.

      De plus, Louis XII exigeait que l'on reconnût que le pays de Waes et le château de Rupelmonde étaient compris dans le fief de Flandre tenu d'hommage lige vis-à-vis de la couronne de France. Les ambassadeurs flamands répliquaient, cette fois, que si Marguerite de Constantinople avait consenti à donner à saint Louis une déclaration favorable à ses prétentions, elle en avait fait remettre une autre semblable au roi des Romains, et que l'on savait assez qu'à une époque postérieure à la déclaration de 1254, le pays de Waes avait été successivement confisqué pour défaut de relief, puis reçu à hommage comme fief impérial par Guillaume de Hollande et Richard de Cornouailles, rois des Romains. Cependant les conseillers de Louis XII se montraient si résolus à ne point céder que les ambassadeurs flamands écrivaient à Philippe le Beau, le 17 octobre 1505: «Sire, nous ne voyons point que ne soyez contraint de faire de trois choses l'une: assavoir ou de lui accorder la régalle, ou de vous en mettre en procès en parlement, où vous le avez perdu contant, ou de avoir la guerre.»

      En effet, les circonstances deviennent de plus en plus graves. Au mois de juillet 1506, le roi de France se prépare à soutenir le duc de Gueldre qui guerroie contre le roi de Castille. D'autre part, le roi d'Angleterre, Henri VII, forme le projet de faire débarquer en Flandre sept mille hommes d'armes pour les opposer aux Français.

      Ce fut au milieu de ces intrigues que Philippe le Beau mourut subitement à Burgos, le 25 septembre 1506.

      Les états généraux se trouvaient en ce moment réunis à Malines. Les députés du Brabant, de la Hollande, de la Zélande et de la Frise décernèrent la tutelle du jeune prince de Castille à son aïeul, l'empereur Maximilien, sans que ceux de la Flandre, du Hainaut, de l'Artois, de Namur, de Lille et de Douay prissent aucune part à cette délibération. Guillaume de Croy, seigneur de Chièvres, et Jean de Houthem, se rendirent aussitôt en Allemagne pour assurer Maximilien de la fidélité et du respect des peuples qui, naguère encore, le repoussaient. Il les accompagna dans les Pays-Bas, mais il comprit bientôt combien son nom y réveillait peu de sympathies, et, par une résolution aussi sage que prudente, il s'éloigna, après avoir adressé à l'assemblée des états généraux, convoquée à Louvain, des lettres où il investissait sa fille Marguerite de la tutelle du prince de Castille, en même temps que du gouvernement des Pays-Bas.

      Cependant Louis XII, imitant l'exemple que Charles VIII lui avait laissé, protestait contre la mainbournie de Maximilien. «Très-chiers et bien amés, écrivait-il le 27 juillet 1507 aux bourgeois d'Arras, le roy des Romains s'est de longtemps fort traveillié de tout son pouvoir de nous vouloir nuire et adomagier, non-seulement par voye de guerre, mais aussy par paroles mensongères, lettres et libelles diffamatoires, à la charge, folle honte et déshonneur de nous et de toute la nation franchoise, à quoy sommes bien délibérés résister par toutes voyes... de quoy vous avons bien voulu advertir pour ce que à nous est rapporté qu'il prétend avoir la mainbournie des personnes et pays de nos très-chiers frères et très-amés cousins les enfans de feu nostre chier cousin le roy de Castille, desquels nous voulons et désirons le bien et prouffit comme le nostre propre, pourveu qu'ils ne soient adhérens, ne en l'obéissance d'icelluy roy des Romains.»

      Maximilien ne cesse de redouter l'invasion d'une armée française. Aussi a-t-il soin de recommander à sa fille de rassembler aux frontières une armée destinée à la repousser.

      On voit bientôt des relations secrètes s'établir entre Maximilien et Henri VIII, qui vient de monter sur le trône d'Angleterre.

      Dès le mois de février 1511, on écrit de France à Marguerite d'Autriche: «Madame, la nouvelle de la descente des Anglois continue tousjours icy de plus fort en plus fort, qui espouvante beaucoup ceulx de par deçà, et l'on a tout plain de mauvaise suspicion des Flamengs et autres pays de monsieur vostre nepveu, voisins desdits Anglois, que l'on dit estre consentans de laditte descente.»

      Les ambassadeurs de Marguerite à Paris ne manquaient point de démentir tous ces bruits. Au mois de juin 1513, elle déclara de nouveau qu'elle observerait les traités et que l'Empereur était animé des mêmes intentions «combien que plusieurs, pour leur gaing et prouffit particulier, à leurs périls et fortunes, soient allés au service du roi d'Angleterre.»

      Cependant, en ce même moment, l'Empereur écrivait à sa fille qu'il engageait les Anglais à débarquer au Crotoy et à envahir la France en suivant l'une ou l'autre rive de la Somme, «par ainsi qu'ils pourront, à grant honneur et puissance, marcher oultre jusques à Montlhéry, où feu nostre beau-père le duc Charles eut grant bataille et victoire, auquel lieu il faut que les François combattent, car c'est au cueur du royaume qui se nomme l'isle de France.» Il songeait même à éloigner le prince Charles de Castille du théâtre de la guerre en le faisant conduire en Allemagne, mais il n'osait exécuter ce projet, de crainte de réveiller le mécontentement des communes flamandes, qui chérissaient tendrement cet enfant, objet de tant d'espérances. «Nous ne savons, écrivait-il lui-même, comment et par quelle manière nous pourrons prendre et avoir hors de nos pays de par delà icelluy nostre fils, affin que quand nous serons à ceste œuvre, nos subgects d'iceux pays se veuillent contenter et ne commencer aucune inimitié.»

      Maximilien décida Henri VIII à aborder en France en lui faisant espérer soit la couronne impériale, soit tout au moins un vicariat semblable à celui d'Édouard III. Pour conserver la neutralité des Pays-Bas, il s'était rendu au camp anglais, mêlé à ces soudoyers dont Marguerite d'Autriche parlait dans sa lettre à Louis XII, et portant, comme eux, les couleurs anglaises; empereur mercenaire qui touchait sa paye par jour ou par mois, comme le plus obscur landsknecht de la Souabe ou du Palatinat.

      Cependant la neutralité de la Flandre dans cette guerre était bien moins réelle que fictive. «Le roy de Castille, portent les mémoires de Fleurange, laissoit aller de ses gens qui vouloit, nonobstant qu'il y eust amitié entre luy et les François et n'y avoit point de guerre déclarée.» Louis XII se plaignait fort haut des nobles du Hainaut: il ne cherchait, au contraire, qu'à s'assurer, par des paroles douces et conciliantes, l'appui des communes de Flandre.

      Malgré les conseils de Maximilien, Henri VIII débarque à Calais, le 31 juin 1513, avec quelque cavalerie et un corps de six ou sept mille lansquenets qu'on appelait la bande noire.

      Siége de Térouanne. L'armée qui s'avance pour secourir cette importante forteresse, est commandée par Louis d'Halewyn, sire de Piennes. Maximilien retrouve sous les bannières françaises ses anciens ennemis.

      (16 août 1513). Bataille de Guinegate, connue sous le nom de bataille des Éperons, parce qu'elle ressembla plus à une déroute qu'à un combat. Les Français furent vaincus parce que les conseils du sire de Piennes n'avaient pas été suivis: le champ de Guinegate portait bonheur à Maximilien. La Palisse fut pris et se dégagea: Bayard se rendit pour ne pas fuir.

      Térouanne, manquant de vivres, ouvrit ses portes après un siége de neuf semaines. «Le roy d'Angleterre, ayant Thérouenne dans ses mains, dit Martin du Bellay, à la suscitation des Flamans la feit démolir, remplir les fossés et brusler toutes les maisons, hormis l'église et les maisons des chanoines.» Quelques mois plus tard, cette œuvre de destruction fut complétée, en vertu d'une lettre de Marguerite d'Autriche. «Pour ce qu'on murmure fort, écrivait-elle à Laurent de Gorrevod, que les François se vantent de fortifier Thérouanne, il semble à aucuns qu'il seroit bon de parbrûler ce qui y est demeuré de laditte ville, et, si cest advis vous semble bon, le pourrez faire exécuter comme trouverez à faire pour le mieulx.»

      Les Anglais, vainqueurs à Guinegate et à Térouanne, résolurent d'assiéger Tournay. Les habitants de cette ville avaient déclaré «que Tournay estoit Tournay et que jamais n'avoit tourné et encore ne tournera.» Ils se défendirent courageusement en attendant les secours de Louis XII qui leur avait écrit: «Mes bons enfans de Tournay, des plus anciens de la couronne, ne doubtez rien; je vous secourray quand engagier debvroie la moictié de mon royaulme.»

      Cependant les assiégeants disposaient d'une redoutable artillerie: on y remarquait notamment douze gros canons qu'on nommait les douze apôtres; ce qui donne lieu


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