L'éclaireur. Aimard Gustave

L'éclaireur - Aimard Gustave


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entendit se rapprocher rapidement les pas pressés d'une foule en tumulte.

      – Qu'est-ce que cela signifie? s'écria l'abbesse avec, effroi, quelle est cette rumeur?

      Elle se leva avec agitation et se dirigea d'un pas incertain vers la porte de la cellule contre laquelle on frappait en ce moment à coups répétés.

      – Mon Dieu! Mon Dieu! murmura la novice en jetant un regard suppliant à la statue de la Vierge dont le doux visage sembla lui sourire, sont-ce enfin des libérateurs!

      Nous retournerons auprès de don Toribio, que nous avons laissé marchant avec ses compagnons dans la direction du couvent.

      Ainsi que cela avait été convenu entre lui et ses complices, don Toribio trouva toute la troupe réunie sous les murs du couvent.

      Sur leur chemin, les bandits, afin de ne pas être dérangés par les serenos, les avaient garrottés, bâillonnés et menés avec eux au fur et à mesure qu'ils les rencontraient disséminés dans les rues qu'ils parcouraient. Grâce à cette habile manœuvre, ils étaient arrivés sans encombre au but de leur course. Douze serenos avaient été capturés pendant le trajet.

      Une fois parvenu au couvent, don Toribio fit poser les serenos à terre et donna l'ordre de les coucher les uns sur les autres, au pied même de la muraille.

      Puis, sortant un loup de velours de l'une de ses poches, il s'en couvrit le visage, précaution imitée par ses compagnons, et s'approchant d'une misérable masure, qui s'élevait à peu de distance, il enfonça la porte d'un coup d'épaule. Le maître de la bicoque arriva effaré et à moitié vêtu pour s'informer de ce que signifiait cette manière insolite de frapper à sa porte; le pauvre diable recula avec un cri de terreur en apercevant les hommes masqués qui étaient groupés à l'entrée de la maison.

      Don Toribio était pressé, il entama la conversation en allant de suite droit au but;

      – Buenas noches, Tío Salado; je suis charmé de vous voir en bonne santé, lui dit-il.

      L'autre répondit sans trop savoir ce qu'il disait:

      – Je vous remercie, caballero, vous êtes trop bon.

      – Allons, dépêchez-vous, prenez votre manteau et venez avez nous.

      – Moi! fit Salado avec un geste d'effroi.

      – Vous-même.

      – Mais en quoi puis-je vous être utile?

      – Je vais vous le dire: je sais que vous êtes fort considéré au couvent des Bernardines, comme pulquero d'abord et ensuite comme hombre de bien y religioso.

      – Oh! Oh! Jusqu'à un certain point, répondit évasivement le pulquero.

      – Pas de fausse modestie, je sais que vous avez le pouvoir de vous faire ouvrir les portes de cette maison quand bon vous semble; c'est pour cette raison que je vous invite à nous accompagner.

      – ¡Jesús María! Y pensez-vous, caballero? s'écria le pauvre diable avec effroi.

      – Pas d'observations, dépêchons, ou de par Nuestra señora del Carmen, je brûle votre bicoque!

      Un sourd gémissement sortit de la poitrine de Salado, qui après avoir jeté un regard désespéré sur les masques noirs qui l'entouraient, se mit en devoir d'obéir.

      De la maison du pulquero au couvent il n'y avait que quelques pas; ils furent bientôt franchis: don Toribio se tourna vers son prisonnier plus mort que vif:

      – Ah ça, compadre, lui dit-il nettement, nous voici arrivés, à vous maintenant de nous ouvrir les portes.

      – Mais, au nom du Ciel, s'écria le pulquero, en faisant un dernier effort pour résister; comment voulez-vous que je m'y prenne? Vous ne songez donc pas que je n'ai aucun moyen de…

      – Ecoutez! fit impérieusement don Toribio, vous comprenez que je n'ai pas le loisir de discuter avec vous: ou vous nous introduisez dans le couvent, et cette bourse qui contient cinquante onces est à vous, ou vous refusez, et alors, ajouta-t-il froidement en sortant un pistolet de sa ceinture, je vous brûle la cervelle avec ceci!

      Une sueur froide baigna les tempes du pulquero; il connaissait trop bien les bandits de son pays pour leur faire l'injure de douter de leurs paroles.

      – Eh bien! lui demanda l'autre en armant le pistolet, avez-vous réfléchi?

      – ¡Cáspita! caballero, ne jouez pas avec cela, je vais essayer.

      – Pour mieux réussir, voici la bourse, fit don Toribio.

      Le pulquero s'en empara avec un mouvement de joie dont il est impossible de donner une idée; puis, il se dirigea lentement vers la porte du couvent, tout en cherchant dans sa tête comment il pourrait s'y prendre pour gagner honnêtement la forte somme qu'il venait de recevoir sans courir le moindre risque, problème, nous l'avouons, dont la solution n'était pas facile à trouver.

      VIII.

      Une ténébreuse histoire (fin)

      Le pulquero s'était enfin décidé à obéir. Soudain une pensée lumineuse traversa son cerveau, et ce fut le sourire aux lèvres qu'il souleva le marteau pour frapper.

      Au moment où il allait le laisser retomber, don Toribio lui arrêta le bras.

      – Qu'y a-t-il? demanda Salado.

      – Onze heures sont sonnées depuis longtemps déjà, tout le monde dort ou doit dormir dans le couvent, peut-être vaudrait-il mieux employer un autre moyen.

      – Vous vous trompez, caballero, répondit le pulquero; la tourière veille.

      – Vous en êtes sur?

      – ¡Caramba! – répliqua l'autre, qui avait enfin formé son plan et qui maintenant craignait d'être obligé de restituer l'argent qu'il avait reçu si l'homme qui le poussait en avant changeait de résolution, – le couvent des Bernardines de Mexico est ouvert jour et nuit aux gens qui viennent y chercher des médicaments. Laissez-moi faire.

      – Allez donc alors, répondit le chef de l'expédition en lui lâchant le bras.

      – Salado ne se fit pas répéter l'autorisation de peur d'une nouvelle objection, il se hâta de laisser tomber le marteau qui résonna sur son clou de cuivre. Don Toribio et ses compagnons s'étaient effacés contre la muraille.

      Au bout d'un instant la planchette du judas glissa dans sa rainure, et la face ridée de la tourière apparut à l'ouverture.

      – Qui êtes-vous, mon frère? demanda-t-elle d'une voix chevrotante et endormie; pourquoi venez-vous à cette heure avancée frapper au couvent des Bernardines?

      –¡Ave María purísima! dit Salado de son air le plus cafard.

      – Sin pecado concebida, mon frère, seriez-vous malade?

      – Je suis un pauvre pécheur que vous connaissez, ma sœur; mon âme est plongée dans l'affliction.

      – Qui donc êtes-vous, mon frère? Je crois en effet reconnaître votre voix; mais la nuit est si noire, que je ne puis distinguer les traits de votre visage.

      – Et j'espère bien que tu ne les verras pas, dit mentalement Salado, qui ajouta à haute voix, je suis le señor Templado qui tient une locanda dans la calle Plateros.

      – Ah! Je vous remets à présent, mon frère.

      – Je crois que cela prend, murmura le pulquero.

      – Que désirez-vous, mon frère? Hâtez-vous de me l'apprendre, au très saint nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, fit-elle en se signant dévotement, mouvement imité par Salado, car l'air est très froid, et il me faut continuer mes oraisons que vous avez interrompues.

      –¡Válgame Dios, ma sœur! Ma femmes et mes deux enfants sont malades; le révérend père gardien des Franciscains m'a engagé à venir vous demander trois bouteilles de votre eau miraculeuse.

      Nous ferons observer en passant que chaque couvent


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