Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome I. Garneau François-Xavier

Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome I - Garneau François-Xavier


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jusqu'au rétablissement de la paix, tout projet de colonisation parut abandonné.

      CHAPITRE II.

      DÉCOUVERTE DU CANADA.

      1534-1543

      Paix de Cambrai. – Projet d'établissement en Amérique. – Jacques Cartier est nommé pour commander la 1re. expédition; il explore le golfe St. – Laurent; son retour en France. – Second voyage de Jacques Cartier; il découvre le fleuve St. – Laurent. -Stadaconé (Québec) – Beautés naturelles du pays. -Hochelaga (Montréal). – Cartier hiverne dans la rivière St. Charles. – Le scorbut parmi les Français; il en meurt 26. – Départ de Cartier pour la France. – La guerre fait suspendre les expéditions en Amérique. – Roberval est nommé gouverneur du Canada au rétablissement de la paix. – Troisième voyage de Jacques Cartier; il remonte le St. – Laurent jusqu'au lac St. – Louis et hiverne au Cap-Rouge. – Il part pour l'Europe et rencontre Terreneuve Roberval qui allait au Canada et qu'il refuse de suivre. – Roberval au Cap-Rouge; il s'y fortifie et y passe l'hiver. – Maladie qui emporte 50 personnes. – Cartier vient le chercher pour le ramener en France sur l'ordre du Roi qui le fait mander, la guerre étant de nouveau déclarée avec l'empereur.

      Le traité de Cambrai avait rendu la paix à la France. Philippe de Chabot, amiral du royaume voyant le succès des Portugais et des Espagnols dans l'Amérique centrale et méridionale, où ils soumettaient d'immenses pays à leur domination, avec autant de facilité qu'à peu de frais, proposa au roi de reprendre ses desseins sur le Nouveau-Monde, d'où il pourrait tirer comme eux de grandes richesses. Les pêcheries considérables qu'on avait sur les côtes de Terreneuve, étaient déjà un premier acheminement vers cette région.

      Le monarque qui avait le goût des entreprises lointaines, se voyant en paix, agréa ce projet, et choisit Jacques Cartier, habile navigateur de St. – Malo, pour le mettre à exécution. Lorsque la nouvelle en parvint aux rois d'Espagne et de Portugal, ils firent tous deux grand bruit de l'empiétement des Français. Eh quoi! dit en riant François I, quand on lui raconta leurs prétentions, ils partagent tranquillement entre eux toute l'Amérique sans souffrir que j'y prenne part comme leur frère! Je voudrais bien voir l'article du testament d'Adam qui leur lègue ce vaste héritage?

      Cartier partit de St. – Malo dans le printemps de 1534, avec deux bâtimens de 60 tonneaux chacun et 61 hommes d'équipage, et arriva, au bout de 20 jours, à Terreneuve, d'où il pénétra par le détroit de Belle-île dans le golfe St. – Laurent. Il parcourut une partie des côtes de cette mer intérieure de 106 lieues de long sur 79 de large, trafiquant avec les Indigènes et examinant le pays attentivement. Il employa deux mois et demi à cette exploration.

Dans ce premier voyage, il ne fit aucune découverte importante, la plupart des parages qu'il visita étant déjà connus des pêcheurs français qui y avaient même donné des noms à plusieurs caps. 23 Il reconnut la côte aride et désolée du Labrador, longea Terreneuve jusqu'au cap de Raye, passa devant les îles de la Magdeleine et entra dans la baie des Chaleurs, à laquelle il donna le nom qu'elle porte aujourd'hui, à cause du chaud excessif qu'il y éprouva. Selon la coutume européenne, il prit possession du pays pour François I, en élevant, malgré les protestations d'un vieux chef indien, une croix sur une pointe de terre située probablement entre cette baie et le cap des Rosiers.

Toutefois, cette expédition ne fut pas sans fruit, puisqu'elle le conduisit à la découverte du St. – Laurent. Deux naturels de Gaspé qu'il emmena en France, sont les premiers, à ce qu'il paraît, qui lui donnèrent connaissance de l'existence de ce fleuve; et nous sommes porté à croire, par la route qu'il a suivie, que son second voyage a eu principalement pour objet la vérification de ce rapport des Indiens, qui lui donnèrent aussi des informations sur les contrées que ce fleuve traverse depuis Montréal jusqu'à la mer. 24

Note 23:(retour) Comme le cap Royal, le cap d'Orléans près de Miramichi, le cap de Montmorenci, etc. V. Voyages de découvertes au Canada entre les années 1534, et 1542, par Jacques Cartier, imprimés à Québec, en 1843, sons la direction de la Société littéraire et historique de cette ville.

Note 24:(retour) «Il y a entre les terres du sud et du nord, environ 30 lieues, et plus de 200 brasses de profond. Et nous ont les Sauvages certifié être le chemin et commencement du grand fleuve de Hochelaga et chemin du Canada, lequel allait toujours en étroississant jusque à Canada; et puis que l'on trouve l'eau douce au dit fleuve, qui va si loin que jamais homme n'avait été au bout qu'ils eussent ouï, et qu'autre passage n'y avait que par bateaux. Et voyant leur dire, et qu'ils affirmaient n'y avoir autre passage, ne voulut le dit capitaine passer outre jusqu'après avoir vu le reste» des côtes au nord et au sud.» Second voyage de Cartier.

      Cependant la cause de la colonisation ralliait tous les jours de nouveaux amis et d'utiles défenseurs. A Philippe de Chabot, à qui l'on devait la reprise de ces voyages, vint se joindre Charles de Mouy, sieur de la Mailleraie, vice-amiral, qui s'en montra l'un des plus actifs partisans, et les encouragea de toute son influence. Il obtint pour Cartier des pouvoirs beaucoup plus amples que ceux de l'année précédente, et il lui fit donner trois navires et de bons équipages.

      Suivant l'usage à cette époque de fervente piété lorsqu'on commençait quelque grande entreprise, Cartier et ses compagnons implorèrent, avant de s'embarquer, l'aide et la protection du maître de toutes choses. Ils se rendirent en corps à la cathédrale de St. – Malo, où, après avoir assisté à une messe solennelle et communié très-dévotement, l'évêque, revêtu de ses habits pontificaux et entouré de son clergé, leur donna sa bénédiction qu'ils reçurent tous avec un pieux recueillement.

      L'escadre portant 110 hommes et des provisions pour un long voyage, ouvrit enfin, après quelques jours d'attente, ses voiles à un vent favorable dans le mois de mai (1535). Elle se composait de la Grande-Hermine de 100 à 120 tonneaux, sur laquelle Cartier arbora son pavillon, comme capitaine général; de la Petite-Hermine et de l'Émerillon, commandés, l'un par Guillaume Le Breton, et l'autre par Marc Jalobert. Plusieurs gentilshommes servaient à bord en qualité de volontaires. Dans la traversée qui fut longue, la petite flotte fut dispersée par les vents. Cartier n'arriva qu'en juillet dans la baie des Châteaux, dans une île située entre Terreneuve et Labrador, qu'il avait donnée pour rendez-vous; et les deux autres bâtimens que 10 jours après.

      Le capitaine français entra dans le fleuve du Canada par le nord de l'île d'Anticosti. Il s'arrêta quelque temps dans une baie que l'on suppose être l'embouchure de la rivière St. Jean, et à laquelle il donna le nom de St. – Laurent, appellation qui s'est étendue dans la suite à ce fleuve et au golfe dans lequel il se jette.

      Conduit par ses deux Sauvages qu'il avait ramenés avec lui, il le remonta plus de 200 lieues à partir de l'Océan, jusqu'au pied d'un île agréablement située (l'île d'Orléans). Selon leur rapport ce pays se divisait en trois provinces. Le Saguenay s'étendait depuis l'île d'Anticosti jusqu'à l'île aux Coudres. Le Canada, dont la principale bourgade était Stadaconé (Québec), commençait à cette dernière île et se prolongeait en remontant le fleuve jusque vers Hochelaga, qui formait la dernière province et la portion la plus riche et la plus populeuse de toute la contrée.

      Le nom de Canada, donné ici par les Indigènes à une partie du pays à la totalité duquel il s'étend maintenant, ne permet point d'avoir de doutes sur son étymologie. L'on doit donc rejeter les hypothèses de ceux qui veulent lui donner une origine européenne. L'on sait du reste que ce mot signifie, en dialecte indien, amas de cabanes, village.

      Cartier fit mettre alors ses guides à terre pour s'aboucher avec les naturels, qu'il vit bientôt s'approcher de ses navires dans de nombreux canots d'écorce, et offrir aux Français des poissons, du maïs et des fruits: il les reçut avec politesse et leur fit distribuer des présens.

      Le lendemain, l'Agouhanna, ou chef du pays, qui résidait à Stadaconé, descendit avec douze canots pour visiter les étrangers qui entraient sur le territoire de


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