Manuel de la procédure d'asile et de renvoi. Constantin Hruschka

Manuel de la procédure d'asile et de renvoi - Constantin Hruschka


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      Lorsque la compétence de la Suisse pour mener la procédure d’asile est donnée, mais que les autres conditions d’entrée ne sont pas remplies, le requérant se voit refuser provisoirement l’entrée. Le SEM lui assigne alors un lieu de séjour et lui fournit un logement adéquat. En règle générale, la personne est assignée à la zone de transit de l’aéroport. A Genève, sont prévues 30 places à cet effet et à Zurich 60. La durée de ce séjour est de 60 jours au plus. Le requérant y est soumis aux mêmes règles que celles qui régissent les CEP, à savoir celles de l’ordonnance du DFJP relative à l’exploitation des logements de la Confédération dans le domaine de l’asile (voir pt 4.1).

      La décision d’assignation doit être notifiée au requérant dans les deux jours qui suivent le dépôt de la demande d’asile ; il faut préalablement accorder au requérant le droit d’être entendu et lui donner l’occasion de se faire représenter (art. 22 al. 2, 3 et 4 LAsi). L’assignation à l’aéroport comme lieu de séjour restreignant de fait la liberté de mouvement du requérant à la zone de transit, il faut que la personne ainsi concernée ait également la possibilité, en vertu des règles de la CEDH applicables en la matière, de faire contrôler cette privation de liberté par un juge.30 Tant que la demande d’asile n’a pas fait l’objet d’une décision (art. 23 LAsi), le refus de l’entrée en Suisse peut être attaqué devant le TAF (art. 108 al. 3 LAsi). Le TAF examine la privation de liberté en tant que « juge de la détention » souvent parallèlement à la question de l’admissibilité du refus de l’entrée en Suisse et tient compte notamment des circonstances, de la durée et du type d’hébergement, de la possibilité d’accès à des soins médicaux et des possibilités de contact avec le monde extérieur.31

      Si l’entrée sur son territoire n’est pas autorisée malgré la compétence avérée de la Suisse, la procédure à l’aéroport suit son cours. L’art. 22 al. 6 LAsi renvoie aux art. 23, 29, 30, 36 et 37 LAsi pour la réglementation et les garanties de procédure, qui correspondent ainsi à celles de la procédure ordinaire.

      Si une décision d’asile ou de non-entrée en matière ne peut pas être rendue dans les 20 jours à l’aéroport, le requérant d’asile est attribué à un canton (art. 23 al. 2 LAsi).

      La durée du séjour de 20 jours devrait, dans la plupart des cas Dublin, s’avérer insuffisante pour mener à bien la procédure de détermination de la compétence.

      Au total, le requérant d’asile peut être retenu 60 jours au plus à l’aéroport ou dans un autre lieu de séjour attribué dans la zone de transit. Après une décision de renvoi entrée en force, il est cependant encore possible de le placer en détention en vue du refoulement (sur ce type de détention, voir chap. XVI, pt 3.2.4 ss).

      Il faut relever que toutes les décisions rendues dans le cadre de la procédure à l’aéroport peuvent être notifiées directement au requérant d’asile lui-même (même s’il est représenté). Cette règle contenue à l’art. 13 al. 3 LAsi déroge à la règle générale de l’art. 11 al. 3 PA sur la représentation en justice.32

      Selon la loi, si le requérant d’asile est un mineur non accompagné (MNA), l’autorité cantonale désigne une personne de confiance pour la durée de la procédure à l’aéroport (art. 17 al. 3 let. a LAsi), pour autant que des actes de procédure déterminants y soient accomplis. Davantage d’informations au sujet des particularités dans la procédure pour MNA se trouvent dans le chap. XVIIII, pt 3.

      La désignation d’une personne de confiance33 devrait intervenir dès que possible, c’est-à-dire avant l’accomplissement de tout acte de procédure à l’aéroport. Le MNA doit être accompagné tout au long de la procédure, y compris lorsque celle-ci ne comprend pas d’audition approfondie. Une éventuelle décision de non-entrée en matière et de renvoi (p. ex. rendue sur la base de l’art. 31a al. 1 let. b LAsi en relation avec les art. 44 ss LAsi) doit pouvoir être vérifiée et éventuellement attaquée par le MNA avec l’aide de la personne de confiance. Cela vaut également pour la décision incidente d’assignation d’un lieu de séjour à l’aéroport. Le MNA ne subit pas de préjudice juridique du fait de la règle de l’art. 13 al. 3 LAsi qui prescrit la remise des décisions directement aux requérants d’asile, car cette règle est corrigée, [67] en ce qui le concerne, par le fait qu’un délai de recours ne court qu’après la notification de la décision attaquée au MNA et à la personne de confiance ; selon l’art. 53a OA 1, le délai ne commence à courir qu’à partir de la date de la notification qui intervient le plus tard.

      Malgré cette amélioration pour les MNA, il n’empêche que les conditions de la procédure à l’aéroport (en particulier la détention34) ne correspondent aucunement à l’intérêt supérieur de l’enfant, de telle sorte que l’entrée devrait être toujours immédiatement autorisée et la procédure « normale » ordonnée pour les enfants, qu’ils soient accompagnés ou non.

      Jusqu’à fin septembre 2012, existait la possibilité de déposer une demande d’asile auprès d’une ambassade suisse à l’étranger. Cette possibilité a été supprimée dans le cadre des modifications déclarées urgentes de la loi sur l’asile.35 Cette décision a été confirmée le 9 juin 2013 en votation populaire à une majorité de 78.4 %.

      La seule voie légale, et surtout sûre, à disposition des requérants d’asile voulant demander protection en Suisse a ainsi été coupée. Les personnes persécutées sont désormais exposées à de nouveaux risques par les dangers du voyage. En particulier les femmes et les enfants courent le danger de subir des atteintes à leur intégrité.36

      La procédure à l’ambassade contribuait beaucoup à l’entrée en Suisse dans la sécurité.37 Dans de nombreux cas, elle a permis des regroupements familiaux qui n’auraient pas été possibles par la seule application des principes de la LEtr.

      Au cours des débats sur la suppression de la procédure à l’ambassade, il a souvent été question du maintien de la possibilité d’obtenir un visa humanitaire auprès d’une représentation suisse à l’étranger. Toutefois, le visa humanitaire ne remplace pas la procédure à l’ambassade de manière adéquate. Nous y reviendrons au pt 3.6.4.

      L’art. 5 par. 4 let. c du Code frontières Schengen en relation avec l’art. 25 du code des visas prévoit la possibilité d’un visa à validité territoriale limitée pouvant être accordé par l’Etat membre concerné notamment pour des motifs humanitaires.38

      Selon la directive du SEM,39 un visa pour motifs humanitaires peut être accordé à une personne lorsqu’il y a manifestement lieu d’admettre que les circonstances concrètes dans lesquelles elle se trouve dans son pays d’origine ou de provenance l’exposent à une mise en danger à la fois directe, sérieuse et concrète de sa vie et de son intégrité corporelle. En outre, la personne doit se trouver dans une situation de détresse particulière nécessitant impérativement une intervention de l’autorité et justifiant l’octroi d’un visa d’entrée. A titre d’exemples, on peut citer le cas de guerre imminente ou déclarée ou d’une mise en danger individuelle directe en raison d’une situation concrète. Le cas d’espèce doit faire l’objet d’un examen attentif. En outre, la directive pose la présomption que les personnes


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