Les pélerinages des environs de Paris. François-René Salmon

Les pélerinages des environs de Paris - François-René Salmon


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Viennent ensuite la colonne de François II, érigée d’abord dans l’église des Célestins à Paris, celle de Henri III dressée en 1594 dans l’église de Saint-Cloud, celle du cardinal de Bourbon également de la fin du seizième siècle.

      Ces monuments que le marteau des démolisseurs de 93 avait respectés, avaient été dispersés dans les musées; quand on songea à les rendre à leur ancien asile, on les réunit à la hâte avec des pièces de tout style et de toute provenance, choisies sans beaucoup de discernement, tronquées, mutilées, faites de morceaux divers. M. Violet le Duc s’est appliqué à restituer à chaque chose son caractère primitif et sa vraie place. Les tombeaux avaient été mis d’abord dans les caveaux, et s’y trouvaient, suivant l’expression du savant architecte, rangés comme des futailles dans une cave; aujourd’hui, l’église haute a reçu, par ses soins, le plus grand nombre de ces cénotaphes qu’on est heureux de voir ainsi remis en lumière.

      Dans ses dispositions générales, la basilique ressemble aux édifices religieux de l’âge gothique. Le plan forme une croix latine, la nef étant coupée par le transept qui la sépare de l’abside couronnée de ses chapelles rayonnantes. L’orientation y est observée et l’inflexion de l’axe du chœur, symbole de l’inclinaison de la tête du Sauveur sur la croix, y est très-sensible. L’ensemble du monument peut se diviser en cinq parties. C’est d’abord le porche intérieur, lequel comprend les deux premières travées de la nef, puis la nef elle-même qui a six travées, le transept, le chœur et l’abside.

      Extérieurement, quand on arrive en face de la basilique, on remarque les deux tours de la façade, celle du nord découronnée de sa flèche, celle du midi avec un clocher très-simple, entre les deux une muraille lisse et crénelée dans sa partie supérieure, ouverte en bas par trois larges baies en ogive, tapissées de bas-reliefs et de statues, lesquelles forment le grand portail occidental. C’est un caractère mixte, moitié militaire et moitié religieux. La partie la plus voisine du sol est l’entrée d’une cathédrale; en haut, c’est le simulacre d’une forteresse, dont rien ne défend l’accès d’ailleurs; il n’y a trace ni de fossés ni de ponts-levis. Dans le pignon aigu qui porte la statue de saint Denis à son sommet, entre les deux tours, s’ouvre la grande rose occidentale. Les trois baies du dehors sont dignes d’attention. On les aborde directement: elles sont à découvert, rien ne les dérobe au regard. Le porche de Saint-Denis, contrairement aux dispositions adoptées d’ordinaire, est non pas extérieur, mais intérieur; on avait voulu sans doute, dans les réceptions pontificales et royales, mettre les visiteurs à l’abri du froid et de la pluie.

      Dans la baie centrale, les vantaux de la porte étaient autrefois séparés par un trumeau qui portait la statue colossale de saint Denis; les religieux, trouvant qu’il gênait pour le passage du dais dans les processions, l’avaient fait abattre. Les bas-reliefs des montants sont curieux: ils représentent d’un côté les Vierges sages, de l’autre les Vierges folles. Toute la partie supérieure est consacrée à la grande scène du jugement dernier. Au centre du tympan, se tient le Christ, juge suprême des vivants et des morts, les bras étendus, avec des banderolles à la main. On lit sur celle de droite: «Venite, benedicti Patris; mei» sur l’autre: «Ite, maledicti, in ignem æternum.» Les apôtres sont au-dessous du Sauveur. La très-sainte Vierge, placée à la droite de son Fils, intercède pour les pécheurs. Au linteau de la porte, est figurée la résurrection des morts. On les voit qui soulèvent la pierre de leurs tombeaux. Dans les cordons de l’archivolte, sont groupés d’une part les élus, de l’autre les réprouvés, que les démons s’arrachent et qu’en dépit de leur résistance et de leurs cris, ils entraînent dans l’enfer. Dans les cordons supérieurs, au milieu de la voussure, apparaît la maison de Dieu; le Saint-Esprit est au centre, on voit au-dessous le Père éternel portant l’Agneau divin, autour duquel se rangent les vingt-quatre vieillards et les anges adorateurs. La porte méridionale de cette façade est, comme celle-ci, du temps de Suger, sauf les restaurations modernes. Elle représente les scènes de la légende de saint Denis: l’apôtre, dans sa prison, recevant la communion de la main du Sauveur, le juge sur son tribunal, les bourreaux qui s’apprêtent; dans les cordons, le martyr décapité portant sa tête entre ses mains. La baie du nord s’appelait autrefois la porte de Dagobert, parce qu’on y voyait la statue de ce prince; elle a les caractères généraux de celle qui lui correspond au midi, mais les sculptures sont toutes modernes et des plus mauvaises.

      Si l’on prend à gauche, on arrive devant le coté septentrional de la basilique; c’est la partie la plus brillante. Les élégants contreforts à double cintre, la galerie trilobée qui surmonte le triforium, les hautes fenêtres avec leurs frontons aigus, leurs baies largement ouvertes et leurs gracieux entrelacs, en un mot, toute celte végétation de pierre où se jouent, à travers les feuillages et les fleurs, les animaux les plus divers, compose tout un ensemble d’une richesse extrême et d’un travail exquis. De ce côté, le portail du transept s’ouvre entre les deux bases grandioses qui devaient porter les tours commencées pas Suger, il est dominé par un fronton, au sommet duquel s’élève la statue de saint Rustique. La rose qui s’y épanouit et dont les pétales sont dessinées par des meneaux gracieusement entrelacés, a trente-six pieds de diamètre. Il faut voir en détail toute l’ornementation de ce portail, ces tourelles si bien décorées, ces frises si richement brodées, et toute la statuaire symbolique qui anime cette façade avec les personnifications du péché, le tout taillé dans la pierre avec l’éclat et la verve qu’avait acquis la sculpture et dont elle possédait tous les secrets dès le quatorzième siècle.

      La façade méridionale ne peut être vue que du côté des bâtiments de l’ancienne abbaye. Elle est loin de valoir celle du nord. Le portail à pignon, portant la statue de saint Eleuthère, a été en grande partie mutilé par la prétendue restauration de 1718.

      Pour avoir un coup d’œil magnifique et une vue complète du monument à l’intérieur, il faut, autant que le permettent les échafaudages qu’ont nécessités les travaux en cours d’exécution, se placer sous la tribune de l’orgue. C’est de là qu’il faut voir l’étendue, la hardiesse et l’élévation des voûtes et l’élégance des énormes piliers qui les soutiennent; de là, qu’il faut saisir l’effet des verrières qui produisent, indépendamment de leur valeur assez médiocre, ces reflets irisés dont la lumière discrète et tamisée convient si bien aux combinaisons architectoniques du moyen âge; de là, qu’il faut embrasser ce quadruple emmarchement qui sépare l’abside du transept dans une disposition ascensionnelle, où la perspective se prolonge, où l’autel s’élève dans les airs avec la couronne lumineuse de ses chapelles rayonnantes.

      Sans évoquer les richesses du passé, le crucifix et les statues en or de la sainte Vierge et des apôtres, les boiseries sculptées de Jehan de Malot, le jubé de Suger avec ses tables d’ivoire, «ajourées et ystoriées » de personnages, d’animaux et d’agencements en cuivre doré, il en reste assez encore pour éblouir le regard, quand on a franchi ces escaliers de marbre qui conduisent au deambulatorium, du choeur. Ce sont encore les splendeurs des anciens âges. Ces colonnes à droite sont du temps de Suger, celles de gauche ont été élevées par saint Louis. Et ces chapelles avec leurs vitraux, comme elles sont éclatantes! Et ces superbes autels, comme ils ont été bien conçus, relevés, décorés d’or et do peintures, avec leurs retables anciens et leurs statues dans le vrai goût de l’époque!

      C’est la main de M. Violet le Duc qu’on trouve ici partout. C’est lui qui a fait disparaître d’affreux badigeons, qui a fouillé le terrain, retrouvé la base ancienne des colonnes, rétabli le niveau du sol tel qu’il était sous saint Louis; c’est lui qui a restauré toutes les chapelles, dessiné les autels avec leurs baldaquins, et mis partout, à la place de la confusion et du mauvais goût, la grâce, la richesse et l’harmonie.

      La main des Prussiens a passé, elle aussi, sur ces merveilles. Elle a mutilé quelques-unes de ces statues de marbre qui dorment sur leurs tombeaux; elle a brisé çà et là des bas-reliefs antiques, arraché des fragments de ces beaux retables du temps de saint Louis. On ne sait où se fut arrêté ce vandalisme, si d’énergiques protestations n’avaient enfin obligé les chefs à rappeler au respect une soldatesque grossière. Le


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