Le Bossu Volume 6. Féval Paul

Le Bossu Volume 6 - Féval Paul


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et du secrétaire d'État.

      – Cet effronté maraud, dit le lieutenant de police quand Dubois fut parti, – ne sait pas même jeter un voile sur les faiblesses de son maître.

      – C'est comme cela que Son Altesse Royale les aime, répondit le Blanc; – mais savez-vous le vrai sur cette affaire de la petite maison du prince de Gonzague?

      – Je sais ce que m'ont rapporté mes exempts… deux hommes morts: le cadet de Gironne et le traitant d'Albret… trois hommes arrêtés: l'ancien chevau-léger du corps, Lagardère, et deux coupe-jarrets dont le nom importe peu… madame la princesse pénétrant de force et au nom du roi dans l'antre de son époux… deux jeunes filles… mais ceci est lettre close: une énigme pour laquelle il faudrait le sphinx…

      – Une de ces deux jeunes filles est assurément l'héritière de Nevers, dit le secrétaire d'État.

      – On ne sait pas… l'une est produite par M. de Gonzague, l'autre par ce Lagardère…

      – Le régent a-t-il connaissance de ces événements? demanda le Blanc.

      – Vous venez d'entendre l'abbé… le régent a soupé jusqu'à huit heures du matin.

      – Quand l'affaire viendra jusqu'à lui, M. le prince de Gonzague n'a qu'à bien se tenir.

      Le lieutenant de police haussa les épaules et répéta:

      – On ne sait pas!.. de deux choses l'une: ou M. de Gonzague a gardé son crédit ou il l'a perdu…

      – Cependant, interrompit le Blanc, – Son Altesse Royale s'est montrée impitoyable dans l'affaire du comte de Hornes…

      – Il s'agissait du crédit de la banque… la rue Quincampoix réclamait un exemple…

      – Ici nous avons également de hauts intérêts en jeu… la veuve de Nevers…

      – Sans doute… mais Gonzague est l'ami du régent depuis vingt-cinq ans.

      – La chambre ardente a dû être convoquée cette nuit?

      – Pour M. de Lagardère et aux diligences de la princesse de Gonzague.

      – Vous penseriez que Son Altesse Royale est déterminée à couvrir le prince?..

      – Je suis déterminé, moi, interrompit péremptoirement M. de Machault, – à ne rien penser du tout, tant que je ne saurai pas si Gonzague a perdu quelque chose de son crédit… tout est là!..

      Comme il achevait, la porte de l'antichambre s'ouvrit. M. le prince de Gonzague parut seul et sans suite.

      Il y eut de grands baisemains échangés entre ces trois messieurs.

      – Ne fait-il point jour chez Son Altesse Royale? demanda Gonzague.

      – On vient de nous refuser la porte, répondirent ensemble le Blanc et de Machault.

      – Alors, s'empressa de dire Gonzague, – je suis certain qu'elle est fermée pour tout le monde.

      – Bréon! appela le lieutenant de police.

      Un valet arriva. Le lieutenant de police reprit:

      – Allez annoncer M. le prince de Gonzague chez Son Altesse Royale.

      Gonzague regarda M. de Machault avec défiance. – Ce mouvement n'échappa point aux deux magistrats.

      – Est-ce qu'il y aurait pour moi des ordres particuliers? demanda le prince.

      Dans cette question, il y avait une évidente inquiétude.

      Le lieutenant de police et le secrétaire d'État s'inclinèrent en souriant.

      – Il y a tout simplement, répondit M. de Machault, – que Son Altesse Royale, dont la porte est fermée à ses ministres, ne peut que trouver délassement et plaisir en la compagnie de son meilleur ami.

      Bréon revint et dit à haute voix sur le seuil:

      – Son Altesse Royale consent à recevoir M. le prince de Gonzague.

      Une surprise pareille, mais dont les motifs étaient bien différents, se montra sur les visages de nos trois seigneurs.

      Gonzague était ému. Il salua les deux magistrats et suivit Bréon.

      – Son Altesse Royale sera toujours le même homme! gronda le Blanc avec dépit; – le plaisir avant les affaires.

      – Du même fait, répliqua M. de Machault qui avait au reste un sourire goguenard, – on peut tirer diverses conséquences.

      – Ce que vous ne pourrez nier, du moins, c'est que le crédit de ce Gonzague…

      – Menace ruine! interrompit le lieutenant de police.

      Le secrétaire d'État leva sur lui un regard étonné.

      – A moins, poursuivit M. de Machault, que ce crédit ne soit à son apogée.

      – Expliquez-vous, monsieur mon ami… vous avez de ces subtilités!..

      – Hier, dit tout simplement M. de Machault, le régent et Gonzague étaient bons amis… Gonzague a fait antichambre avec nous pendant plus d'une heure.

      – Et vous concluez?..

      – Dieu me garde de conclure!.. seulement depuis la régence du duc d'Orléans, la chambre ardente ne s'est encore occupée que de chiffres… elle a lâché son glaive pour prendre l'ardoise et le crayon… mais voici qu'on lui jette en pâture ce M. de Lagardère… c'est un premier pas… jusqu'au revoir, monsieur mon ami, je reviendrai sur les trois heures.

      Dans le couloir qui séparait l'antichambre de l'appartement du régent, Gonzague n'eut qu'une seconde pour réfléchir. Il l'employa bien. La rencontre de Machault et de le Blanc modifia profondément son plan et sa conduite.

      Ces messieurs n'avaient rien dit, et cependant, en les quittant, Gonzague savait qu'un nuage menaçait son étoile.

      Peut-être avait-il craint quelque chose de pire.

      Le régent lui tendit la main. Gonzague, au lieu de la porter à ses lèvres comme faisaient quelques courtisans, la serra dans les siennes et s'assit au chevet du lit sans en avoir obtenu permission.

      Le régent avait toujours la tête sur l'oreiller, et les yeux demi-clos, mais Gonzague voyait parfaitement qu'on l'observait avec attention.

      – Eh bien, Philippe! dit Son Altesse Royale d'un ton d'affectueuse bonhomie, voilà comme tout se découvre!

      Gonzague eut le cœur serré, mais il n'y parut point.

      – Tu étais malheureux et nous n'en savions rien!.. continua le régent; c'est au moins un manque de confiance!

      – C'est un manque de courage, monseigneur! prononça Gonzague à voix basse.

      – Je te comprends… on n'aime pas à montrer à nu les plaies de la famille… la princesse est, on peut le dire, ulcérée…

      – Monseigneur doit savoir, interrompit Gonzague, quel est le pouvoir de la calomnie.

      Le régent se leva sur le coude et regarda en face le plus vieux de ses amis.

      Un nuage passa sur son front sillonné de rides précoces.

      – J'ai été calomnié, répliqua-t-il, dans mon honneur, dans ma probité, dans mes affections de famille… dans tout ce qui est cher à l'homme… mais je ne devine pas pourquoi tu me rappelles, toi, Philippe, une chose que mes amis tâchent de me faire oublier.

      – Monseigneur, répondit Gonzague dont la tête se pencha sur sa poitrine, je vous prie de vouloir me pardonner… la souffrance est égoïste… je pensais à moi, non point à Votre Altesse Royale…

      – Je te pardonne, Philippe, je te pardonne… à condition que tu me diras tes souffrances.

      Gonzague secoua la tête et prononça si bas que le régent eut peine à l'entendre:

      – Nous sommes habitués, vous


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