Manuel de la procédure d'asile et de renvoi. Constantin Hruschka

Manuel de la procédure d'asile et de renvoi - Constantin Hruschka


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opportun de conclure rapidement la procédure de réexamen. Les quatorze mois d’inactivité du SEM depuis le dépôt de la demande de réexamen violent l’obligation de célérité.

       Procédures d’ambassade et autorisations d’entrer en Suisse :

       Au vu de la situation délicate des requérants d’asile érythréens au Soudan, le délai de 17 mois dépasse clairement le délai raisonnable pour statuer sur l’entrée en Suisse.31

       L’attente de 11 mois pour la remise d’un formulaire type relatif aux motifs d’asile, malgré les demandes répétées des requérants, viole l’obligation de diligence de l’autorité.32

      Mineurs non accompagnés – L’obligation de célérité prend une importance particulière dans le cadre des procédures de mineurs non accompagnés. L’incertitude quant à l’issue de la procédure fait peser sur le mineur une pression psychique considérable et la durée excessive de la procédure peut avoir des répercutions néfastes sur son intégration, en raison notamment des difficultés d’accès à la formation. Au moment de l’impression, le TAF n’avait pas encore défini de portée propre à la nouvelle disposition de l’art. 17 al. 2bis LAsi qui impose au SEM une diligence particulière dans le traitement prioritaire des demandes de MNA.33 En l’espèce, il a admis le déni de justice dans les cas de MNA suivants :

       Déni de justice constaté le 19 mars 2015 pour une demande d’asile déposée le 22 février 2011 par trois frères et sœurs MNA. Le SEM a cessé ses échanges avec le HCR en vue de la clarification de l’état de fait en mars 2013 et n’a pas réagit aux demandes répétées des requérants envoyées dès le mois de mai 2014.34

       [116]Déni de justice constaté le 10 janvier 2014, dans le cas d’un mineur devenu non accompagné au moment du décès de son père survenu après le dépôt d’une demande d’asile en novembre 2010. Malgré de nombreux rappels adressés au SEM, le garçon n’avait pas été entendu sur ses motifs d’asile plus de trois ans après le dépôt de la demande.35

       L’absence de mesures de traitement d’une demande d’un MNA afghan pendant 24 mois a été jugé contraire à l’obligation de diligence de l’autorité.36 Le même constat a été tiré dans une autre affaire, alors que l’autorité est restée inactive pendant deux ans et demi.37

      Déni de justice formel – Lorsque le SEM refuse indûment de statuer sur une question de droit ou ne statue que partiellement, le TAF admet un déni de justice formel et renvoie généralement le dossier à l’autorité inférieure. Dans un cas d’espèce, le SEM a contrevenu à son devoir de statuer en refusant de se prononcer sur la demande d’asile d’un mineur qu’il a traité conjointement à la demande de réexamen de ses parents.38 C’est également indûment que le SEM a éludé la demande de réexamen d’un requérant visant à inclure son épouse dans le statut d’asile.39

      Exigences formelles – Le recours pour déni de justice matériel peut être déposé en tout temps (art. 50 al. 2 PA), quand bien même le requérant n’aurait pas encore été entendu sur ses motifs d’asile. Le requérant doit avoir un intérêt digne de protection au moment du dépôt de la requête et pouvoir démontrer la bonne foi de sa démarche.40 Les mesures entreprises pour inciter le SEM à statuer au plus vite ne sont pas une condition formelle d’entrée en matière, mais il convient d’en tenir compte. Dans le cadre d’un recours pour déni de justice formel, la jurisprudence du TF exige que le recours soit déposé dans les 30 jours qui suivent le refus de l’autorité de se prononcer sur la question.41 Quant au mémoire de recours, il doit répondre aux exigences de forme générales prescrites par la PA (art. 52 PA).

      Conséquences juridiques – Lorsque le TAF entre en matière sur le recours, il n’examine pas le fond de l’affaire, mais se détermine uniquement sur le caractère raisonnable de la durée de la procédure. Si le déni de justice est admis, il renvoie généralement le dossier à l’autorité inférieure qu’il exhorte à statuer dans les meilleurs [117]délais. L’examen de la demande se poursuit idéalement plus rapidement, bien que le Tribunal ne fixe généralement pas de délai contraignant pour agir.42

      Délais de traitement du TAF – En tant qu’autorité de surveillance administrative,43 le Tribunal fédéral peut recevoir des plaintes lorsque le TAF s’abstient indûment de rendre une décision ou tarde à le faire (art. 71 PA). Cette dénonciation ne confère aucun droit au dénonciateur qui ne dispose pas des droits de partie (art. 71 al. 2 PA). Le Tribunal fédéral examine alors uniquement si le cours de la procédure devant le TAF correspond au déroulement régulier d’une affaire. Les critères développés par la jurisprudence dans le cadre du recours pour retard injustifié s’appliquent par analogie.44 En pratique, une procédure de trois ans et neuf mois (45 mois) ne correspond objectivement pas au déroulement ordinaire d’une affaire.45 Le TAF a également été condamné pour violation du devoir de célérité dans le cadre d’une procédure d’asile (menée en parallèle à une procédure d’extradition) ayant duré 21 mois, dont 9 d’inactivité complète,46 ainsi que dans le cadre d’une demande de révision durant laquelle aucune mesure d’instruction n’a été prise pendant 21

      mois.47

      Conformément au droit administratif général, une demande est radiée du rôle lorsqu’elle devient sans objet ou qu’un intérêt juridique fait défaut.48 Cela arrive notamment lorsque le requérant d’asile retire sa demande dans la perspective d’une autre autorisation de séjour, par exemple à la suite d’un mariage, ou lorsque le requérant est devenu introuvable. Lors de la révision du 14 décembre 2012,49 Le législateur a introduit de nouveaux motifs de classement propres aux procédures d’asile. Le SEM est ainsi autorisé à classer une demande sans décision formelle dans les cas suivants :

       [118]Le requérant, sans raison valable, ne respecte pas son obligation de collaborer ou ne se tient pas à la disposition des autorités compétentes en matière d’asile pendant plus de vingt jours, sous réserve de la Convention de Genève (art. 8 al. 3bis LAsi ; voir chap. XII, pt 3.2)

       Suite à l’entretien de conseil, le requérant retire une demande d’asile qui n’est pas conforme à la loi ni suffisamment justifiée (art. 25a LAsi)

       La demande de réexamen (art. 111b LAsi) ou la demande multiple (art. 111c LAsi) est infondée ou présente de manière répétée les mêmes motivations (voir chap. XIII, pt 7.2 s).

      Ces nouveaux motifs de classement poursuivent des objectifs punitifs (en cas de violation du devoir de collaborer ou de demandes dites abusives) ou d’économie de procédure qui dépassent largement le cadre jusqu’ici admis du classement des demandes devenues sans objet. Or, en renonçant à l’examen matériel des motifs d’asile, la décision de classement est susceptible d’avoir de graves conséquences pour les personnes touchées. Elle doit donc répondre à des exigences procédurales strictes pour assurer sa conformité aux principes généraux du droit et aux engagements internationaux de la Suisse.50 Cela requiert l’existence de voies de contestation auprès d’une autorité judiciaire, l’examen subséquent d’éventuels obstacles à l’exécution du renvoi par une autorité de préférence fédérale et la possibilité de rouvrir un dossier, voire de déposer une seconde demande d’asile suite au classement.

      Voies


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