Manuel de la procédure d'asile et de renvoi. Constantin Hruschka

Manuel de la procédure d'asile et de renvoi - Constantin Hruschka


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de l’exécution du renvoi, particulièrement en présence d’un cumul d’éléments défavorables au renvoi (chap. X, pt 3).

      Lorsque l’autorité prononce l’admission provisoire sans reconnaître la qualité de réfugié, l’intéressé peut recourir contre le rejet de l’asile selon les modalités de recours ordinaires.

      Le taux d’octroi de l’asile ne suffit pas à reconnaître le besoin de protection des personnes qui déposent une demande d’asile en Suisse. Si l’on admet l’admission provisoire comme étant une forme de protection au même titre que l’asile, on constate que 76.6 % des demandeurs d’asile dont les demandes ont été traitées sur le fond (à l’exclusion des décisions de non-entrée en matière) ont reçu une protection en 2014 à l’issue de la procédure.17 Le SEM détermine quant à lui le taux d’octroi d’une protection par rapport à l’ensemble des décisions rendues en première instance (y compris les décisions de NEM) et arrive à un taux de reconnaissance de 58.3 % en 2014.

      La décision formelle – Le SEM est en principe tenu de statuer par décision sur toute demande d’asile déposée en Suisse.18 La décision se divise en trois parties : la première relate l’état de fait sur lequel se fonde l’examen de la demande, la seconde se prononce sur la qualité de réfugié et l’octroi de l’asile, voire sur les éventuels motifs de non-entrée en matière et la troisième partie se concentre le cas échéant sur l’examen d’éventuels obstacles à l’exécution du renvoi. L’ensemble des conclusions figure dans le dispositif en fin de décision, qui énumère les constatations développées dans les considérants. Les éléments centraux de la décision sont repris dans une lettre d’accompagnement qui n’a pas de valeur légale à proprement parler.

      Le dispositif – L’autorité se prononce successivement et séparément sur les éléments essentiels de la décision que sont l’entrée en matière, la qualité de réfugié, l’octroi de l’asile, le renvoi et l’exécution du renvoi le cas échéant. Elle désigne si nécessaire un canton d’attribution, ou un canton responsable de l’exécution du renvoi. Ce n’est qu’au moment de la reconnaissance formelle du statut de réfugié que la personne peut se prévaloir des droits qui découlent de la qualité de réfugié, excluant toute application rétroactive.19

      Délais de traitement – En procédure de première instance, le SEM doit en principe rendre une décision dans les dix jours ouvrables qui suivent le dépôt de la demande (art. 37 al. 2 LAsi).20 Pour les décisions NEM, le délai d’ordre est de cinq jours ouvrables à compter du dépôt de la demande ou de l’approbation d’une requête de (re)prise en charge par un autre Etat Dublin (al. 1). Les délais d’ordre de la LAsi [113]sont applicables par analogie aux demandes de réexamen.21 Le non-respect de ces délais n’a toutefois pas de conséquence juridique sur la procédure.22 En dépit de la volonté marquée de l’ensemble des acteurs de la procédure, les incitations législatives ne suffisent visiblement pas à réduire les délais de traitement en pratique. D’importants changements sont toutefois attendus avec l’introduction des procédures cadencées actuellement expérimentées au centre test de la Confédération à Zurich (chap. V, pt 5).

      Stratégie de traitement – La loi sur l’asile impose au SEM une stratégie de traitement des demandes qui tienne compte de la situation dans les Etats de provenance, du caractère manifestement fondé ou non des demandes, ainsi que du comportement des requérants (art. 37b LAsi). Le SEM a également une obligation de diligence particulière lorsque le requérant est un mineur non-accompagné ou lorsqu’il se trouve en détention (art. 37b en lien avec art. 17 al. 2bis LAsi). La stratégie de traitement du SEM consiste souvent à prioriser les demandes d’asile pouvant être rapidement rejetées. Le traitement prioritaire des demandes émanant de personnes provenant de régions en conflit au cours de l’année 2014 a eu pour effet positif de réduire nettement le nombre de dossiers en suspens en première instance, avec de surcroît l’avantage considérable de fixer les demandeurs sur leur sort et de favoriser leur intégration.23

      Les coûts d’une durée de procédure excessive : La durée des procédures engendre des coûts notables, non seulement pour les autorités, mais également pour les requérants d’asile. Alors qu’une part de ces coûts se laisse facilement déduire des frais d’entretien et administratifs engendrés tout au long de la procédure, une autre partie, plus difficilement quantifiable, se rapporte aux coûts sociaux et économiques de la « désintégration » des demandeurs d’asile. L’incertitude sur l’avenir, et les problèmes de santé qui l’accompagnent, ralentissent considérablement le processus d’intégration, engendrant des coûts qui se répercutent alors sur le système de santé et des assurances sociales. Sur les coûts de la procédure d’asile et la répartition des frais entre cantons et Confédération, il est utile de se référer au rapport final du groupe de travail sur la restructuration, Planification générale de la restructuration du domaine de l’asile, du 18 février 2014.24

      L’obligation de célérité – Le requérant peut se prévaloir du traitement de sa demande « dans un délai raisonnable » en vertu des garanties de procédure de l’art. 29 al. 1 Cst. Un recours pour déni de justice peut être déposé auprès de l’autorité de recours lorsque le SEM s’abstient de rendre une décision sans en avoir le droit ou tarde à le faire (art. 46a PA). On parle de déni de justice formel (Rechtsverweigerung) lorsque l’autorité refuse expressément de statuer alors qu’elle en a l’obligation ou lorsqu’elle ne statue que partiellement. Le déni de justice matériel peut être, quant à lui, constaté en cas de retard injustifié (Rechtsverzögerung), lorsque l’autorité tarde sans droit à statuer ou décide à tort de suspendre la procédure.

      Le délai raisonnable – Le délai au-delà duquel l’inaction de l’autorité contrevient à son obligation de statuer dépend de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce. Il s’apprécie au cas par cas sur la base d’éléments objectifs, tels que le degré de complexité de l’affaire, le temps qu’exige l’instruction de la procédure, l’enjeu que revêt le litige pour l’intéressé, ou encore le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes. L’importance du bien juridique défendu doit être prise en considération, tout comme les répercussions que peut avoir une attente excessive sur la santé du requérant.25 Il doit également être tenu compte des délais d’ordre de la LAsi (art. 37 et 37b LAsi). Dans des circonstances concrètes et objectives, le SEM peut justifier une prolongation de la procédure, mais ne peut s’appuyer sur des motifs liés à une organisation déficiente, à un manque de personnel ou à une surcharge structurelle.26 Il n’est pas important de savoir s’il a commis une faute, mais uniquement de déterminer s’il a agit dans un délai raisonnable.

      Le TAF a estimé que l’autorité administrative a contrevenu à son devoir de célérité dans les cas suivant (déni de justice matériel)27 :

       Procédure ordinaire :

       Plus de deux ans se sont écoulés depuis le dernier acte de procédure sans que la requérante érythréenne n’ait été convoquée à l’audition sur les motifs [115]d’asile. La pénurie d’interprète en tigrigna ne justifie pas l’inactivité du SEM.28

       Aucune mesure d’instruction reconnaissable n’a été entreprise pendant 25 mois.29


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