Des variations du langage français depuis le XIIe siècle. F. Génin

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target="_blank" rel="nofollow" href="#ulink_9b6c3727-8f23-5ee0-9c26-4ab047e24d04">[13] S'instruit par l'exemple d'autrui.

      On écrivait pacte, et l'on prononçait patte. Apactir (sens analogue à affermer), apatir, tenir en apatis:—«Laquelle cité un pauvre soudoyer Bourgognon, nommé Pernet Braset, tenoit en apatis, le roi estant dedans.»

      (Olivier de la Marche, liv. I, ch. 3, p. 124, édit. de 1567; Gand.)

      C'est pourquoi quelques scribes mettaient ct où l'étymologie demandait deux tt. Par exemple, dans les Mémoires de Jacques du Clercq, mettre, remettre, promettre, sont toujours écrits mectre, remectre, promectre. (Édit. Buchon). La différence n'existe que pour l'œil.

      D.

      (Voyez le chapitre des consonnes euphoniques intercalaires.)

      F.

      F finale précédée d'un é tombait, et l'é sonnait fermé.

      Chef sonnait ché, comme clef, de clavis, n'a pas cessé de sonner clé. Chef-d'œuvre, Chédeville (nom propre, pour chef-de-ville).

      (Benoît de Sainte-More, v. 2243.)

      La veissiez tant decouper!

      Tant chés fendus en deux meitiez!

      (Ibid., v. 5148.)

      Si Charlemagne ne s'enfuit au plus vite, dit l'amiral Baligant, le roi Marsile va être ici vengé: j'en livrerai la tête (de Charlemagne).

      Li reis Marsile enqui serat venget:

      Par sun puing destre en livrerai le chés.

      (Ch. de Roland, st. 196, 20.)

      On écrit toujours chef, et l'on commence à n'écrire plus que clé. On peut encore mettre en vers chef auguste; on n'y peut plus mettre bailli arrogant, qu'on eût écrit jadis baillif arrogant, de baillivus.

      Le peuple persiste à dire un habit neu;—il a fait adopter à la bonne société le bœu gras. Un bœufe et un habit neufe sont aussi barbares qu'un homme veufe, la soife, les Juifes, etc.

      Dans la Chace dou cerf:

      Dois tu crier: Appelle! appelle!

      Le cuir trousse derriere toi:

      N'est pas merveille se t'as soi.

      (Jubinal, Nouv. recueil, I, p. 169.)

      Tous les anciens manuscrits écrivent les Juis; c'est comme le prononçait Regnier, qui fait rimer ce mot à ennuis:

      … J'aimerois bien mieux, chargé d'âge et d'ennuis,

      Me voir à Rome pauvre, entre les mains des Juifs.

      (Sat. VIII.)

      L'f finale se change, devant une voyelle, en sa douce v. Chef, chevet; neuf, neuve; Juif, Juive. C'est pourquoi l'on prononce neuv hommes.

      G.

      On le rencontre aux premières personnes de l'indicatif: Ving, tieng, etc.:

      Contre-val rue de la Harpe

      Ving en la rue S. Seuering.

      (Guillot de Paris, le Dit des rues.)

      Beau fils, ce tieng a grant savoir

      Que faciez trestoz son vouloir.

      (Partonopeus, v. 3913.)

      G représente ici le pronom je: Vins-je? tiens-je?

      Mais il est marqué souvent où il n'y a point d'élision, ni de pronom de la première personne: ainsi, à la fin de saint Sevring, et d'une foule d'autres mots, ung, loing, soing, besoing, tesmoing, etc., etc., où l'étymologie ne justifie pas sa présence. C'est un des nombreux abus d'un temps où il n'existait point de code pour la grammaire ni pour l'orthographe.

      Il faut observer que le g final parasite ne se rencontre pas dans les manuscrits d'une très-haute antiquité. Il se montre au XIVe siècle, devient plus fréquent au XVe, et le XVIe l'a prodigué; car la pédanterie des consonnes inutiles a été le caractère de cette époque. On croyait, en surchargeant l'écriture, étaler une grande érudition d'étymologies.

      Nos pères avaient grand soin d'appuyer fortement les terminaisons de leurs mots. Ils écrivaient sanc par un c, et nous disons encore du sanc humain, quoique nous écrivions sang avec un g, à cause de sanguis. Devant une liquide le g reparaissait: sanglant, sanglot.

      Mais, suivi d'une consonne plus forte que lui, il la laisse prévaloir. Ainsi dans Magdelaine il s'efface devant le d.

      H.

      L'h ne termine aucun mot dans notre langue; mais puisque l'occasion se présente d'en dire quelque chose, nous ne la laisserons pas échapper.

      C'était, chez les Grecs, un signe d'aspiration; elle ne paraît pas avoir joué ce rôle chez les Latins, qui l'ont reproduite plutôt comme indication étymologique et par imitation. Les Italiens modernes, après l'avoir employée, l'ont bannie de leur langue.

      L'emploi le plus clair de l'h dans notre vieille langue, c'est d'avoir marqué la diérèse. Elle servait à empêcher la fusion de deux voyelles en une diphtongue. Par exemple, Loherain; Loheraine.

      Loherane ont et Ardane escillie.

      (Ogier, v. 10784.)

      Mes sires est li Loherains Garin.

      (Garin, II, p. 270.)

      Prononcez comme Laurain, comme dans Hohenlohe, l'au si long qu'il compte pour deux syllabes. C'est encore la prononciation actuelle en Lorraine.

      Quant à l'h aspirée au commencement des mots, je crois qu'elle était inconnue, au moins pour les mots dérivés du latin. Aujourd'hui même, elle n'y tient qu'un emploi commémoratif: honnête, habile, homme, honneur, humble, habitude, héritier, etc., etc., se passeraient parfaitement de l'h initiale; la prononciation n'y perdrait rien. Elle a été transportée chez nous par imitation; et cette imitation aveugle l'a même attachée à des mots où elle est tout à fait intruse: huile, d'oleum;—hermite, d'eremita;—haut, de altus;—huit, d'octo, etc.


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