La Cité Antique. Fustel de Coulanges

La Cité Antique - Fustel de Coulanges


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Id., ibid., II, 3, 7.

      [30] Eschine, contre Timarque. Diogène Laërce, I, 55.

      [31] Aristote, Polit., VII, 2.

      [32] Mitakchara, trad. Orianne, p. 50. Cette règle disparut peu à peu quand le brahmanisme devint dominant.

      [33] Ce prêtre était appelé agrimensor. Voy. Scriptores rei agrariae.

      [34] Stobée, 42.

      [35] Cette règle disparut dans l'âge démocratique des cités.

      [36] Une loi des Éléens défendait de mettre hypothèque sur la terre, Aristote, Polit., VII, 2. L'hypothèque était inconnue dans l'ancien droit de Rome. Ce qu'on dit de l'hypothèque dans le droit athénien avant Solon s'appuie sur un mot mal compris de Plutarque.

      [37] Dans l'article de la loi des Douze Tables qui concerne le débiteur insolvable, nous lisons: Si volet suo vivito; donc le débiteur, devenu presque esclave, conserve encore quelque chose à lui; sa propriété, s'il en a, ne lui est pas enlevée. Les arrangements connus en droit romain sous les noms de mancipation avec fiducie et de pignus étaient, avant l'action Servienne, des moyens détournés pour assurer au créancier le payement de la dette; ils prouvent indirectement que l'expropriation pour dettes n'existait pas. Plus tard, quand on supprima la servitude corporelle, il fallut trouver moyen d'avoir prise sur les biens du débiteur. Cela n'était pas facile; mais la distinction que l'on faisait entre la propriété et la possession, offrit une ressource. Le créancier obtint du préteur le droit de faire vendre, non pas la propriété, dominium, mais les biens du débiteur, bona. Alors seulement, par une expropriation déguisée, le débiteur perdit la jouissance de sa propriété.

       Table des matières

      LE DROIT DE SUCCESSION.

       1° Nature et principe du droit de succession chez les anciens.

      Le droit de propriété ayant été établi pour l'accomplissement d'un culte héréditaire, il n'était pas possible que ce droit fût éteint après la courte existence d'un individu. L'homme meurt, le culte reste; le foyer ne doit pas s'éteindre ni le tombeau être abandonné. La religion domestique se continuant, le droit de propriété doit se continuer avec elle.

      Deux choses sont liées étroitement dans les croyances comme dans les lois des anciens, le culte d'une famille et la propriété de cette famille. Aussi était-ce une règle sans exception dans le droit grec comme dans le droit romain, qu'on ne pût pas acquérir la propriété sans le culte ni le culte sans la propriété. « La religion prescrit, dit Cicéron, que les biens et le culte de chaque famille soient inséparables, et que le soin des sacrifices soit toujours dévolu à celui à qui revient l'héritage. » [1] A Athènes, voici en quels termes un plaideur réclame une succession: « Réfléchissez bien, juges, et dites lequel de mon adversaire ou de moi, doit hériter des biens de Philoctémon et faire les sacrifices sur son tombeau. » [2] Peut-on dire plus clairement que le soin du culte est inséparable de la succession? Il en est de même dans l'Inde: « La personne qui hérite, quelle qu'elle soit, est chargée de faire les offrandes sur le tombeau. » [3]

      De ce principe sont venues toutes les règles du droit de succession chez les anciens. La première est que, la religion domestique étant, comme nous l'avons vu, héréditaire de mâle en mâle, la propriété l'est aussi. Comme le fils est le continuateur naturel et obligé du culte, il hérite aussi des biens. Par là, la règle d'hérédité est trouvée; elle n'est pas le résultat d'une simple convention faite entre les hommes; elle dérive de leurs croyances, de leur religion, de ce qu'il y a de plus puissant sur leurs âmes. Ce qui fait que le fils hérite, ce n'est pas la volonté personnelle du père. Le père n'a pas besoin de faire un testament; le fils hérite de son plein droit, ipso jure heres exsistit, dit le jurisconsulte. Il est même héritier nécessaire, heres necessarius. [4] Il n'a ni à accepter ni à refuser l'héritage. La continuation de la propriété, comme celle du culte, est pour lui une obligation autant qu'un droit. Qu'il le veuille ou ne le veuille pas, la succession lui incombe, quelle qu'elle puisse être, même avec ses charges et ses dettes. Le bénéfice d'inventaire et le bénéfice d'abstention ne sont pas admis pour le fils dans le droit grec et ne se sont introduits que fort tard dans le droit romain.

      La langue juridique de Rome appelle le fils heres suus, comme si l'on disait heres sui ipsius. Il n'hérite, en effet, que de lui-même. Entre le père et lui il n'y a ni donation, ni legs, ni mutation de propriété. Il y a simplement continuation, morte parentis continuatur dominium. Déjà du vivant du père le fils était copropriétaire du champ et de la maison, vivo quoque patre dominus existimatur. [5]

      Pour se faire une idée vraie de l'hérédité chez les anciens, il ne faut pas se figurer une fortune qui passe d'une main dans une autre main. La fortune est immobile, comme le foyer et le tombeau auxquels elle est attachée. C'est l'homme qui passe. C'est l'homme qui, à mesure que la famille déroule ses générations, arrive à son heure marquée pour continuer le culte et prendre soin du domaine.

       2° Le fils hérite, non la fille.

      C'est ici que les lois anciennes, à première vue, semblent bizarres et injustes. On éprouve quelque surprise lorsqu'on voit dans le droit romain que la fille n'hérite pas du père, si elle est mariée, et dans le droit grec qu'elle n'hérite en aucun cas. Ce qui concerne les collatéraux paraît, au premier abord, encore plus éloigné de la nature et de la justice. C'est que toutes ces lois découlent, suivant une logique très- rigoureuse, des croyances et de la religion que nous avons observées plus haut.

      La règle pour le culte est qu'il se transmet de mâle en mâle; la règle pour l'héritage est qu'il suit le culte. La fille n'est pas apte à continuer la religion paternelle, puisqu'elle se marie et qu'en se mariant elle renonce au culte du père pour adopter celui de l'époux. Elle n'a donc aucun titre à l'héritage; s'il arrivait qu'un père laissât ses biens à sa fille, la propriété serait séparée du culte, ce qui n'est pas admissible. La fille ne pourrait même pas remplir le premier devoir de l'héritier, qui est de continuer la série des repas funèbres, puisque c'est aux ancêtres de son mari qu'elle offre les sacrifices. La religion lui défend donc d'hériter de son père.

      Tel est l'antique principe; il s'impose également aux législateurs des Hindous, à ceux de la Grèce et à ceux de Rome. Les trois peuples ont les mêmes lois, non qu'ils se soient fait des emprunts, mais parce qu'ils ont tiré leurs lois des mêmes croyances.

      « Après la mort du père, dit le code de Manou, que les frères se partagent entre eux le patrimoine »; et le législateur ajoute qu'il recommande aux frères de doter leurs soeurs, ce qui achève de montrer que celles-ci n'ont par elles-mêmes aucun droit à la succession paternelle.

      Il en est de même à Athènes. Démosthènes, dans ses plaidoyers, a souvent l'occasion de montrer que les filles n'héritent pas. [6] Il est lui-même un exemple de l'application de cette règle; car il avait une soeur, et nous savons par ses propres écrits qu'il a été l'unique héritier du patrimoine; son père en avait réservé seulement la septième partie pour doter sa fille.

      Pour ce qui est de Rome, les dispositions du droit primitif qui excluaient les filles de la succession, ne nous sont pas connues par des textes formels et précis; mais elles ont laissé des traces profondes dans le droit des époques postérieures. Les Institutes de Justinien excluent encore la fille du nombre des héritiers naturels, si elle n'est plus sous la puissance du père; or elle n'y est plus dès qu'elle est mariée suivant les rites religieux. [7] Il résulte déjà de ce texte que, si la fille, avant d'être mariée, pouvait partager l'héritage avec son frère, elle ne le pouvait certainement pas dès que le mariage l'avait attachée à une autre religion et à une autre famille. Et s'il en était encore ainsi


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