Charlotte de Bourbon, princesse d'Orange. Delaborde Jules

Charlotte de Bourbon, princesse d'Orange - Delaborde Jules


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      Voici la traduction simplement littérale de ce morceau, qui fut chanté, à Dordrecht, pendant le séjour du prince et de la princesse dans cette ville, en 1575:

      «Entrée de la sérénissime princesse, de haute naissance.

»(Sur l'air de Guillaume de Nassau.)

      »1o Faites éclater votre allégresse, vous, villes de Hollande et de Zélande! Vous, hommes, femmes, faites éclater, de tous côtés, votre allégresse, en l'honneur de l'éminent prince et de son épouse noble et renommée. Veuille Dieu, qui leur a accordé sa grâce, la leur continuer, à toujours.

      »2o A La Brielle, la princesse arriva en grand triomphe, comme chacun en a été témoin. De nombreux coups de canon furent tirés en l'honneur du prince; et, quant à elle, on la prit par la main et on lui dit qu'elle était la bienvenue dans la patrie du prince.

      »3o En apprenant l'arrivée de la princesse, le prince, joyeux de cœur, partit aussitôt pour La Brielle, car vers elle tendaient les plus chers désirs de ce noble et bon prince. Aussi, en recevant sa fiancée, l'a-t-il saluée affectueusement.

      »4o Dans La Brielle se manifesta une franche allégresse; je vous le dis tout simplement. Les tambours et les trompettes se firent entendre sur la jetée et dans la ville. Le canon fut tiré en l'honneur de la charmante fiancée. Rien n'a été épargné pour qu'elle fût accueillie par de nombreuses salves.

      »5o Quand la chaste et noble jeune dame entra dans la ville, chacun lui souhaita la bienvenue, et la joie éclata de toutes parts. Des feux brillèrent sur la tour et dans les rues, nuit et jour; et cela, d'une manière ravissante. Pas une plainte ne troubla l'émotion générale.

      »6o De là, les nouveaux époux sont partis rapidement pour Dordrecht, comme on a pu s'en assurer en les voyant. Dieu les a gardés. Tandis que les trompettes et les clairons sonnaient fortement, on vit chacun accourir pour rendre hommage à la compagne du prince.

      »7 °Ceux de Dordrecht, résolus de caractère, eurent bientôt pris leurs mesures; car, en attendant la princesse, ils n'épargnèrent aucuns frais pour la recevoir. La garde bourgeoise s'avança en faisant flotter ses bannières.

      »8o Pleins d'ardeur, les citoyens accoururent et franchirent la porte de la ville, afin de recevoir honorablement la princesse. Le canon se fit entendre. On vit, çà et là, par la ville, les tonneaux de résine lancer leurs flammes, à la honte de tous les mécréants, et en l'honneur du prince vénéré.

      »9o Les autorités de la ville, l'Escoutète, les échevins, dans leur bon vouloir, les bourgmestres et les gardes civiques allèrent triomphalement, bannières déployées, à la rencontre de la princesse, et lui adressèrent avec cordialité ces paroles: Soyez la bienvenue en Hollande.

      »10o Veuillez donc, de tous côtés, vous villes, manifester une vive allégresse, faire éclater votre amour pour le vaillant prince, et remercier Dieu, à haute voix, d'avoir détruit Babylone, et de vous avoir donné sa sainte parole.

      »11o Oui, vous montrerez votre allégresse, vous villes très renommées, parce que jamais vous n'avez été placées sous une aussi grande protection que sous celle de notre noble prince et de notre excellente princesse, qui, tous deux, appuyés sur la parole divine, veulent sacrifier, pour nous, corps et biens.

      »12o Vous, hommes grands et petits, remerciez le Seigneur. C'est lui qui nous soutient, nous pauvres créatures chétives, comme on a pu le voir devant la ville de Leyde, où l'ennemi a été saisi d'épouvante, et aussi à Alckmaar, d'où il s'est enfui précipitamment.

      »13o De grâce, seigneuries princières, veuillez agréer de bon cœur ce chant composé en l'honneur du prince d'Orange et de l'éminente princesse. Que Dieu daigne les maintenir en bonne santé et leur accorder une longue vie! Voilà ce dont je le prie, du fond de mon cœur!»

      Émue, au fond du sien, de l'accueil chaleureux qu'elle rencontrait au sein des populations, Charlotte de Bourbon se demandait si elle pouvait y voir le présage de celui qu'elle recevrait des membres, alors disséminés, de la famille du prince. Répondraient-ils aux sincères efforts qu'elle ferait pour se concilier l'affection de chacun d'eux? Elle l'ignorait, mais elle se reposait sur la bonté de Dieu, pour résoudre, tôt ou tard, en sa faveur, cette importante question, si intimement liée désormais à celle de son bonheur domestique.

      CHAPITRE IV

      Lettre de Charlotte de Bourbon à la comtesse de Nassau, sa belle-mère. – Lettre de Guillaume au comte Jean de Nassau, son frère. – Hommage rendu par le comte Jean au noble caractère de la princesse, sa belle-sœur. – Félicitations adressées à Charlotte de Bourbon par divers membres de sa famille à l'occasion de son mariage. – Lettre de Guillaume à François de Bourbon, son beau-frère. – Charlotte de Bourbon s'efforce en vain de se concilier les bonnes grâces du duc de Montpensier, son père. – Inexorable dureté de celui-ci. – Étroitesse des sentiments du duc lors de la mort de la duchesse de Nevers, sa fille. – Graves préoccupations de Charlotte de Bourbon, au sujet de son mari, avec la carrière publique duquel elle s'est identifiée. – Il trouve dans ses judicieux conseils et dans son dévouement un appui efficace. – État des affaires publiques depuis l'insuccès des Conférences de Bréda. – Reprise des hostilités. – Diète de Delft en juillet 1575. – Siège de Ziricksée. – Naissance de Louise-Julienne de Nassau. – Lettre de Marie de Nassau. – Lettre de la princesse d'Orange à son mari lors de la mort de l'amiral Boisot. – Perte de Ziricksée. – Excès commis dans les provinces par les Espagnols. – Indignation générale et efforts faits dans la voie d'une sévère répression. – Correspondance du prince et de la princesse d'Orange avec François de Bourbon. – Lettres de Louis Cappel et de Marie de Nassau. —Pacification de Gand.– Lettre de Guillaume au duc d'Alençon. – Les Espagnols sont expulsés de la Zélande. —Union de Bruxelles.

      Ni la vénérable mère de Guillaume de Nassau, ni l'unique frère qui lui restait, le comte Jean, n'avaient pu quitter l'Allemagne pour assister à son mariage. Tous deux avaient été retenus au loin, l'une, par son âge avancé et son état de faiblesse, l'autre, par la maladie.

      Le comte Jean était incontestablement fort attaché à son frère; mais, plus timoré parfois que clairvoyant, il avait cherché à détourner Guillaume, si ce n'est précisément du mariage projeté par lui, tout au moins de sa prompte conclusion, en invoquant des considérations, soit politiques, soit d'intérêt privé, qui, aux yeux du prince, n'avaient rien de déterminant.

      Sa mère, à l'inverse, non moins judicieuse que tendre, s'était dégagée de ces considérations, et n'avait nullement songé à dissuader son fils de contracter une union dans laquelle il lui disait être assuré de rencontrer le bonheur. Elle l'aimait trop et avait en lui trop de confiance pour ne pas croire à la dignité de ses sentiments et à la justesse de ses appréciations.

      Aimante et aspirant à être aimée, Charlotte de Bourbon, dès les premiers jours de son union avec Guillaume, s'attacha à gagner, avant tout, le cœur de sa belle-mère; et y réussit immédiatement par l'expression de sa douce et délicate déférence, dans ces lignes datées de Ziricksée, où elle venait, en quittant Dordrecht, d'arriver, le 24 juin, avec son mari111:

      «A madame la comtesse de Nassau, ma bien-aimée mère,

      «Madame, encore que je n'aye jamais esté si heureuse de vous voir, pour vous rendre, selon mon desir, tesmoignage de l'affection que j'ay dédiée à vous obéir et servir, sy m'asseuray-je, veu l'honneur que m'a faict, monsieur le prince, vostre fils, qu'il vous plaira bien me faire ceste faveur, d'avoir agréable la bonne voullonté que je vous supplie bien humblement vouloir accepter, et croire que, si Dieu me donne le moïen, et que vos commandemens me rendent capable de vous pouvoir faire service, je m'y emploiré de sy bon cœur, que vous cognoistrés, madame, combien j'estime l'heur que ce m'est de vostre alliance, laquelle m'est doublement à priser, tant pour vostre vertu et piété, que pour celle de mondit seigneur, vostre fils, pour l'amour duquel j'espère que vous me favorisés de quelque bonne part en vos bonnes grâces,


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<p>111</p>

Groen van Prinsterer, Corresp., 1re série, t. V, p. 230.