Manuel de la procédure d'asile et de renvoi. Constantin Hruschka
etc.). Il est ensuite donné une nouvelle fois au requérant l’occasion de dissiper les malentendus. En vertu de la maxime inquisitoire et de la garantie du droit du requérant d’être entendu, l’autorité a le devoir de procéder à une clarification complète des faits en ce qui concerne la qualité de réfugié et les obstacles à l’exécution du renvoi (voir chap. XII, pt 2).
Fin de la clarification des faits : à la fin, l’autorité pose des questions pour clarifier les circonstances du départ. Elle invite, le cas échéant, le requérant à se prononcer sur les contradictions importantes contenues dans son exposé des faits, puis elle lui demande s’il a pu aborder tous les éléments importants à l’appui de sa demande d’asile.
Information sur la suite de la procédure et sur le droit d’être entendu concernant le renvoi : le requérant est informé sur la suite de la procédure ainsi que sur les conséquences juridiques possibles. Il lui est donné l’occasion de se prononcer sur un éventuel renvoi et il a la possibilité d’indiquer tous les motifs qui n’ont pas encore été invoqués, mais qui lui paraissent importants (par exemple des motifs d’ordre humanitaire qui s’opposeraient au renvoi tels que des motifs médicaux). Il est enfin informé des autres devoirs de collaborer, en particulier de son devoir de se tenir à disposition des autorités pendant la procédure et d’annoncer ses changements d’adresse.
Retraduction et approbation (par signature) du procès-verbal.
[89]7.2.2.4 Procès-verbal
Un procès-verbal de l’audition est établi. Il doit être signé par toutes les personnes présentes, sauf le ROE (voir art. 29 al. 3 LAsi). Les indications relatives à la personne du requérant (identité, formation, profession, service militaire, situation de famille) peuvent être résumées mais, sur tous les points pouvant avoir une incidence pour l’asile, les questions et les réponses doivent être verbalisées mot à mot. Le procès-verbal doit aussi indiquer des éléments de communication non verbale, par exemple lorsque le requérant est pris par l’émotion. Il doit enfin mentionner les éventuelles corrections apportées par le requérant ainsi que les questions du ROE qui n’ont pas été autorisées.
A l’issue de l’audition, les déclarations verbalisées sont retraduites dans la langue du requérant. Leur exactitude doit être attestée par la signature du requérant à chaque page (ou par un signe pour les personnes ne sachant pas écrire).
7.2.2.5 Excursus : interprètes
Comme peu de requérants d’asile maîtrisent une des langues officielles, le SEM fait appel à un interprète pour les auditions.90 Il ne peut y être renoncé que si le requérant affirme qu’il dispose de suffisamment de connaissances d’une langue officielle et qu’il est donc en mesure d’être interrogé et entendu dans cette langue.91
L’interprète a pour tâche de traduire mot à mot toutes les questions et les réponses. La formulation ne peut être ni résumée, ni transformée. La traduction doit se faire à la première personne pour que les déclarations du requérant d’asile soient restituées de la manière la plus authentique possible. L’interprète doit se comporter de manière neutre et ne saurait en aucun cas émettre des jugements de valeurs ou des opinions personnelles au cours de la traduction. Il est soumis au secret de fonction comme toutes les personnes qui assistent à l’audition.
La collaboration à une audition sur les motifs d’asile ne peut être raisonnablement exigée du requérant d’asile si l’audition est conduite dans une langue qu’il ne comprend pas. Le refus de participer à une telle audition ne constitue pas une violation de l’obligation légale de collaborer.92
L’interprète ne doit ni avoir, ni établir une relation étroite avec le requérant. De part et d’autre, aucune question personnelle ne doit être posée.
[90]Le choix des interprètes doit être prudent et n’intervenir qu’après un examen approfondi. Des connaissances linguistiques marquées sont bien entendu exigées. Il est toutefois également important pour la traduction que l’interprète connaisse le contexte socioculturel pour pouvoir comprendre certaines déclarations du requérant et les expliquer au besoin.93 Il faut aussi être particulièrement attentif à l’origine de l’interprète, afin d’éviter les cas où des éléments de l’audition, par exemple des noms de compagnons de lutte, sont transmis au gouvernement du pays d’origine, ce qui peut avoir des conséquences catastrophiques pour les personnes concernées sur place. Il ne devrait être fait aucune concession quant aux exigences requises, même en période de carence d’interprètes dans une langue déterminée.
L’existence d’une multitude de dialectes parlés dans une région pose souvent des problèmes de traduction. D’une part, il n’est guère possible de recruter des interprètes appropriés pour chaque dialecte et d’autre part, le SEM ne connaît parfois pas (encore) l’origine exacte du requérant.
Pour répondre aux exigences élevées auxquelles ils sont soumis, les interprètes doivent avoir quitté leur pays d’origine depuis un certain temps au moment de leur engagement au SEM et peuvent parfois même avoir grandi en exil. Cette circonstance peut entraîner des difficultés en ce qui concerne la langue et les coutumes. L’exemple du Tibet le montre particulièrement bien : les Tibétains qui vivent en Europe parlent le tibétain d’exil et ne comprennent pas toujours suffisamment les dialectes parlés au Tibet. En outre, la langue parlée au Tibet est en constante évolution de sorte qu’une personne qui vit depuis longtemps dans un autre pays ne connaît pas certaines expressions ou vocables empruntés au chinois.
Les erreurs de traduction ne peuvent guère être constatées, car c’est la même personne qui traduit l’audition et qui retraduit le procès-verbal à la fin, usant des mêmes expressions.94
Une traduction présentant des défauts entraîne une consignation inexacte, ce qui peut affecter la clarification des faits.95 Dans ce cas, on peut reprocher au SEM une violation de son devoir d’instruction et également du droit d’être entendu du requérant d’asile.96
[91]Si, par exemple, le même mot est utilisé dans plusieurs sens ou que des expressions univoques ne sont pas toujours traduites de la même manière, cela peut déboucher sur des traductions variables et d’autres divergences, en particulier si – comme tel est en règle générale le cas – des interprètes différents sont engagés pour l’audition sommaire et l’audition sur les motifs d’asile. De telles divergences sont parfois considérées comme des « contradictions » entre les deux interrogatoires et sont retenues comme telles au détriment du requérant pour mettre en doute la vraisemblance de ses allégations.
7.3 Langue de la procédure
Selon l’art. 16 al. 1 LAsi, les requêtes adressées aux autorités fédérales peuvent être déposées dans n’importe quelle langue officielle. En vertu de la Constitution fédérale, les langues officielles sont l’allemand, le français et l’italien. Les décisions et décisions incidentes du SEM sont en principe rendues dans la langue officielle du lieu de résidence du requérant (art. 16 al. 2 LAsi). A titre exceptionnel, le SEM peut s’écarter de ce principe en présence d’une des situations prévues à l’art. 16 al. 3 LAsi. En plus des motifs d’efficacité de la procédure (al. 3 let. a), il est aussi prévu que le SEM puisse déroger à la règle lorsque le requérant ou son mandataire maîtrise une autre langue officielle. Le droit fondamental à la liberté de la langue (art. 18 Cst.) ne permet pas aux requérants d’asile d’exiger que la procédure se déroule dans la langue officielle de leur choix. En tant que lex specialis, l’art. 16 al. 2 LAsi a la primauté sur la règle générale de l’art. 37 PA.97
Les requêtes écrites adressées au SEM doivent également être rédigées dans l’une des trois langues officielles. Toutefois, il peut être dérogé à cette règle lorsqu’un requérant d’asile n’a pas les moyens financiers de faire traduire sa demande.98 Dans ce cas, le SEM doit traduire la requête à ses frais.99 Lorsqu’une décision est