Études: Baudelaire, Paul Claudel, André Gide, Rameau, Bach, Franck, Wagner, Moussorgsky, Debussy…. Jacques Rivière
Qui vit, s'agite et se tortille,
Et se nourrit de nous comme le ver des morts,
Comme du chêne la chenille?
Pouvons-nous étouffer l'implacable Remords?
[8] Ciel brouillé, p. 160.
[9] Un Voyage à Cythère, p. 321.
[10] "Il a chanté, disait Claudel, la seule passion que le xixe siècle pût éprouver avec sincérité: le remords."
[11] L'Irrémédiable, p. 242.
[12] "Volupté saturée de douleur et de remords." (Œuvres Posthumes, p. 93.)
Derrière les décors
De l'existence immense, au plus noir de l'abîme
Je vois distinctement des mondes singuliers.
(La Voix, p. 225.)
Comparez:
Mais les ténèbres sont elles-mêmes des toiles
Où vivent, jaillissant de mon œil par milliers,
Des êtres disparus aux regards familiers!
(Obsession, p. 204.)
Et:
Promenant sur le ciel des yeux appesantis
Par le morne regret des chimères absentes.
(Bohémiens en voyage, p. 104.)
Dans les Posthumes on lit (p. 86): "Il y a des moments de l'existence où le temps et l'étendue sont plus profonds, et le sentiment de l'existence immensément augmenté."
[14] La Chevelure, p. 119. Comparez Parfum exotique, p. 118.
Une île paresseuse où la nature donne, etc.
[15] Mœsta et Errabunda, p. 184 et 185.
[16] L'Invitation au voyage, p. 167.
[17] S'adressant à sa Muse malade (p. 98), il dit:
Je voudrais qu'exhalant l'odeur de la santé
Ton sein de pensers forts fût toujours fréquenté,
Et que ton sang chrétien coulât à flots rythmiques
Comme les sons nombreux des syllabes antiques,
Où règnent tour à tour le père des chansons,
Phœbus, et le grand Pan, le seigneur des moissons.
[18] Je songe, dit-il:
A quiconque a perdu ce qui ne se retrouve
Jamais! jamais! à ceux qui s'abreuvent de pleurs...
(Le Cygne, p. 260.)
Comparez:
Pauvre grande beauté! Le magnifique fleuve
De tes pleurs aboutit dans mon cœur soucieux.
(Le Masque, p. 115.)
[19] Spleen, p. 199. Comparez le poème:
Je n'ai pas oublié, voisine de la ville, etc. (p. 282).
[20] p. 309 et 310.
[21] Une Martyre, p. 311.
[22] Crépuscule du Matin, p. 290 et 291.
[23] La Mort des pauvres, p. 340.
[24] Sans doute il est impossible de ne pas tenir compte d'un assez grand nombre de poèmes révoltés; la révolte est le sujet même de certains.—Baudelaire s'engage si fort dans le parti de l'imparfait qu'il finit par se tourner contre la perfection. Il repousse l'image de ce qui est pur, immobile, inflexible. On le voit préférer cette ardeur accablée qui nous dévore à la dureté impassible de l'idéal:
Car j'eusse avec ferveur baisé ton noble corps,
Et depuis tes pieds frais jusqu'à tes noires tresses
Déroulé le trésor des profondes caresses,
Si, quelque soir, d'un pleur obtenu sans effort
Tu pouvais seulement, ô reine des cruelles!
Obscurcir la splendeur de tes froides prunelles.
(Une nuit que j'étais près d'une affreuse Juive, p. 133.)
Même il se complaît dans cette préférence de la faiblesse. Elle devient une sorte de culte du mal, une attitude appliquée, le satanisme.
Mais ne nous a-t-il pas donné assez de chefs-d'œuvre pour que nous puissions oublier quelques vers de mauvais goût sur le charme du crime et les vertus de Beelzébuth? Erreurs dont au reste la responsabilité pour une grande part incombe aux contemporains du poète.
II
DES PEINTRES
INGRES
"C'est un auteur difficile", disait Maurice Denis. D'abord il semble froid. Tout dans ces toiles est si parfaitement défini. Ingres ne nous demande jamais de le deviner, de reprendre sa tâche, de la compléter avec notre regard; il a tout achevé avant nous; il ne confie rien à notre invention; il nous laisse passifs. On dirait qu'il nous dédaigne un peu, que, parlant à des gens qui ne sont pas de son métier, il leur refuse le droit de collaborer, même pour une part infime, à son œuvre. Il y ajoute lui-même avec soin je ne sais quel vernis qui en interdit l'interprétation.
Aussi sommes-nous d'abord devant ses tableaux pleins d'un contentement glacé. Voici qui est juste et louable, mais à la façon d'une belle sentence rendue par un juge incorruptible. Cette couleur, jamais on ne la trouve défaillante. Elle est nette, elle est découpée avec exactitude par ses limites; à chaque objet elle est départie avec propriété. Les reflets eux-mêmes et les transparences sont scrupuleusement établis.—Aucune vibration; et non plus cette terne et dense profondeur qu'inventa plus tard Cézanne. La peinture du Bain Turc est admirable;