Les pélerinages des environs de Paris. François-René Salmon

Les pélerinages des environs de Paris - François-René Salmon


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lendemain; elles furent suivies de la messe, pendant laquelle, après l’offrande, le doyen de Notre-Dame, Thomas de Courcelles, docteur en théologie, fit l’oraison funèbre. La messe terminée, les princes du sang et les seigneurs se rendirent pour l’enterrement dans la chapelle royale où furent apportés le corps du roi et son effigie. A l’issue des cérémonies, le héraut cria à haute voix: «Priez Dieu pour l’âme du très-excellent, très-puissant et très-victorieux prince, le roy Charles VII de ce nom.» Puis il jeta sa masse d’armes dans la fosse, contre le cercueil; un moment après, il la retira en criant: «Vive le roy!» A l’instant, des cris et des acclamations lui répondirent: «Vive Louis, roy de France !»

      Le nouveau monarque, dans sa dévotion dont les excès et les importunités durent fatiguer Dieu, la Vierge et les saints et dont ce n’est pas le lieu de justifier ici les excentricités, n’eut garde d’oublier saint Denis. Il eut recours à lui surtout dans la maladie dont il mourut. En même temps qu’il faisait apporter dans sa chambre toutes les reliques imaginables, qu’il appelait en toute hâte un grand saint, sur la présence duquel il comptait pour échapper à la mort et se mettre à l’abri de l’enfer dont il avait peut-être quelque raison d’avoir peur, il ordonnait qu’on fit une procession de Paris à Saint-Denis, pour faire cesser le mauvais vent de galerne qui l’incommodait fort. On ne saurait dire si le vent cessa ou non, toujours est-il que le roi mourut et qu’il alla rejoindre ses prédécesseurs à Saint-Denis!

      Mais, comme le disait le vieux cri national: «Le roy est mort! Vive le roy!» et la joie ne tardait pas à faire place au deuil dans l’enceinte de la vieille basilique. Louis XII, après s’être fait sacrer à Reims, venait se faire couronner à Saint-Denis. C’était une coutume déjà établie non-seulement pour les reines, mais aussi pour les rois. Qu’on s’imagine quel mouvement, quel éclat et quelle vie apportaient à la basilique de pareilles solennités, où rivalisaient en magnificence princes, seigneurs et prélats. C’était surtout pour le trésor de l’église une source de richesses inouïes. Les insignes royaux, les couronnes d’or, les dons des souverains, les croix, les crosses, les. mitres, les vases sacrés, les reliquaires, ajoutaient incessamment de nouvelles merveilles aux merveilles du passé.

      A peine François Ier eut-il reçu, comme son prédécesseur, la couronne royale dans la basilique qu’il fit préparer de nouvelles fêtes pour le couronnement de la reine, Claude de France. L’église, parée avec une magnificence inouïe, vit en cette circonstance le cardinal de Luxembourg, évêque du Mans, officier au milieu d’un nombre considérable d’archevêques et d’évêques. La reine, vêtue de soie et de pierreries, fit son entrée, conduite par les évêques de Toulouse et de Laon, accompagnée par les duchesses d’Alençon et de Vendôme, suivie d’un long cortége de grandes dames et de princesses. Un Te Deum solennel fit, au même moment, retentir les vieilles voûtes du temple. La reine, à genoux à l’entrée du chœur, reçut les onctions saintes de la main du cardinal qui lui remit ensuite avec les formules et les oraisons prescrites, la main de justice et l’anneau. Puis il commença la messe, assisté, comme diacre, de l’archevêque de Tours et de l’évêque de Beauvais, comme sous-diacre. A l’offrande, des dames présentèrent des pains dorés et argentés, du vin en un vase d’or et treize pièces d’or monnayé. La reine fit très-dévotement la sainte communion et la cérémonie se termina par la bénédiction que lui donna le cardinal.

      Ainsi s’enchaînaient les unes aux autres, dans l’enceinte du vieux temple, les solennités tantôt tristes, tantôt joyeuses, avec une régularité qui en rendrait monotones les autres descriptions, bien que les funérailles de François 1er aient été d’une magnificence exceptionnelle. Ce prince avait pris cependant, à l’égard de l’abbaye, une mesure qui devait être fatale à la régularité des religieux. Il lui avait donné, dans la personne du cardinal de Bourbon, un abbé commendataire. Cet exemple ne fut que trop suivi. Ces prélats, grands seigneurs, qui ne résidaient pas et se contentaient de toucher les revenus de leurs gros bénéfices, négligeaient tous les soins du monastère. La discipline ne pouvait manquer d’en souffrir; le relâchement qui en résulta, ne fut que trop favorisé par la guerre civile et religieuse qui jeta le trouble dans les institutions et dans les vies, dans les personnes et dans les choses.

      Le temps des épreuves avait commencé pour la basilique, pour l’abbaye et pour tout ce qui intéresse le culte de saint Denis. En 1563, les huguenots se rendirent maîtres de la ville et du monastère et dépouillèrent l’église de bon nombre d’objets précieux qui n’avaient pas été mis à l’abri de leurs atteintes. Le 10 novembre 1567, le connétable de Montmorency livra dans les plaines de Saint-Denis la bataille qui en a porté le nom et paya de sa vie la victoire qui resta à son armée. L’année suivante, Charles IX fit apporter à la Sainte-Chapelle les châsses des saints martyrs et celle de saint Louis et prescrivit une procession solennelle avec toutes les reliques pour obtenir que la paix fut rendue au royaume.

      Bien du sang devait couler encore, bien des alternatives de succès et de revers, toujours désastreuses pour la France, allaient marquer ces tristes guerres, avant que la conversion d’Henri IV vint apporter la seule solution capable de sauver le pays. Ce fut l’église de Saint-Denis qui reçut l’abjuration du roi. Le 25 juillet 1593, le monarque s’y présenta dès le matin, suivi d’un immense concours de peuple. Les religieux allèrent le recevoir en aubes et sans chappes à la porte de la basilique; Henri de Navarre ne pouvant être encore qu’un pénitent aux yeux de l’Eglise. Seul, l’archevêque de Bourges, comme officiant, était en habits pontificaux, au milieu des évêques et des abbés rangés autour de lui. Quand le roi fut arrivé au seuil du parvis, l’archevêque lui demanda qui il était et ce qu’il voulait: «Je suis le roy,» répondit simplement Henri, qui demanda d’être reçu au giron de l’Eglise apostolique et romaine. Puis, se jetant à genoux, il fit sa profession de foi qu’il présenta signée de sa main à l’archevêque; après quoi, il entra dans la basilique où reposaient les cendres de ses aïeux.

      L’ordre de saint Benoît tout entier avait été atteint dans sa discipline au milieu des guerres civiles qui désolaient la France. A diverses reprises, on avait essayé de remédier au mal; toutes les tentatives étaient restées impuissantes. L’abbaye de Saint-Denis avait ressenti comme les autres et plus encore peut-être l’influence pernicieuse des circonstances. Cependant, le prieur de l’abbaye de Sainte-Vanne, dom Didier de la Cour, vint à bout d’introduire dans son monastère une sérieuse réforme qui donna bientôt naissance à celle de la fameuse congrégation de Saint-Maur. Ce ne fut pas sans difficulté qu’on put la faire accepter à Saint-Denis; le cardinal de la Rochefoucauld y réussit enfin, grâce à l’appui que lui prêta Richelieu.

      Louis XIV fut reçu fréquemment à Saint-Denis; il ne paraît pas, malgré cela, qu’il ait jamais eu beaucoup d’affection pour cette église. Il la dépouilla d’abord de son titre abbatial; puis, le 15 juin 1686, sur les instances de Mme de Maintenon qui venait de fonder Saint-Cyr et qui avait besoin d’argent pour ce nouvel établissement, il enleva à la basilique la. somme de 100,000 fr. dont elle était annuellement dotée, pour la donner à la maison de Saint-Cyr. Les Bénédictins en grand nombre quittèrent l’abbaye et se retirèrent au monastère de Saint-Maur.

      Sous Louis XV, ce fut le monument qui eut à souffrir des inintelligentes modifications que lui imposa le mauvais goût de l’époque. L’autel des reliques fut refait à neuf et fut loin d’y gagner. On ne se fit aucun scrupule d’enfoncer plusieurs verrières pour donner plus de clarté à l’intérieur. Tout annonçait la décadence ou plutôt la catastrophe qui allait emporter avec la monarchie les grandeurs du passé. Déjà le corps de Louis XIV avait été conduit aux caveaux de Saint-Denis dans un appareil peu digne du grand roi. Ce fut bien pis pour son successeur qu’un simple carrosse de chasse y transporta. On avait déjà perdu le respect des rois. A voir la manière dont la fille aînée de Louis XV, Mme Henriette, fut conduite à sa dernière demeure, au milieu des rires et des folies des gens de la cour et de la populace, on eût dit qu’on s’essayait déjà à braver au convoi de cette jeune femme la sainteté de la mort et qu’on préludait aux horribles profanations de la Révolution.

      «Dieu avait juré


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