Manuel de la procédure d'asile et de renvoi. Constantin Hruschka

Manuel de la procédure d'asile et de renvoi - Constantin Hruschka


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et de procédure, mais les requérants concernés pourront séjourner dans leur canton de domicile jusqu’à la fin de la procédure d’asile.23

      Les personnes qui cherchent à obtenir l’asile et qui se trouvent à la frontière, à proximité ou à l’intérieur du pays, sont envoyées par l’autorité cantonale ou fédérale dans un CEP. Cette autorité relève l’identité complète du requérant, avise le [62]CEP le plus proche et établit un laissez-passer pour que le requérant puisse s’y rendre. Une fois sur place, celui-ci doit s’annoncer au plus tard le jour ouvrable suivant (art. 8 OA 1). En 2014, il y a eu au total 23’765 demandes d’asile dont 19’111 (soit 80 %) qui ont été déposées directement dans un CEP.24 En raison de son importance pratique, la procédure au CEP fait l’objet d’un point séparé (voir pt 4).

      La majorité des requérants entre en Suisse en contournant les contrôles douaniers. L’entrée légale pour chercher protection en Suisse est rendue difficile notamment par le fait que les personnes persécutées ne disposent souvent pas de documents de voyage ni de visas. En outre, dans les pays touchés par la guerre ou la guerre civile, les structures étatiques ne sont souvent plus en mesure d’établir ou de délivrer les papiers en question.

      En Suisse, le seul fait d’entrer illégalement dans le pays n’engendre pas d’inconvénients de procédure pour les requérants d’asile. Si ceux-ci sont reconnus comme réfugiés, ils bénéficient de l’art. 31 CR selon lequel aucune sanction pénale ne saurait être appliquée aux réfugiés en cas d’entrée ou de séjour irrégulier dans le pays d’accueil. Mais il faut que la personne vienne directement d’un territoire où sa vie ou sa liberté au sens de l’art. 1 CR était menacée, qu’elle s’annonce sans retard aux autorités et leur expose les motifs pouvant justifier son entrée et/ou son séjour irréguliers. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une personne se rend « immédiatement » du pays persécuteur en Suisse également lorsqu’elle n’a fait que passer par d’autres pays dans le but de venir en Suisse le plus rapidement possible.25

      De même, de l’avis du HCR, il y a aussi « arrivée directe » d’un pays persécuteur lorsque le requérant a traversé de manière ininterrompue des Etats tiers. Dans ses recommandations, le HCR a du reste répété à diverses reprises que la seule entrée illégale ne pouvait pas rendre la demande d’asile abusive ou infondée et a invité la communauté des Etats à ne pas prévoir de restrictions d’accès à la procédure pour les personnes en situation irrégulière.26

      L’examen de l’existence d’un motif valable justifiant l’entrée illégale exige une prise en considération de toutes les circonstances de la fuite. Il arrive souvent qu’un tel motif découle déjà de la crainte fondée de persécution.27

      [63]Selon la jurisprudence,28 cela ne vaut toutefois que pour les personnes reconnues comme réfugiés par le droit interne. Si la personne n’obtient pas la qualité de réfugié, le Tribunal fédéral estime que l’art. 31 par. 1 CR ne trouve pas application. Un état de nécessité au sens des art. 17 et 18 CP n’entre pas non plus en considération, les conditions requises pour admettre un tel état, licite ou excusable, étant plus restreintes que celles permettant de justifier l’entrée au sens de l’art. 31 par. 1 CR. Dans un tel cas, une poursuite pénale selon l’art. 115 al. 1 let. a LEtr serait donc possible. Si une expulsion intervient immédiatement, il peut cependant être renoncé à toute poursuite (art. 115 al. 4 LEtr). La pratique des cantons est très variable sur ce point.

      Cette interprétation semble cependant trop restrictive au vu de l’objectif de protection de l’art. 31 CR. Compte tenu de l’issue imprévisible de la procédure d’asile, les personnes dont la demande ne semble pas dépourvue de toute chance de succès devraient pouvoir se prévaloir de motifs de justification lorsque les conditions de l’art. 31 par. 1 CR sont remplies. La quotité de la peine prévue par la loi, à savoir une peine privative de liberté jusqu’à un an ou une peine pécuniaire, méconnaît, à notre sens, la situation déjà difficile des requérants d’asile. Des personnes ayant fui leur pays d’origine pour un motif ou un autre ne disposent en général pas d’assez d’argent pour pouvoir s’acquitter d’une peine pécuniaire. Quant à elle, la privation de liberté semble être une sanction disproportionnée pour une entrée illégale. Lorsqu’une demande d’asile suit le « comportement délictueux » d’une entrée illégale, la personne part subjectivement de l’idée que son entrée en Suisse est justifiée par les motifs invoqués à l’appui de sa demande d’asile. La punissabilité dépend d’une décision administrative – c’est-à-dire de la décision sur la demande d’asile – dont le résultat ne peut toutefois en règle générale pas être prévu à l’avance par le requérant. C’est pourquoi, on peut se demander si une éventuelle faute peut être retenue sous l’angle du droit pénal. La question de l’existence d’une intention se pose du reste en des termes semblables. Selon le principe de culpabilité (nulla poena sine culpa, pas de peine sans culpabilité), il faut renoncer à une sanction pénale d’autant plus que, si elles existent, la faute et les « conséquences de l’acte » sont toujours peu importantes (art. 52 CP).

      La procédure à l’aéroport est régie par des dispositions spéciales. Celles-ci ne sont actuellement applicables qu’aux seuls aéroports de Zurich-Kloten et de Genève-Cointrin ; si une demande d’asile est présentée dans un autre aéroport suisse, il y a transfert du requérant dans le CEP le plus proche et la procédure « normale » est suivie. En cas de dépôt de la demande à Zurich-Kloten ou à Genève-Cointrin, la police de l’aéroport en informe immédiatement le SEM. La police de l’aéroport de Zurich (Flughafenpolizei) ou le SEM (à Genève) collecte ensuite les données personnelles du requérant, relève ses empreintes digitales et le [64]photographie ; d’autres données biométriques peuvent encore être saisies (art. 22 al. 1 LAsi).

      La personne qui demande l’asile est interrogée sur son identité et sa nationalité. Ses relations avec la Suisse sont également clarifiées, tout comme l’itinéraire suivi et les circonstances du départ. L’autorité compétente peut faire appel à un interprète. L’audition fait l’objet d’un procès-verbal.

      Le SEM examine s’il est compétent pour mener la procédure d’asile en tenant compte des accords d’association à Dublin (art. 22 al. 1bis LAsi). S’il arrive à la conclusion que la Suisse n’est pas compétente, il rend une décision de non-entrée en matière et ordonne le renvoi du requérant (art. 31a al. 1 let. b LAsi en relation avec les art. 44 ss LAsi). Cette décision doit être notifiée dans les 20 jours suivant le dépôt de la demande d’asile, faute de quoi il faut autoriser l’entrée en Suisse du requérant d’asile et l’attribuer à un canton (art. 23 al. 2 LAsi).29

      L’entrée en Suisse est autorisée lorsque la Suisse est compétente en vertu du Règlement Dublin III et que le requérant semble être exposé à un danger relevant du droit des réfugiés ou être menacé de traitements inhumains dans le pays d’où il est directement arrivé. Il en va de même s’il rend vraisemblable que ce pays l’obligerait, en violation de l’interdiction du refoulement, à se rendre dans un pays où il risque d’être exposé à un tel danger (art. 22 al. 1ter LAsi).

      Le SEM peut autoriser l’entrée en Suisse pour des motifs humanitaires même si la compétence de la Suisse n’est pas donnée en vertu du Règlement Dublin III (art. 11a al. 3 OA 1). Il peut aussi le faire si le requérant d’asile a des relations étroites avec des personnes vivant en Suisse (art. 11a al. 2 let. a OA 1) ou si la Suisse est compétente, sur la base du Règlement Dublin III, pour mener la procédure d’asile et que le requérant n’est pas arrivé directement de son pays d’origine ou de provenance à la frontière suisse, mais rend vraisemblable


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