Toutes les Oeuvres Majeures de Cicéron. Ciceron
de ton zèle.
Il ne s’écarte point dans son récit de l’ordre établi dans sa division ; il commence par la conduite de son fils :
Lorsqu’il sortit de l’adolescence, mon cher Sosie, je lui laissai plus de liberté.
Ensuite il expose son dessein :
Maintenant je voudrais…
Il termine par la dernière partie de sa division, ce qu’il attend de Sosie :
Ce que j’attends aujourd’hui de toi
Ainsi nous devons, à son exemple, traiter successivement, et dans l’ordre que nous nous sommes tracé, chacun des points établis dans la division, et terminer quand ils sont tous développés. Nous allons maintenant donner les règles de la confirmation, puisque notre sujet nous y conduit naturellement.
XXIV. La Confirmation persuade l’auditeur par le raisonnement, établit la vérité de la cause, et trouve les preuves qui la font triompher. Elle a pour base des principes certains, que nous classerons suivant les différents genres de causes. Toutefois il n’y aura pas, ce me semble, d’inconvénient à exposer d’abord pêle-mêle, et sans ordre, tout ce qui a rapport à ce sujet, et à montrer ensuite comment on doit tirer de cette espèce d’arsenal des raisonnements pour chaque genre de cause.
Tous les raisonnements naissent des choses ou des personnes. Nous regardons comme attachés aux personnes le nom, la nature, le genre de vie, la fortune, la manière d’être, les affections, les goûts, les desseins, la conduite, les événements et les discours. Le nom est le mot propre et distinctif assigné à chaque personnage, le terme habituel dont on se sert pour l’appeler. Quant à la nature, il est difficile de la définir : il sera plus court de faire l’énumération de celles de ses différentes parties dont nous avons besoin pour ces préceptes.
Entre ces parties, les unes embrassent les dieux, les autres, les mortels. Les hommes et les animaux composent les mortels. Dans les hommes, on considère le sexe, masculin ou féminin ; la nation, la patrie, la famille et l’âge : la nation, si l’accusé est Grec ou Barbare ; la patrie, d’Athènes ou de Sparte ; la famille, quels sont ses parents, ses aïeux ; l’âge, s’il est dans l’enfance, dans la jeunesse, dans l’âge mûr ou dans la vieillesse. Ajoutez encore tous les avantages ou les défauts que l’âme et le corps tiennent de la nature : la force, la faiblesse, la grandeur, la petitesse, la beauté, la laideur, la lenteur, la légèreté, la pénétration, la stupidité, la mémoire, la douceur, l’empressement à obliger, la pudeur, la patience, et les défauts opposés. En un mot, considérez dans la nature tout ce que, pour l’âme et le corps, nous tenons de la nature ; car tout ce que donne l’application se rapporte à 1a manière d’être, dont nous parlerons bientôt.
XXV. Dans le genre de vie, considérez comment, par qui, d’après quels principes un homme a été élevé, quels maîtres il a eus pour les arts et pour la morale, quelles sont ses liaisons, quelle est sa profession, son art, son commerce, comment il gère ses affaires, enfin quel il est dans son intérieur.
Dans la fortune, on cherche s’il est riche ou pauvre, libre ou esclave, homme privé ou puissant ; puissant, s’il doit son élévation à son mérite ou à l’intrigue ; s’il est environné de gloire, comblé des faveurs de la fortune, ou dans la honte et le malheur ; quels sont ses enfants ; enfin, s’il ne s’agit pas d’un homme vivant, on peut considérer quel a été son genre de mort.
On appelle manière d’être, quelque perfection physique ou morale,comme une vertu qui ne se dément point, une connaissance approfondie d’un art ou d’une science, ou quelque avantage corporel, que nous devons moins à la nature qu’à l’art et à l’étude.
Les affections sont les changements soudains qu’éprouvent l’âme et le corps, comme la joie, le désir, la crainte, le chagrin, la maladie, l’abattement, et tout ce qui dépend du même genre. Le goût est une volonté fortement prononcée, une application continuelle et soutenue, à la philosophie, par exemple, à la poésie, à la géométrie, aux lettres. Le dessein est un plan arrêté pour faire ou ne pas faire telle ou telle chose. Pour la conduite, les événements et le discours, ils peuvent être envisagés sous le triple apport du passé, du présent et de l’avenir. Voilà pour ce qui concerne les personnes.
XXVI. La substance même du fait, les accessoires, les circonstances et les conséquences, voilà ce qu’il faut considérer dans les choses. La substance du fait constitue le fait en lui-même ; elle en est inséparable. On caractérise d’abord le fait dans son ensemble, et l’on n’a besoin pour cela que de peu de mots qui exposent le fait même. Par exemple : il s’agit d’un parricide, d’un crime de haute trahison. On cherche ensuite la cause, les motifs et les moyens ; on reprend tout ce qui a précédé le fait jusqu’au moment de l’exécution ; on examine toutes les circonstances qui l’ont accompagné, et enfin tout ce qui l’a suivi.
Le lieu, le temps, l’occasion, la manière, les moyens ; voilà les accessoires : c’est le second des lieux attribués aux choses. Et d’abord, quant au lieu, théâtre de l’action, on examine quelle facilité il offrait pour l’exécution ; et, pour juger de cette facilité, on examine son étendue, sa distance, son éloignement, sa proximité, s’il est isolé ou fréquenté, sa nature même et tout le pays qui l’avoisine ; enfin, s’il est sacré ou profane, public ou privé ; s’il appartient ou s’il a appartenu ou non à l’accusé.
Le temps, comme nous l’envisageons ici (car il serait difficile d’en donner une définition générale), est une partie de l’éternité, désignée par les mots d’année, de mois, de jour et de nuit. Il embrasse le passé ; et dans le passé les événements qui, perdus dans la nuit des siècles, nous semblent incroyables, et sont mis au rang des fables, et les événements éloignés de notre siècle, mais qui, appuyés sur le témoignage irrécusable de l’histoire, méritent notre croyance, aussi bien que les événements récents dont chacun peut avoir connaissance, et ce qui a précédé immédiatement, le présent même, et l’avenir qui peut être plus ou moins éloigné. On considère encore d’ordinaire la durée du temps, car souvent il est nécessaire de le comparer avec le fait, pour juger s’il a pu suffire à une action si longue on à tant d’actions différentes. Or, dans le temps on examine l’année, et le mois, et le jour, et la nuit, et la veille, et l’heure, ou enfin quelqu’une de leurs parties.
XXVII. L’occasion est une partie du temps qui renferme la facilité de faire ou de ne pas faire une action ; c’est ce qui la distingue du temps ; car il est facile de voir qu’ils ne font qu’un genre. Le temps est la durée qui embrasse ou plusieurs années ou une seule année, ou seulement une partie de l’année. L’occasion, à l’idée de durée, joint celle du moment favorable pour agir. Ainsi tous deux appartiennent au même genre, et ne sont point la même chose. Ils diffèrent sous un point de vue, et, comme nous l’avons dit, par l’espèce. L’occasion se distingue en publique, en commune, en particulière : publique, quand elle rassemble toute une ville, comme des jeux, une fête, la guerre ; commune, quand il s’agit d’une chose qui arrive à tout le monde à peu près dans le même temps, comme la moisson, la vendange, l’été, l’hiver ; particulière, quand il s’agit d’un des événements de la vie privée, comme un mariage, un sacrifice, des funérailles, un festin, le sommeil.
Le mode ou la manière développe les autres détails de l’action, le caractère qu’on lui donne, et l’intention de celui qui l’a faite. On peut y faire entrer, comme subdivisions, la prudence et l’imprudence. La prudence s’appuie des actions publiques et privées, des voies de douceur ou de violence employées pour réussir. L’imprudence, compagne ordinaire des passions, de la colère, de la douleur, de l’amour, et de toute affection semblable, s’emploie dans la justification. Les preuves qu’elle fournit se tirent surtout de l’ignorance, du hasard et de la nécessité.
Les moyens, dernière partie des accessoires, empêchent ou facilitent l’exécution.
XXVIII. Par circonstances, on entend ce qui est plus grand, plus petit