Manuel de la procédure d'asile et de renvoi. Constantin Hruschka

Manuel de la procédure d'asile et de renvoi - Constantin Hruschka


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de l’asile reçoit alors une autorisation de séjour (permis B) qui lui confère des droits et obligations propres à son statut (voir chap. XV, pt 2).

      Motifs d’exclusion de l’asile – Les Etats gardent une certaine marge d’appréciation quant à la forme et à l’étendue de la protection qu’ils entendent offrir aux réfugiés. En Suisse, l’asile est généralement octroyé au réfugié, à moins que celui-ci en soit indigne en raison d’actes répréhensibles, d’une atteinte ou d’une compromission de la sûreté de la Suisse (art. 53 LAsi – motif d’indignité), ou qu’il ne soit devenu réfugié qu’en raison d’un comportement ultérieur à sa fuite (art. 54 LAsi – motifs subjectifs postérieurs à la fuite). Un réfugié peut donc être exclu de l’asile malgré un besoin avéré de protection. Dans ce cas, l’autorité reconnaît la qualité de réfugié, mais rejette la demande d’asile et prononce le renvoi. L’exécution du renvoi d’un réfugié étant illicite (car contraire au principe de non-refoulement), ce dernier sera,[105] en principe, admis en Suisse à titre provisoire (pt 3.3.2). Il ne bénéficiera pas de l’ensemble des droits conférés par l’asile en droit suisse, mais pourra se prévaloir de ceux reconnus par la Convention de Genève (voir chap. X, pt 3 et chap. XV, pt 3).7

      Rejet de l’asile et décision de renvoi – La demande d’asile est rejetée lorsque le réfugié est exclu de l’asile ou que le requérant n’a pas la qualité de réfugié. Ce rejet s’accompagne systématiquement d’une décision de renvoi dont l’exécution devra être examinée sous l’angle du droit des étrangers, dans le cadre de la procédure de renvoi.

      Les décisions de transfert Dublin font figure d’exception quant au cheminement procédural. Le TAF estime en effet qu’il n’y a pas lieu de procéder à un examen distinct des obstacles à l’exécution du renvoi lorsque celui-ci est prononcé en vertu des accords de Dublin. L’examen des motifs pouvant amener l’autorité à renoncer au transfert (en application de la clause de souveraineté de l’art. 17 RD III en lien avec l’art. 29a al. 3 OA 1) inclut d’emblée l’ensemble des éléments qui doivent être pris en considération dans le cadre de l’examen relatif à l’exécution du renvoi.8 Sur les procédures Dublin, voir chap. VII, pt 2.2.

      La décision de renvoi prononcée suite à la non-entrée en matière ou au rejet de l’asile met fin à la procédure d’asile au sens strict, mais pas à l’ensemble de la procédure. L’examen se poursuit afin de déterminer si d’éventuels obstacles s’opposent à l’exécution du renvoi (à l’exception des cas Dublin). Celle-ci doit être possible, licite et raisonnablement exigible conformément aux dispositions de la LEtr (art. 83 et 84 LEtr). Tout étranger engagé dans une procédure de renvoi, qu’il ait déposé ou non une demande l’asile, est ainsi soumis aux mêmes dispositions concernant l’exécution du renvoi.

      [106]Obstacles à l’exécution du renvoi – Conformément à l’art. 83 LEtr, le SEM admet provisoirement l’étranger dont l’exécution du renvoi est impossible, illicite ou inexigible. On parle d’impossibilité du renvoi lorsqu’un obstacle technique empêche son exécution, indépendamment de la volonté de la personne de se soumettre à la mesure.9 L’exécution du renvoi est illicite lorsqu’elle contrevient aux engagements internationaux de la Suisse, notamment en raison d’une atteinte au principe de non-refoulement ou aux dispositions de la CEDH. L’inexigibilité de l’exécution du renvoi est prononcée, quant à elle, pour des motifs d’ordre humanitaire, lorsqu’un renvoi exposerait l’étranger à une situation de danger concret, en raison notamment d’une situation de violence généralisée ou de problèmes de santé (voir chap. X).

      Exécution du renvoi vs admission provisoire – Lorsqu’un obstacle s’oppose à l’exécution du renvoi, la personne est mise au bénéfice d’une admission provisoire (livret F avec ou sans statut de réfugié), s’il n’existe aucun motif d’exclusion de l’admission provisoire au sens de l’art. 83 al. 7 LEtr. Cette admission provisoire n’est pas une autorisation de droit des étrangers au même titre que le sont les autorisations de séjour (permis B) ou d’établissement (permis C). La mesure se substitue simplement à la décision de renvoi et autorise son titulaire à rester en Suisse tant que le renvoi ne peut être exécuté. Lorsque l’exécution du renvoi est possible, licite et raisonnablement exigible, le requérant d’asile débouté est invité à quitter la Suisse et informé des mesures de contrainte auxquelles il s’expose en cas de non respect de l’injonction (voir chap. XVI).

      Lorsque l’autorité entre en matière, que les conditions de la qualité de réfugié sont remplies et qu’il n’y a pas de motif d’exclusion de l’asile, la personne obtient l’asile. La décision n’est généralement pas motivée et ne fait que constater la qualité de réfugié et octroyer l’asile. Le réfugié reconnu est alors autorisé à s’installer durablement en Suisse et reçoit une autorisation de séjour délivrée par son canton d’attribution (permis B ; art. 34 LEtr en lien avec l’art. 60 LAsi). Le réfugié bénéficie de mesures d’intégration dans son canton et peut déposer une demande de permis d’établissement au plus tôt cinq ans après l’octroi de l’autorisation de séjour, en cas de bonne intégration (permis C, art. 34 al. 4 LEtr). Le statut de réfugié est régi par la législation [107]applicable aux étrangers, à moins que ne priment des dispositions particulières de la LAsi ou de la Convention de Genève (art. 58 LAsi). Pour plus d’informations sur le statut juridique des réfugiés au bénéfice de l’asile, il est renvoyé au chap. XV, pt 2.

      Sur l’ensemble des demandes d’asile qui ont fait l’objet d’un examen sur le fond au cours des dernières années, plus de 20 % des requérants ont été reconnus comme réfugiés et ont obtenu l’asile.10 Les principaux pays de provenance des réfugiés résidant en Suisse en 2014 étaient l’Erythrée, la Turquie, le Sri Lanka, l’Irak, la Bosnie-Herzégovine et la Syrie.11

      L’asile n’est en principe pas limité dans le temps et dure tant que la personne reste en Suisse. Le réfugié ne doit pas chercher à entrer en contact avec les autorités de son pays, sans quoi il s’expose au retrait de l’asile. Les autorités suisses se substituent à l’Etat d’origine du réfugié et deviennent responsables de sa protection. Pour les questions liées à la révocation ou à l’extinction de l’asile, il est renvoyé au chap. IX, pt 4.

      L’autorité prononce systématiquement le renvoi lorsqu’elle constate l’existence d’un motif de non-entrée en matière ou qu’elle refuse l’asile, soit à un réfugié, soit à une personne dont la qualité de réfugié n’est pas avérée. Ce point figure de manière distincte dans le dispositif de la décision du SEM : « Vous êtes renvoyé de Suisse ». Cette injonction ne signifie pas encore que la personne doive véritablement quitter la Suisse, mais uniquement qu’elle ne peut rester sous la protection de l’asile.

      Le renvoi est prononcé dans trois cas de figure : suite à une décision de NEM (pt 3.2.1), en absence de la qualité de réfugié (pt 3.2.3), ou en présence d’un motif d’exclusion de l’asile (pt 3.2.2). Sur l’exécution du renvoi, il est renvoyé au chap. XVI, pt 1.

      Depuis l’entrée en vigueur du Règlement Dublin en décembre 2008,


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