Manuel de la procédure d'asile et de renvoi. Constantin Hruschka

Manuel de la procédure d'asile et de renvoi - Constantin Hruschka


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douze mois. Au sujet du choix de localisation des centres, il faut veiller à ce qu’ils ne se trouvent pas dans des endroits totalement reculés empêchant tout contact social et rendant pratiquement impossible l’accès à une représentation juridique en raison de leur éloignement. Si tel était le cas, il pourrait y avoir une restriction disproportionnée à la liberté des personnes concernées, voire même une mesure équivalant à une privation de liberté.52

      Au CEP, la demande d’asile est enregistrée ; les requérants d’asile remplissent une fiche avec leurs données personnelles et un questionnaire détaillé sur leur état de santé, ils sont photographiés et leurs empreintes digitales sont prélevées. Celles-ci sont comparées électroniquement avec les données dont disposent le SEM, la police fédérale et les corps de gardes-frontières ainsi qu’avec les données d’Eurodac. Les documents de voyage ou autres documents attestant de l’identité du requérant sont versés au dossier. Les requérants qui n’ont pas de documents de voyage valables sur [73]eux sont priés d’en déposer dans les 48 heures. Ils doivent confirmer par écrit avoir reçu cette injonction. Ils reçoivent une notice les informant de leurs droits et de leurs devoirs dans le cadre de la procédure (voir art. 19 al. 3 LAsi ; plus de détails au pt 7.4 et au chap. XII, pt 3). Pendant leur séjour au CEP, les requérants doivent en principe se tenir à la disposition des autorités (art. 16 al. 1 OA 1). Au CEP, ils sont en règle générale sommairement interrogés sur leur identité, l’itinéraire suivi et leurs motifs de fuite (audition sommaire, art. 26 al. 2 LAsi). L’audition sommaire constitue la base de la décision sur la suite de la procédure, à savoir s’il faut envisager une procédure de réadmission dans un Etat tiers, une procédure Dublin (pt 7.1.2) ou une procédure en Suisse. En présence d’indices selon lesquels la minorité alléguée d’un requérant ne correspondrait pas à la réalité, une expertise de détermination de l’âge peut être ordonnée (art. 17 al. 3bis LAsi ; autres informations au sujet des requérants mineurs au chap. XVIIII, pt 3). Cette décision est également déterminante pour savoir si l’attribution du requérant à un canton est effectuée ou si la procédure peut être menée à terme dans le CEP. Le point 7 examinera de plus près la procédure de première instance.

      Selon l’art. 18 OA 1, l’exploitation du CEP est réglée par une ordonnance édictée par le DFJP.53 Cette ordonnance s’applique aussi aux centres spécifiques visés à l’art. 26 al. 1bis LAsi, aux centres de la Confédération exploités dans le cadre de phases de test, aux sites délocalisés gérés par la Confédération ainsi qu’aux logements situés dans les aéroports de Genève-Cointrin et de Zurich-Kloten (art. 1). Elle porte principalement sur les points suivants :

       Art. 3 : la fouille des requérants par du personnel (de sécurité) de même sexe est autorisée. Les documents de voyage, les objets dangereux, les valeurs patrimoniales, les appareils électroniques bruyants, l’alcool, les drogues, les armes, etc. sont saisis. Les armes interdites et les drogues sont remises à la police.

       Art. 4 : les requérants sont logés dans des dortoirs non mixtes. Il est tenu compte des besoins particuliers des familles, des enfants et des personnes avec un handicap.

       Art. 5 : pendant leur séjour, les requérants ont accès aux soins médicaux de base.

       Art. 6 : les requérants peuvent être contraints d’accomplir des travaux ménagers.

       Art. 6a et 6b : des programmes d’occupation sont proposés aux personnes de plus de 16 ans (sauf dans les logements aux aéroports), mais ces personnes n’ont pas un droit à y participer.

       [74]Art. 7 : des téléphones publics sont à la disposition des requérants, de même qu’un télécopieur si ce mode de communication est nécessaire pour prendre contact avec un conseiller juridique ou un représentant légal. Le courrier postal est transmis aux requérants.

       Art. 9 : les aumôniers ont accès au centre pendant les heures d’ouverture et les mandataires pendant les heures de visite.

       Art. 10 : les visiteurs qui peuvent rendre vraisemblable qu’ils ont des liens avec un requérant peuvent être reçus, avec l’accord de la direction, dans des locaux prévus à cet effet.

       Art. 12 : l’autorisation de sortie requise pour quitter le centre peut être refusée lorsque le requérant doit se tenir à disposition de l’autorité pour l’exécution de la procédure d’asile (c’est-à-dire lorsque des opérations concrètes de procédure doivent être accomplies), lorsqu’il est tenu d’exécuter des tâches ménagères ou lorsqu’il n’a pas respecté les consignes. Si la sortie est refusée pendant plus d’un jour, le refus doit, sur demande, faire l’objet d’une décision susceptible de recours.54

      Avec les modifications urgentes de la loi sur l’asile du 28 septembre 2012 (projet 3), la possibilité d’héberger les requérants d’asile « récalcitrants » dans des centres spécifiques a été ancrée à l’art. 26 al. 1bis LAsi. Une personne peut ainsi être assignée à un centre spécifique lorsqu’elle menace la sécurité et l’ordre publics ou, par son comportement, porte sensiblement atteinte au fonctionnement du CEP ; une précision de ces conditions se trouve à l’art. 16b OA 1. L’assignation à un centre spécifique ne peut être attaquée que par un recours contre la décision finale (art. 16b al. 5 OA 1) et la durée maximale de séjour est de 140 jours (art. 16c OA 1). Le fait que l’hébergement dans un tel centre ne puisse pas être remis en cause plus tôt est problématique sous l’angle de l’Etat de droit en particulier, car l’hébergement en question revêt le caractère d’une mesure pénale et peut constituer une atteinte grave à la liberté de mouvement et à la liberté personnelle des requérants concernés (voir aussi chap. XIII, pt 1.3).55 Actuellement, deux centres fédéraux spécifiques sont prévus, mais les lieux d’implantation ne sont pas encore connus.56

      Le 6 janvier 2014 a débuté, à Zurich, le projet pilote destiné à tester et évaluer préalablement en pratique les changements qui devraient être introduits dans la procédure d’asile dans le cadre de la restructuration du domaine de l’asile adoptée en septembre 2015.

      Ce projet a pour base légale l’art. 112b LAsi qui permet, dans le cadre de phases de test, de déroger, sur certains points et à certaines conditions, à la LAsi et à la LEtr. L’efficacité et la nécessité de ces phases de test ont été très controversées au Parlement. Des objections de fond relevant de l’Etat de droit ont été soulevées contre le projet d’article 112b précité auquel il était reproché d’ouvrir la voie à des violations du principe de l’égalité de traitement et du droit à un recours effectif. Des doutes ont aussi été émis au sujet des compétences élargies attribuées par cet article au Conseil fédéral d’une part et des exigences de précision pour une telle délégation d’autre part.57 Finalement, l’art. 112b LAsi a été adopté à la conférence de conciliation du 26 septembre 2012 avec une restriction : la durée de la phase de test a été fixée à deux ans au lieu de trois comme pour les autres mesures d’urgence. La base du projet pilote est l’ordonnance du 4 septembre 2013 sur la réalisation de phases de test relatives aux mesures d’accélération dans le domaine de l’asile (ordonnance sur les phases de test, OTest, RS 142.318.1).

      L’art. 8 OTest exige que la phase de test soit évaluée. L’idée est de pouvoir se prononcer le plus objectivement possible sur de nouvelles règles de procédure avant de les introduire éventuellement dans la loi. Concrètement, la première évaluation


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