Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome I. Garneau François-Xavier

Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome I - Garneau François-Xavier


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Vasco de Nunez aperçut du haut des montagnes du Mexique, la mer Pacifique dont lui avait parlé un chef indien quelque temps auparavant. Déjà vers cette époque, l'on commençait à donner à une portion du Brésil, le nom d'Amérique, qui s'étendit petit à petit dans la suite à tout le continent. Voici comment s'introduisit cette appellation. Améric Velpuce, de Florence, accompagna Alonzo de Ojeda dans une expédition à la Terre-Ferme en 1499. Il fit deux ans après un autre voyage sur les côtes du Brésil, et ensuite un troisième dans la même contrée, où il découvrit la baie de tous les Saints pour le roi de Portugal. Il publia à Strasbourg, en 1505, et à St. – Diez en Lorraine deux ans après, deux relations de ses voyages, dans la dernière desquelles il prétend avoir découvert la Terre-Ferme en 1497, l'année même où Colomb y aborda pour la première fois. Presque tous les auteurs, s'appuyant sur des documens contemporains, regardent cette dernière relation, que Velpuce a donnée, sous la forme d'une lettre au Prince René de Lorraine, comme l'histoire de ses aventures particulièrement dans le voyage qu'il fit avec Ojeda. 21 Néanmoins comme ses deux relations furent longtemps les seules rendues publiques sur le Nouveau-Monde, son nom resta attaché à ce continent, et fut ensuite consacré par l'usage.

Note 21:(retour) Témoignages dans le procès du fils de Colomb avec le roi, 1508. Las Casas, Al. Sanchez de Carvajal, Herrera.

      Trois ans après le voyage de Cabot, il paraît que les côtes de Terreneuve et de Labrador furent visitées par un Portugais nommé Cortéréal; mais il n'y fit point d'établissement, du moins rien ne l'indique.

      Nous touchons enfin à l'époque où nous trouvons les Basques, les Bretons et les Normands faisant tranquillement la pêche de la morue sur le grand banc de Terreneuve et sur les côtes du Canada. Charlevoix nous assure avoir vu, dans des mémoires, qu'un habitant de Honfleur, nommé Jean Denis, avait tracé une carte d'une partie du golfe St. – Laurent en 1506. L'on peut raisonnablement se demander comment ils ont pu se mettre en possession, simultanément et si peu de temps après le voyage du navigateur vénitien, de cette branche d'industrie. Il semble qu'il aurait fallu à cette pêche plus d'une dizaine d'années pour acquérir l'étendue et l'importance qu'elle avait déjà. C'est ce qui a fait croire à quelques écrivains, que les navigateurs français connaissaient les parages dont nous parlons depuis longtemps. Quelques uns même l'assurent positivement, comme l'auteur des Us et coutumes de la mer, ouvrage estimé. – (V. appendice A).

      Il est certain que, lorsque Sébastien Cabot visita Terreneuve, les naturels qu'il vit sur le rivage lui dirent que cette île se nommait Bacaleos du nom d'un poisson qui fréquentait ces mers. Ce mot qui n'est pas sauvage, mais basque, est le nom que la morue porte dans cette langue. Nous livrons du reste ces réflexions au lecteur qui en tirera les conjectures qu'il croira les plus raisonnables.

      Cependant, malgré l'intérêt que plusieurs autres nations prenaient aux découvertes d'outre-mer, le gouvernement français ne fit aucune attention à l'Amérique jusqu'en 1523. Les seuls rapports que la France avait eus jusque-là avec ces nouvelles contrées, avaient été établis par des particuliers et dans l'intérêt de leurs entreprises commerciales. Il est probable qu'il entrait dans leurs calculs de se tenir autant que possible dans l'ombre du secret. Néanmoins, en 1518, le baron de Léri, mû par le bien public et la gloire de la nation, et sans doute aussi par l'exemple des Espagnols, essaya de fonder un établissement dans le nord de l'Acadie. C'était un homme de courage et qui brûlait du désir de se distinguer par de grandes choses. Il partit pour le Nouveau-Monde afin d'y commencer une colonie; son dessein était de s'y fixer lui-même. Mais les vents et d'autres obstacles firent échouer son entreprise.

      François I venait de succéder à Louis XII. Les guerres et la sévère économie du feu roi, qui n'avait d'autre pensée que celle d'alléger les charges qui pesaient sur ses peuples, l'empêchèrent d'envoyer des expéditions dans le Nouveau-Monde, soit pour y faire des découvertes, ou y fonder des colonies. François I, quoique moins homme d'état que guerrier, avait néanmoins des qualités plus brillantes, et quelques unes de celles qui distinguent un grand prince. Il aimait les entreprises qui pouvaient jeter de l'éclat sur sa couronne; et au milieu de la guerre acharnée qu'il soutenait contre Charles-Quint, dont les vastes Etats menaçaient l'indépendance de l'Europe, il ne perdit point de vue l'Amérique. Il excita l'émulation de ses sujets pour le commerce et la navigation, comme il le faisait pour les lettres et les beaux arts. Verazzani, navigateur italien à son service, fut chargé d'aller découvrir de nouvelles terres dans le Nouveau-Monde, dans la vue d'y ouvrir des établissemens si le sol et le climat étaient favorables. Ce capitaine fit avec quatre vaisseaux, en 1523, un voyage dont la relation ne nous est pas parvenue. Il en parle dans la lettre qu'il adressa au roi après son second voyage; mais comme il le suppose instruit de ses premières découvertes, il n'entre dans aucun détail sur les pays qu'il avait visités.

      Il partit l'année suivante pour sa seconde expédition avec deux navires, dont il laissa un, la Normande, sur les côtes d'Espagne, et continua seul sa route avec la Dauphine, ayant à bord 50 hommes d'équipage. Après 50 jours de traversée, il atteint une terre peu élevée qu'il côtoya l'espace d'environ 50 lieues en se dirigeant vers le sud. Ne trouvant point de havre, il vira de bord, et vint jeter l'ancre en pleine mer devant une côte droite et régulière, par les 34 degrés de latitude nord, ou à peu près. Les Indigènes, comme ceux de San Salvador, accoururent sur le rivage, et manifestèrent, à la vue des Européens et de leur vaisseau, autant de surprise que d'admiration. Il croissait dans leur pays des palmiers, des cyprès d'une grande hauteur, des lauriers, et plusieurs sortes d'arbres inconnus en Europe, qui répandaient un doux parfum sur la mer.

Déployant de nouveau ses voiles, le navigateur français s'éleva au nord jusqu'aux terres découvertes, dit-il, au temps passé par les Bretons, sous le 50e degré de latitude. 22

Note 22:(retour) Charlevoix et l'Escarbot ne s'accordent pas sur l'étendue de pays côtoyée par Verazzani; mais sa relation est, ça semble, assez claire: la Floride et Terreneuve sont les deux points extrêmes de sa course.

      Le roi fut si content du rapport qu'il lui fit à son retour en France, qu'il lui donna ordre de préparer une nouvelle expédition. Ce célèbre et infortuné voyageur repartit, suivant l'ordre de son maître, et l'on n'a plus entendu parler de lui depuis.

      Le sort funeste de cette expédition interrompit le projet qu'on avait formé d'aller profiter des immenses territoires que le hasard venait de livrer à l'entreprise et à la cupidité européenne au-delà des mers. D'ailleurs, la nation étant encore moins maritime que commerçante, l'on ne pensait pas en France qu'il fût de quelque utilité d'avoir des possessions dans les régions éloignées.

      Une autre circonstance qui entrava longtemps la fondation des colonies, c'est l'état agité de la France dans ce siècle. Cet état, on ne peut mieux le peindre, qu'en empruntant les paroles philosophiques de l'historien des deux Indes: «Des troubles intérieurs, dit-il, la détournaient (la France) encore plus des grands objets d'un commerce étendu et éloigné, et de l'idée d'aller chercher des royaumes dans les deux Indes.

      «L'autorité des rois n'était pas formellement contestée. Mais on lui résistait, on l'éludait. Le gouvernement féodal avait laissé des traces; et plusieurs de ses abus subsistaient encore. Le prince était sans cesse occupé à contenir une noblesse inquiète et puissante. La plupart des provinces qui composaient la monarchie, se gouvernaient par des lois et des formes différentes. La machine du gouvernement était compliquée. La nation négociait sans cesse avec le prince. L'autorité des rois était illimitée, sans être avouée par les lois; la nation souvent trop indépendante n'avait aucun garant de sa liberté. De là on s'observait, on se craignait, on se combattait sans cesse. Le gouvernement s'occupait uniquement, non du bien de la nation, mais de la manière de l'assujettir.»

      François I est un des rois qui eurent la moins de difficultés et de dissensions intérieures à combattre. Cependant la révolte du fameux connétable de Bourbon, et des émeutes populaires au sujet des impôts, troublèrent son règne. Les discordes civiles et religieuses auraient été probablement beaucoup plus sérieuses sans ses guerres avec le puissant Charles-Quint,


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