Les enfants des Tuileries. Olga de Pitray

Les enfants des Tuileries - Olga de Pitray


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cela qui me console, dit Élisabeth! Cette chère grand'mère! quelle joie de la revoir!

      --Oh! oui, dit Armand, à cause de cela je suis enchanté. Jacques et Paul sont comme nous, du reste; ils aiment bien la campagne, mais ils veulent avant tout rejoindre grand'mère!

      --Je crois bien! reprit Élisabeth vivement: qui est-ce qui ne l'aimerait pas cette bonne grand'mère, si bonne, si gaie, si spirituelle, si complaisante, si indulgente, si....»

      Tout le monde riait en entendant Élisabeth parler avec son animation ordinaire, animation tellement augmentée par son émotion que la respiration lui manqua tout à coup.

      «Il faut avouer, dit gaiement Mlle Heiger, que si votre grand'mère ne vous aimait pas, Élisabeth, elle vous ferait un vif chagrin.

      --Je crois bien! dit Armand; aussi elle aime joliment Élisabeth, allez, mademoiselle!

      --Et toi aussi, s'empressa de dire sa soeur.

      --Oui, mais moins, répliqua Armand; et elle a raison; tu vaux mieux que moi.

      --Oh! non, Armand! s'écria Élisabeth.

      --Si, si! je le sais bien, va! mais je ferai des efforts pour me corriger, sois tranquille. Tiens, je fais rire papa! C'est vrai pourtant ce que je dis là, papa; je deviendrai meilleur.

      --Tu prends là une excellente résolution, cher enfant,» répliqua M. de Kermadio, en serrant la main de son fils.

      La promenade achevée, chacun alla faire ses préparatifs de départ. Les deux dernières soirées s'écoulèrent calmes et heureuses: Mme de Kermadio, Mlle Heiger et Élisabeth finissaient des vêtements pour les pauvres, tandis qu'on causait gaiement; une partie des veillées se passèrent à écouter une lecture amusante et instructive faite par M. de Kermadio, qui avait un rare talent de lecteur. Armand, lui, faisait des filets à poisson ou dessinait.

      Enfin, le jour du départ arriva et tous, le coeur gros, quittèrent Kermadio et prirent le chemin de fer, ne pensant guère qu'ils allaient retrouver en route leurs brillants et vaniteux amis.

       Table des matières

      L'ACCIDENT.

      «Mantes, sept minutes d'arrêt....

      --Cherchons un wagon vide, ou tout au moins pas trop encombré, dit Mme de Morville à son mari....

      M. DE MORVILLE.

      Ah! bonjour, cher monsieur de Kermadio. Vous voyagez en famille, n'est-ce pas?

      M. DE KERMADIO.

      Oui, nous sommes tous dans ce wagon.

      M. DE MORVILLE.

      C'est parfait! je vais avertir Mme de Morville: nous allons faire route ensemble, si vous le permettez.

      M. DE KERMADIO.

      Mais comment donc! nous en serons ravis!»

      Et la famille de Morville vint s'installer avec la famille de Kermadio. Élisabeth fit une petite moue, car Mlle Heiger avait dû descendre du wagon et chercher une place ailleurs. On échangea des bonjours; puis la conversation s'engagea entre les enfants tandis que les parents causaient de leur côté.

      JULIEN.

      Hein, mes amis, quel bonheur pour nous de quitter enfin ces maudites campagnes?

      ARMAND.

      Parlez pour vous, Julien: quant à moi, je suis désolé de revenir sitôt à Paris.

      JULIEN.

      Sitôt, mais nous sommes au 15 novembre déjà, malheureux! Vous appelez ça, tôt?

      ARMAND.

      Certainement! j'avais encore mille choses à faire à la campagne, et toutes si amusantes!

      JULIEN.

      Lesquelles donc?

      ARMAND.

      Finir de soigner mon jardin, ramasser des châtaignes; faire des piéges à loups; aider les pauvres enfants à faire leur provision de bois mort pour l'hiver, aller chercher des coquilla....

      JULIEN, l'interrompant.

      Fi! l'horreur! mais, mon cher, vous devez user une masse de gants à faire toutes ces sales besognes?

      ARMAND, riant.

      Ah! ah! ah! je crois bien que j'en userais, si j'avais la bêtise d'en mettre!

      JULIEN, avec dédain.

      Ce sont des travaux de paysan que vous faites, alors?

      ARMAND, vivement.

      De paysan comme de grand seigneur. Tous les enfants de mon âge s'amusent à cela, et ils ont bien raison.

      JULIEN, avec orgueil.

      Pas les enfants comme il faut, mon cher.

      ARMAND.

      Ces enfants-là, tout comme les autres: quand Jacques et Paul sont venus à Kermadio, ils ont fait comme moi, et m'ont dit qu'à Vély ils avaient aussi leur jardin et que leurs occupations ressemblaient aux miennes.

      JULIEN.

      C'est possible, mais c'est bien drôle!

      Pendant que les deux petits garçons causaient ainsi, Irène disait à Élisabeth: «Quelle toilette mettrez-vous cet hiver?

      ÉLISABETH.

      Maman ne s'en est pas encore occupée, et je n'ai pas songé à le lui demander.

      IRÈNE, surprise.

      En vérité! moi, je sais d'avance tout ce que je veux avoir pour moi et pour ma poupée.

      ÉLISABETH.

      Ce n'est pas une grande affaire que de se dire qu'on aura deux robes, l'une pour tous les jours en mérinos ou en drap, l'autre pour les dimanches, en popeline ou en alpaga.

      IRÈNE.

      Ciel! ma chère, croyez-vous que deux robes me suffiraient? mais j'aurais l'air d'une pauvresse!

      ÉLISABETH.

      Je vous assure que je n'ai que cela, et pourtant je ne me considère pas du tout comme une pauvresse!

      IRÈNE, avec importance.

      Moi, voici ce que j'aurai. Remarquez que c'est moi qui ai inventé les garnitures de mes toilettes.

      ÉLISABETH, étonnée.

      Vous avez des robes garnies? des jupes toutes simples sont bien plus commodes pour jouer.

      IRÈNE.

      A la campagne, à la rigueur, oui; mais à Paris, ma chère, aux Tuileries! songez donc qu'il y a un monde fou!

      ÉLISABETH, riant.

      Comment! il n'y a que des fous aux Tuileries? Merci pour Armand et moi qui y allons toujours.

      IRÈNE.

      Ne vous moquez pas, et écoutez ce que j'aurai en jolies toilettes: robe de faye....

      ÉLISABETH.

      Qu'est-ce que c'est que ça, de la faye?

      IRÈNE, riant.

      Ah! ah! ah! quelle innocente! mais c'est de la soie, ma chère, de la soie magnifique, d'un grain tout particulier.


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