Manuel de la procédure d'asile et de renvoi. Constantin Hruschka
n’est valable que pour la Suisse. Des difficultés pratiques particulières apparaissent quand il n’existe pas de vol direct et que l’entrée en Suisse doit se faire en passant par un autre Etat Schengen. Les Etats concernés refusent souvent d’établir un visa de transit, car ils craignent que les personnes ne se rendent finalement pas en Suisse comme prévu.
Après l’entrée en Suisse, la personne peut y déposer une demande d’asile et suivre la procédure ordinaire. Si elle ne le fait pas, elle doit quitter la Suisse avant l’échéance des 90 jours du visa.
[69]La demande de visa humanitaire en pratique
La demande de visa humanitaire doit être déposée dans une représentation suisse à l’étranger. Une liste de toutes les représentations se trouve sur le site du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) sous la rubrique « Représentations ».
Le formulaire (Schengen) peut être téléchargé sur Internet et rempli ; on peut l’obtenir en de nombreuses langues.40 Au chiffre 21 « Motifs », il faut indiquer « autres » et préciser qu’il s’agit d’une demande de visa pour des motifs humanitaires en ajoutant des indications détaillées sur la situation concrète dans l’espace réservé à cet effet, si possible déjà avec des moyens de preuve. En principe, aucun émolument n’est prélevé, sauf, selon la directive du SEM, si la demande de visa est manifestement infondée ou si elle est répétée avec les mêmes motifs. Le caractère manifestement infondé d’une demande relève du pouvoir d’appréciation qui ne fait guère l’objet d’un contrôle en pratique, car la plupart des requérants ne disposent pas des moyens de payer un émolument. Une procédure d’opposition auprès du SEM, qui seule peut aboutir à une décision susceptible de recours, nécessite en principe une avance de frais de 200.- chf.41
Il est possible que la personne soit convoquée pour un entretien à l’ambassade. La directive indique cependant qu’aucune mesure d’instruction poussée n’est nécessaire et qu’il ne s’agit en particulier pas de mener une audition telle que prévue en droit d’asile. Il suffit de se baser sur une première estimation de la représentation. Cela signifie que la mise en danger doit être très clairement mise en évidence déjà au moment du dépôt de la demande de visa, car aucune mesure d’instruction détaillée ne doit être accomplie par les autorités. Voir aussi le devoir de collaborer des requérants pour plus d’informations à ce sujet.
3.6.3 Examen de la demande
Lorsqu’il existe des motifs humanitaires justifiant l’octroi d’un visa, aucune autre condition d’entrée ne doit être remplie. En effet, l’absence de documents de voygage valables (art. 3 al. 4 OEV) et de moyens financiers suffisants ne sont pas des motifs de non-entrée en matière sur la demande de visa humanitaire. De même, la condition de la garantie d’un retour à l’échéance du visa42 ainsi que l’obligation de conclure une assurance maladie n’ont pas cours s’il existe des motifs humanitaires (art. 10 al. 3 let. b OEV). D’autres dispositions spéciales pour le visa humanitaire se [70]trouvent à l’art. 11b al. 2 OEV (recevabilité de la demande de visa) et à l’art. 12 al. 4 OEV (conditions pour l’octroi et le refus du visa).
Les motifs invoqués pour l’obtention d’un visa humanitaire sont examinés par la représentation à l’étranger. Si celle-ci ne les considère pas comme suffisants, elle rejette la demande de sa propre compétence au moyen du formulaire prévu par le droit de Schengen.
Au contraire, si elle reconnaît que les motifs sont suffisants ou si elle a des doutes, elle saisit les données de la demande avec photo et empreintes digitales dans le système national des visas ORBIS et transmet la demande de visa au SEM. La représentation joint à la demande une brève prise de position sur les conditions d’entrée en Suisse sous forme de note et envoie le dossier au SEM (annexe à ORBIS ou courrier diplomatique).
Le SEM examine la demande et accorde le visa s’il considère les motifs suffisants pour un visa humanitaire. La représentation suisse à l’étranger en est informée. Elle établit le visa permettant la venue du requérant en Suisse.
Au contraire, si le SEM rejette la demande, il établit une note qu’il insère dans ORBIS, saisit les motifs du rejet et retourne la demande à la représentation compétente qui refuse le visa.
Si le visa humanitaire est refusé, le requérant peut faire opposition dans les 30 jours au SEM (art. 6 al. 2bis LEtr). En cas de nouveau rejet, le recours au TAF est ouvert.
Si le visa humanitaire est accordé, la Confédération peut, selon l’art. 53 al. 3 OA 2, prendre en charge les frais nécessaires à l’entrée directe en Suisse et une demande dans ce sens peut être déposée. Toutefois, il n’existe pas un droit à la prise en charge de ces frais.
3.6.4 Problématique du visa humanitaire
Le visa humanitaire est censé garantir que des personnes menacées directement dans leur vie ou dans leur intégrité corporelle puissent trouver protection en Suisse malgré l’abrogation de la procédure à l’ambassade.43 Toutefois, les conditions d’octroi d’un visa humanitaire sont plus restrictives que celles de l’ancienne procédure à l’ambassade.44 Le fait de retenir qu’une personne qui se trouve déjà dans un pays tiers n’est plus en danger est hautement problématique lorsqu’il n’y a pas ou plus d’ambassades [71]ouvertes dans le pays en crise. Si la personne en danger fuit dans un Etat voisin et qu’elle dépose une demande de visa humanitaire à l’ambassade suisse qui s’y trouve, il lui sera objecté qu’au moment de sa demande, elle ne réside pas dans une zone en crise et qu’elle n’est dès lors plus en danger.45 En pratique, une telle situation met en échec le sens du visa humanitaire. En effet, les personnes provenant de pays frappé par la guerre civile ou qui subissent d’autres crises, violences ou catastrophes, n’ont guère de chances d’obtenir un visa humanitaire pour leur permettre de fuir en Suisse légalement. Les ressortissants d’un pays où il n’y a pas ou plus de représentation suisse sont pratiquement exclus de la procédure de visa humanitaire.
Dans un arrêt concernant une femme de 80 ans originaire de la ville syrienne de Homs, le Tribunal administratif fédéral a jugé que la présence personnelle auprès de la représentation n’était pas une condition impérative pour le dépôt d’une demande de visa humanitaire.46 Cette décision laisse espérer une approche plus flexible du visa humanitaire.
A titre de comparaison, entre 2006 et 2012, environ 377 entrées en Suisse en moyenne par année ont été autorisées dans le cadre d’une procédure à l’ambassade47 alors qu’en 2013, seuls 35 visas humanitaires ont été accordés. En 2014, 84 cas, dont environ 20 en lien avec la guerre en Syrie, ont été recensés.
4 Les centres d’enregistrement et de procédure (CEP)
4.1 Généralités
Au début de leur séjour en Suisse, les requérants d’asile sont en règle générale logés dans un CEP. Au moment de la mise sous presse, cinq CEP sont en service. Ceux-ci sont situés à Altstätten, Bâle, Chiasso, Kreuzlingen et Vallorbe. Le nombre de places disponibles dans chacun de ces centres varie entre 134 (Chiasso) et 400 (Bâle), pour atteindre un total d’environ 1200 places.48 En incluant les sites délocalisés, quelque 3000 personnes au total se trouvent dès lors dans des structures [72]d’hébergement de la Confédération. La composition de celles-ci change sans cesse au gré des nouveaux arrivants.
Les CEP sont gérés par le SEM qui peut toutefois charger des tiers49 de tâches ne relevant pas de la puissance publique pour assurer le fonctionnement des centres (art. 17 OA 1).
Les CEP sont ouverts du lundi au vendredi de 8h00 à 17h00. En dehors de ces heures, les requérants d’asile ne sont accueillis qu’en cas de circonstances particulières. Les CEP et les autres centres de la Confédération sont réservés aux requérants d’asile et aux personnes à protéger. Ils ne sont en principe pas ouverts au public.50
Le séjour dans les CEP dure