La Fille Aux Arcs-En-Ciel Interdits. Rosette

La Fille Aux Arcs-En-Ciel Interdits - Rosette


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ne me concédez un jour libre pour pouvoir le faire. Toutefois, d’autre part il me suggère menaçant de ne pas sortir la nuit, en le définissant dangereux. Qu’est-ce qu’il me reste à faire?”

      “Vous êtes encore plus belle quand vous êtes en colère, Mélisande Bruno” observa mal à propos. “La colère te teint les joues d’un rose délicieux”.

      Je me prélassai pendant un instant délicieux dans la joie de ce compliment, donc la colère prit le dessus. “Alors? J’aurai un jour libre?”

      Il fit un sourire oblique, et ma colère disparut, remplacée par une excitation diverse et impensable.

      “Ok, va pour le dimanche” accordât enfin.

      “Le dimanche?” Il avait cédé si rapidement à me donner le tournis. Il était si rapide dans ses décisions à me faire douter d’être capable de le suivre. “Mais il est aussi le jour libre de Madame Mc Millian... Vous êtes sûr de...?”

      “Millicent est libre seulement le matin. Vous pouvez avoir l’après-midi”.

      J’hochai la tête, peu convaincue. Pour le moment je devais me contenter. “D'accord”.

      Il indiqua le plateau. “Pouvez le porter en cuisine, s’il vous plait?”

      J’étais déjà arrivée à la porte, quand une pensée me survint, tel que l’impact d’une météorite. “Pourquoi juste le dimanche?”

      Je me tournai à le regarder. Il avait l’expression d’un serpent à sonnette, et je comprenais tout en un rien de temps.

      “Parce qu’aujourd’hui est dimanche, et je devrai attendre sept jours ”. Une victoire de Pyrrhus. J’étais si en colère que j’ai eu la tentation de lui lancer le plateau.

      “L’horloge tournera” il m’apaisa amusée. “Ah, ne claquez pas la porte, en sortant”.

      J’aurais la tentation de le faire, mais j’étais entravée par le plateau. J’aurais dû poser par terre le plateau, et je renonçai. Probablement il se serait amusé encore plus.

      Celle nuit, pour la première fois dans ma vie, je rêvai.

      Chapitre cinquième

      

      

      

      

      

      

      

      

      Je semblais un esprit presque spectral dans ma chemise de nuit volant au vent invisible. Sébastian Mc Laine me tendait la main, gentil. “Veux-tu danser avec moi, Mélisande Bruno?”

      Il était à l’arrêt, immobile au pied du lit. Aucun fauteuil roulant. Sa figure était tremblante, déteinte, de la même consistance des rêves. Je remplis la distance que nous séparait, rapide comme une étoile comète. Il fit un sourire ravissant, comme celui qui ne doute pas de ton bonheur, puisqu’il reflète le sien.

      “Monsieur Mc Laine... Vous pouvez marcher...” Ma voix était naïve, elle évoquait celle d’une petite fille.

      Il me rendit mon sourire, les yeux tristes et sombres. “Au moins dans les rêves, oui. Tu ne veux pas m’appeler Sébastian, Mélisande? Au moins dans le rêve?”

      J’étais gênée, récalcitrante à abandonner les formalités, même dans ce frangent fantastique et irréel.

      “D'accord... Sébastian”.

      Il entoura ma taille avec ses bras, une étreinte ferme et ludique. “Sais-tu danser, Mélisande?”

      “Non”.

      “Donc laisse-moi te conduire. Tu penses de le pouvoir faire?” Maintenant il me regardait prudent.

      “je ne crois pas d’y réussir” admis-je sincère.

      Il hoca sa tête, pas du tout dérangé par ma sincérité. “Néanmoins en rêve?”

      “Je ne rêve jamais” répondis-je stupéfaite. Et pourtant j’étais en train de le faire. C’était un fait irréfutable, non? Il ne pouvait pas être réel. Moi en nuisette entre ses bras, la douceur de son regard, l’absence du fauteuil roulant.

      “J’espère que tu ne te réveilleras pas déçue” dit-il pensif.

      “Pourquoi je devrais?” objectai-je.

      “Je serai l’objet du premier rêve de ta vie. Es-tu déçue?” Il me regarda sérieux, douteux.

      Il s’écarta maintenant, et je lui plantai les doigts dans les bras, féroces comme des griffes. “Non, reste avec moi. S’il te plaît”.

      “Tu me veux vraiment dans ton rêve?”

      “Je ne voudrais personne d’autre” dis-je effrontée. J’étais en train de rêver, me répétai-je. Je pouvais dire tout ce qui me passait par la tête, sans aucun crante des conséquences.

      Il me sourit encore, plus beau que jamais. Il me fit tournoyer, en accélérant le rythme peu à peu que j’apprenais les pas. C’était un rêve affreusement réel. Mes doigts percevaient, sous les pulpes, la douceur du cachemire de son pull-over, et encore plus en bas, la fermeté de ses muscles. A un moment donnée j’entendis un bruit, comme une pendule qui sonnait les heures. Cela me fit rire. “Même ici!”

      Le bruit de la pendule ne m’était guère agréable, il était un son strident, angoissant, vieux.

      Sébastian se détacha de moi, le front plissé. “Je dois aller”.

      Je sursautai, comme si j’avais été touchée par une balle. “Tu dois vraiment?”

      “Je dois, Mélisande. Même les rêves ont une fin”. Dans ses mots soumis il y avait tristesse, à la saveur de l’adieu.

      “Tu reviendras?” Je ne pouvais pas le laisser aller de cette façon, sans lutter.

      Il m’étudia attentivement, comme il faisait toujours pendant le jour, dans la réalité. “Comme pourrai-je ne pas retourner, maintenant que tu as appris à rêver?”

      Celle promesse poétique apaisa le battement du cœur, déjà irrégulier à l’idée de ne le voir plus. Pas comme ça, au moins.

      Le rêve s’éteint, comme la petite flamme d’une bougie. Et ainsi la nuit.

      La première chose que je vis, en ouvrant les yeux, fut le plafond aux poutres apparentes. Ensuite la fenêtre entrouverte pour le chaud.

      J’avais rêvé pour la première fois.

      Millicent Mc Millian me fit un sourire gentil, quand elle me vit apparaitre dans la cuisine. “Bonjour chérie. Tu as bien dormi?”

      “Comme jamais dans ma vie” répondis-je laconique. Le cœur risquait d’exploser dans ma poitrine, au souvenir du protagoniste de mon rêve.

      “J’en suis heureux” dit la gouvernante, sans savoir à quoi je faisais référence. Elle se lança dans une histoire détaillée de la journée passée au village. De la Messe, à la rencontre avec des gens dont les noms ne me disaient rien. Je la laissai parler comme toujours, l’esprit occupé en rêveries décidément plus agréables, les yeux toujours fixés sur l’horloge, dans l’attente fébrile de le revoir.

      Il était enfantin de penser qu’il aurait été une journée différente, qu’il aurait eu un autre comportement. Il avait été un rêve, rien d’autre. Mais j’étais si inexperte sur l’argument, que j’avais l’illusion qu’il aurait pu avoir une suite dans la réalité.

      Quand j’arrivais dans le bureau, il était en train d’ouvrir des lettres avec un coupe-papier en argent. Il souleva à peine son regard, à mon apparition.


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