Les protestants à Nimes au temps de l'édit de Nantes. Boulenger Jacques

Les protestants à Nimes au temps de l'édit de Nantes - Boulenger Jacques


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target="_blank" rel="nofollow" href="#n173" type="note">173. Mais de pareils cas sont rares et il est à croire que les fidèles ne tenaient pas, en général, à conserver une charge qui ne laissait pas de nuire à leurs occupations. – A chaque nouvelle session, quelques-uns des anciens «vieux» étaient «continués174» dans le but de mettre les «nouveaux» au courant des affaires. C’est du moins cette raison qu’alléguait le consistoire de La Salle pour, deux fois l’an, se renouveler par moitié seulement175.

      A Nîmes, la durée du mandat était de douze mois176. C’était les membres sortants qui choisissaient les nouveaux à la majorité des voix177. A l’origine, le peuple avait élu les anciens par acclamations178. Puis, suivant une marche naturelle aux institutions, l’élection était tombée aux mains d’une oligarchie: le consistoire lui-même. Le très vague article du synode de Nîmes (1601), recommandant aux consistoires d’user «de prudence en la nomination des anciens, pour empescher l’ambition qui sourdroit en l’église», s’ils ne procédaient «avec la discrétion qui y est requise179», ne diminuait pas beaucoup leur liberté.

      Les anciens étaient choisis dans toutes les classes de la société. Chacun pouvait être élu à la condition de jouir d’une honorabilité parfaite. J’ai recherché, d’après le livre de M. Puech, qui nous donne une étude de l’état des personnes à Nîmes à la fin du XVIe siècle180, quelles étaient les professions des membres du consistoire pendant les années 1596 à 1602. Il en est un certain nombre dont je n’ai pu retrouver le rang social, c’est qu’ils ont passé dans l’histoire sans laisser de traces. Mais quelque imparfait qu’il soit, le tableau suivant peut servir à montrer que toutes les classes de la société nîmoise concouraient à former le consistoire181.

      Qualité des membres du consistoire de Nîmes de 1596 a 1602182.

      183. Ce doit être ce personnage qui est mentionné sous le nom de «Saint-Cézary» dans la liste des anciens de 1599 (Pièce no 1).

      184. La liste des anciens de 1596 le nomme Faucon (Pièce no 1).

      185. La liste des anciens de 1601 mentionne un Cappon, sans nom de baptême (Pièce no 1). Or, il n’y a que deux Cappon, tous deux marchands.

      186. Je n’ai pu faire la distinction entre les marchands de la 2e et de la 3e échelle, n’ayant pas le chiffre de leurs impôts.

      Si incomplet que soit le tableau précédent, il permet de constater que les membres du consistoire sont surtout pris dans la seconde échelle, parmi les avocats, les bourgeois et les marchands. Les nobles et les magistrats dédaignaient peut-être la charge d’ancien, bien qu’à Nîmes la noblesse fût presque entière de robe, peu nombreuse et assez récente. Quant aux gens de la troisième et de la quatrième échelle, on les élit rarement, mais du moins ils sont éligibles. Toutes les classes de la société, et surtout la classe moyenne et aisée, sont donc représentées.

      La Discipline et M. P. de Felice nous apprennent qu’une fois nommés, nobles et bourgeois devaient encore accepter et jurer de remplir leur charge187. Puis, on soumettait leur nomination au peuple en publiant leurs noms trois, deux ou même un seul dimanche après le prêche188, afin que les opposants pussent soumettre leurs raisons. Ceux-ci étaient d’ailleurs fort rares et très mal reçus189.

      Après ces formalités, les anciens n’avaient plus qu’à entrer en charge. A Nîmes, pour la première séance de l’année (qui avait lieu un jour quelconque de la semaine190), le consistoire «vieux» et le «nouveau» se réunissaient191. On lisait les «articles de l’ordre en l’église192», c’est-à-dire la Discipline: en 1596, le synode national de Saumur ordonne qu’on observe «mieux qu’il ne l’a été jusqu’à présent» l’article «qui recommande la lecture de la Discipline dans les consistoires193», ce qui laisse à supposer qu’on ne l’appliquait pas toujours194. On continuait ensuite par la lecture des «articles de l’ordre… du présent consistoire195», c’est-à-dire, peut-être, le règlement qui doit se trouver dans le registre de l’année 1566, transcrit de la main de Théodore de Bèze, comme le dit M. Borrel196. Les anciens «nouveaux» devaient déclarer s’y soumettre et alors ils étaient définitivement reçus197. On déléguait quelques membres des deux consistoires «pour clorre les comptes198». Souvent, on désignait les receveurs des deniers des pauvres et du ministère199. On expédiait les affaires courantes comme aux séances ordinaires200. Finalement, les membres sortants étaient «remerciez et mis en liberté201».

      Je n’ai trouvé aucune mention de la réception publique et cérémonieuse dont M. de Felice dit qu’elle était nécessaire202. Les «interrogats» paraissent avoir été faits en consistoire et s’être réduits à une simple promesse d’observer la discipline de l’église. Quant à la lecture du règlement particulier du consistoire, il me semble que c’est là une coutume assez spéciale aux Nîmois.

      La division du travail entre les anciens était bien définie. La cité avait été partagée, en 1566, en neuf surveillances ou quartiers, ne correspondant pas aux quartiers traditionnels. Plus tard, sans doute à cause de l’accroissement de la population, on en fit un de plus203. Or, chaque ancien était affecté spécialement à l’une de ces parties de la ville et chaque diacre avait à s’occuper de deux d’entre elles204. Ils étaient chargés de «surveiller» leurs quartiers et devaient rapporter au consistoire tous les faits graves qui s’y passaient. De même, les pasteurs se partageaient «la vizitation des mallades et autres charges205».

      Outre ces fonctions tenant essentiellement à leur qualité, les anciens et diacres pouvaient être chargés de missions spéciales. Tels étaient le receveur des deniers du ministère et le receveur des deniers des pauvres qui géraient les finances consistoriales206.

      Enfin, il y avait encore des employés généralement salariés, dont, suivant les églises, variaient le nombre et la qualité.

      L’avertisseur était le Maître Jacques du consistoire: il remplissait les fonctions les plus diverses. Benoist nous dit qu’il avait «à donner avis au ministre que l’heure est sonnée, ou aux membres du consistoire du lieu et du jour de l’assemblée, ou de porter de divers côtés les ordres de la compagnie207». Ailleurs, on lit qu’il devait «appeler et adjourner au consistoire les délinquants», et encore «exercer autres mandements du consistoire208». C’étaient là, en effet, ses principales fonctions, celles dont il tirait son nom. A Nîmes, l’avertisseur, «Maistre Guilhaumes Guiraud209»,


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<p>174</p>

A Nîmes, 2 des diacres et 2 des anciens de 1596 sont continués en 1597; en 1598, on retrouve 3 diacres et 2 anciens de l’année précédente, etc. (Pièce no 1).

<p>175</p>

Arch. comm. non classées de La Salle, invent. ms. par M. Teissier à la B. P. F.: registre du consist. à la date du 21 mai 1581. – La Salle, Gard, chef-lieu de con, arr. Le Vigan.

<p>176</p>

Le consist. est renouvelé tous les ans (Pièce no 1).

<p>177</p>

V. délib. du consist. du 5 décembre 1601 (loc. cit., fo 445).

<p>178</p>

P. de Felice, Protestants d’autrefois, 3e série, p. 12.

<p>179</p>

Frossard, Recueil de règlements, art. 47.

<p>180</p>

Une ville au temps jadis ou Nîmes à la fin du XVIe siècle.

<p>181</p>

On sait que Nîmes était divisée en quatre échelles dont chacune élisait un consul: la 1re comprenait les nobles et les magistrats; la 2e les avocats, bourgeois, marchands payant plus de 100 l. d’impôts et les docteurs en médecine; la 3e les apothicaires, chirurgiens, marchands payant moins de 100 l. d’impôts, praticiens, greffiers, notaires, gens des arts et métiers; la 4e les laboureurs, les jardiniers, les bergers et aussi les anciens capitaines de compagnies franches qui, après les guerres, étaient restés à Nîmes (Puech, Une ville au temps jadis).

<p>182</p>

Les chiffres précédés de p. entre parenthèses renvoient aux pages de Puech, Une ville au temps jadis, d’où je tire ces renseignements. – Les noms des anciens me sont fournis par le registre du consist. de Nîmes (Pièce no 1).

<p>187</p>

Discipline, chap. III, art. 1, citée par P. de Felice, Protestants d’autrefois, 3e série p. 19. – Le 19 décembre 1599, pasteur Moynier représente au consist. de Nîmes qu’un des diacres élus «a refusé et porté appel de sa nomination»; on décide de passer outre et de publier les nominations néanmoins (Arch. du consist., B, 90, t. VII, fo 314).

<p>188</p>

A Montdardier, on les publie trois dimanches (Abrégé du registre de ce consist. appartenant à M. Falguière dont une copie par M. Teissier se trouve à la B. P. F.). – A La Salle, on les publie deux fois (Arch. comm. non classées, invent. ms. par M. Teissier à la B. P. F.; registre du consist., année 1574, fo 103) ou une seulement: «Tous lesquels estans publiez le 30 décembre, ont esté receuz le 17 janvier 1577» (Ibid., année 1577).

<p>189</p>

Je n’ai trouvé mention dans le registre du consist. de Nîmes d’aucune opposition. – V. les registres des consist. de La Salle (année 1593) et de Montdardier cités.

<p>190</p>

En 1599, elle a lieu le mardi 5 janvier (Arch. du consist., B, 90, t. VII, fo 258). En 1601, le samedi 6 janvier (Ibid., fo 384). En 1602, le mercredi 2 janvier (fo 451).

<p>191</p>

V. une délib. du 2 janvier 1602 (fo 451).

<p>192</p>

Délib. du 6 janvier 1601 (fo 384). – «Sera cet article escript aux articles généraux pour estre leu chascun an comme les autres» (fo 346).

<p>193</p>

Aymon, Syn. nat., t. I, p. 197.

<p>194</p>

Je ne trouve dans les délib. des années 1596 à 1602 du consist. de Nîmes que la mention citée précédemment de lecture «des articles de l’ordre de l’église». Mais ce n’est pas une raison pour qu’on ne l’ait pas faite les autres années.

<p>195</p>

Délib. du 6 janvier 1601 (loc. cit., fo 384).

<p>196</p>

Hist. de l’église réformée de Nîmes, 2e éd., p. 58. – M. Borrel en donne l’analyse (op. cit., pp. 57-62).

<p>197</p>

Délib. du 5 janvier 1599 (loc. cit., fo 258).

<p>198</p>

On le fait du moins en 1599 (Délib. du 5 janvier, fo 257). – En 1597, on ne prend cette mesure que le 12 février (Délib. à cette date, fos 164-5).

<p>199</p>

V. par exemple délib. du 2 janvier 1602 (fo 452). – Sur ces deux charges, v. ci-dessous, chap. III.

<p>200</p>

Délib. du 5 janvier 1599 (fo 257). On s’y occupe d’un arrêt du parlement de Toulouse, de ceux «qui font le roy boit», etc…

<p>201</p>

Délib. du 2 janvier 1602 (fo 451). – Délib. du 6 janvier 1601 (fo 384).

<p>202</p>

Protestants d’autrefois, 3e série, p. 25.

<p>203</p>

Borrel, Hist. de l’église réformée de Nîmes, p. 57. – V. sur les quartiers et les faubourgs de Nîmes le 1er chapitre de l’intéressant ouvrage du Dr Puech, Une ville au temps jadis, pp. 13 à 22.

<p>204</p>

Pièce no 1.

<p>205</p>

«A esté arresté… que led. sieur Ferrier… aura le quartier du Marché, des Arènes, et Fauxbourgs, M. de Chambrun le Temple, la Maison de ville et la Ferrage, M. Moynier le Collège, le Chapître et Corcomayres» (Délib. du consist. du 21 mars 1601, fo 401).

<p>206</p>

V. ci-dessous, chap. III.

<p>207</p>

Hist. de l’édit de Nantes, t. III, p. 357.

<p>208</p>

La forme de dresser un consistoire, dans Arnaud, Documents inédits, p. 74.

<p>209</p>

Il est ainsi nommé dans les comptes des deniers du ministère pour l’année 1594 (Arch. non classées du consist. de Nîmes).