Une histoire d'Amour : George Sand et A. de Musset. Paul Mariéton

Une histoire d'Amour : George Sand et A. de Musset - Paul Mariéton


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rel="nofollow" href="#ulink_1ccb1428-f727-529e-87b6-6f69f5df6e3d">(retour) Revue de Paris, 15 novembre 1896, p. 289.

      Ainsi l'existence de George Sand n'allait pas sans complications, quand elle rencontra Musset.

       Table des matières

      On n'a conservé aucune des lettres de G. Sand à Musset antérieures à un billet de Venise (fin mars 1834).

      Madame,

      Je prends la liberté de vous envoyer quelques vers que je viens d'écrire en relisant un chapitre d'Indiana, celui où Noun reçoit Raymond dans la chambre de sa maîtresse. Leur peu de valeur m'avait fait hésiter à les mettre sous vos yeux, s'ils n'étaient pour moi une occasion de vous exprimer le sentiment d'admiration sincère et profonde qui les a inspirés. Agréez, Madame, l'assurance de mon respect.

      ALFRED DE MUSSET.

      Sand, quand tu l'écrivais, où donc l'avais-tu vue,

      Cette scène terrible où Noun, à demi nue

      Sur le lit d'Indiana s'enivre avec Raymond?

      Qui donc te la dictait, cette page brûlante

      Où l'amour cherche en vain, d'une main palpitante,

      Le fantôme adoré de son illusion?

      En as-tu dans le coeur la triste expérience?

      Ce qu'éprouve Raymond, te le rappelais-tu?

      Et tous ces sentiments d'une vague souffrance,

      Ces plaisirs sans bonheur, si pleins d'un vide immense,

      As-tu rêvé cela, George, ou t'en souviens-tu?

      N'est-ce pas le réel dans toute sa tristesse,

      Que cette pauvre Noun, les yeux baignés de pleurs,

      Versant à son ami le vin de sa maîtresse,

      Croyant que le bonheur, c'est une nuit d'ivresse,

      Et que la volupté, c'est le parfum des fleurs?

      Et cet être divin, cette femme angélique,

      Que dans l'air embaumé Raymond voit voltiger,

      Cette frêle Indiana, dont la forme magique

      Erre sur les miroirs comme un spectre léger,

      O George! N'est-ce pas la pâle fiancée

      Dont l'Ange du désir est l'immortel amant?

      N'est-ce pas l'Idéal, cette amour insensée

      Qui sur tous les amours plane éternellement?

      Ah! malheur à celui qui lui livre son âme!

      Qui couvre de baisers sur le corps d'une femme

      Le fantôme d'une autre, et qui sur la beauté

      Veut boire l'Idéal dans la réalité!

      Malheur à l'imprudent qui, lorsque Noun l'embrasse,

      Peut penser autre chose, en entrant dans son lit,

      Sinon que Noun est belle et que le temps qui passe

      A compté sur ses doigts les heures de la nuit!

      Demain viendra le jour; demain, désabusée,

      Noun, la fidèle Noun, par sa douleur brisée,

      Rejoindra sous les eaux l'ombre d'Ophélia;

      Elle abandonnera celui qui la méprise,

      Et le coeur orgueilleux qui ne l'a pas comprise

      Aimera l'autre en vain,—n'est-ce pas, Lélia?

      24 juin 1833.

      Les lettres qui suivent sont courtes. Le poète est allé voir l'auteur d'Indiana. Ils ont parlé de leurs travaux. Elle écrit Lélia, lui un poème qui sera Rolla. Il lui en communique des fragments: «Soyez assez bonne, ajoute-t-il, pour faire en sorte que votre petit caprice de curiosité ne soit partagé par personne.»

      Dans une de ses visites au quai Malaquais, Musset a été pris de crises d'estomac violentes. George Sand lui a écrit gentiment et il répond de même: «Votre aimable lettre a fait bien plaisir, Madame, à une espèce d'idiot entortillé dans de la flanelle comme une épée de bourgmestre. Que vous ayez le plus tôt possible la fantaisie de perdre une soirée avec lui, c'est ce qu'il demande surtout.» Point d'amour encore; mais George Sand ne s'est-elle pas prise d'un peu de curiosité à cette ombre de marivaudage?—A-t-elle fait les avances? Cette lettre de Musset le donnerait à supposer: elle témoigne du moins d'un degré de plus dans leur intimité.

      Je suis obligé, Madame, de vous faire le plus triste aveu: je monte la garde mardi prochain; tout autre jour de la semaine ou ce soir même, si vous étiez libre, je serais à vos ordres et reconnaissant des moments que vous voulez bien me sacrifier.

      Votre maladie n'a rien de plaisant, quoique vous ayez envie d'en rire. Il serait plus facile de vous couper une jambe que de vous guérir.

      Tout à vous de coeur.

      ALFRED DE MUSSET.


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