La Presse Clandestine dans la Belgique Occupée. Jean Massart

La Presse Clandestine dans la Belgique Occupée - Jean Massart


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      Cher Monsieur, vous devriez vous souvenir que La Libre Belgique, dès sa naissance, s'est engagée à paraître envers et contre tous, tant que notre chère patrie serait occupée par vos compatriotes et qu'il y aurait nécessité de réagir contre la presse à votre solde et celle qui, par ses mensonges ou par ses omissions, cherche à énerver notre patriotisme, à lasser notre résistance, à amollir nos caractères, à semer dans nos rangs le doute, la division, le désespoir, en un mot à rendre inutiles et vains nos sacrifices et nos souffrances.

      Vous oubliez qu'en Belgique une promesse est un engagement sacré, qui lie celui qui l'a faite aussi bien qu'un serment et mieux qu'un traité diplomatique. Vous avez le grand tort de nous considérer comme annexés. Vous pouvez nous voler, nous emprisonner, nous fusiller même, mais vous ne nous ferez pas taire.

      NOUS NE SOMMES PAS DES ALLEMANDS, NE NOUS MESUREZ DONC PAS A VOTRE AUNE.

      Vous avez dit récemment, à ce qui nous a été rapporté, que les Belges sont indécrottables. Ce mot, qui rappelle trop les souvenirs que vos officiers ont laissés partout sur leur passage dans nos maisons et nos châteaux, aurait dû vous brûler les lèvres, mais il est cependant l'expression malheureuse d'une idée vraie: les Belges sont INDOMPTABLES.

      Quant à tuer La Libre Belgique, n'y comptez pas, c'est impossible. Elle est insaisissable, parce qu'elle n'est nulle part. C'est un feu follet, qui sort des tombes de ceux que vos compatriotes ont massacrés à Louvain, Tamines et Dinant et qui vous poursuit. Mais c'est aussi le feu follet qui sort des tombes des soldats allemands tombés à Liège, à Waelhem, à l'Yser. Ceux-là voient à présent pour quel misérable projet de domination ils ont été sacrifiés au Moloch de la guerre, sous prétexte de défendre la patrie; c'est enfin la voix de toutes les mères, la voix de toutes les veuves et de tous les orphelins qui pleurent ceux qu'ils ont perdus. Cette voix augmente tous les jours d'intensité. Son retentissement s'étend sur toutes nos provinces et va jusqu'au delà de nos frontières. Elle ne se taira que lorsque le dernier de vos soldats et de vos agents aura cessé de fouler notre sol envahi au mépris de tout droit.

      Ne pensez pas, cher Baron, que nous ayons la naïveté de croire que vous allez, sur notre conseil, abandonner l'espoir de nous faire découvrir par vos Sherlock Holmes de contrebande. Nous savons que rien n'arrête un Allemand lorsqu'il s'est lancé sur une mauvaise voie, pas plus le sentiment du ridicule qu'aucun scrupule ou la certitude de la défaite finale. C'est pourquoi nous vous présentons, Excellence, à l'occasion de vos mécomptes passés, présents et futurs, l'expression de nos très sincères et tout à fait irrespectueuses condoléances.

      LA LIBRE BELGIQUE.

       (La Libre Belgique, n° 49, octobre 1915, p. 1, col. 1.)

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      Dans la lutte de tous les instants que les Belges, prisonniers dans leur propre pays, soutiennent contre la domination allemande, les journaux sont secondés par de nombreuses brochures. Citons-en quelques-unes, simplement pour donner une idée de leur diversité.

      Nécrologe dinantais, août 1914.—Cette brochure donne d'abord un récit des massacres et des incendies; puis la Liste officielle des civils fusillés à Dinant les 23 et 24 août 1914 par ordre de l'autorité militaire allemande, sans aucun jugement préalable. La liste comprend les noms et prénoms de six cent six cadavres, avec leur profession, leur domicile et leur âge. Puis on ajoute: «Cette liste est incomplète; elle ne contient pas les noms de tous ceux dont on n'a pas pu identifier les corps, ni de ceux qui sont morts dans les hôpitaux à la suite de leurs blessures.»

      Le Nécrologe dinantais avait été précédé d'une autre liste imprimée qui fut impitoyablement poursuivie par les Allemands à Dinant même8.

      8 [ Voir DAVIGNON, Belgique et Allemagne, p. 66.]

      Pages du Livre des Douleurs de la Belgique.—Récits objectifs, par des témoins oculaires, de quelques horreurs commises en Belgique par l'armée allemande.

      La Violation de la Neutralité belge.—Exposé très simple de la perfidie allemande, fait en janvier 1915. Comment l'Yser n'a pas été franchi: Yser, Nieuport, Inondations.—Cartes et photographies de la région; récits des combats et des inondations (voir pl. VIII).

      Le Manifeste des intellectuels allemands et les Réponses des neutres.—Traduction française du manifeste, et quelques-unes des réponses.

      La Sozialdemokratie et la Guerre. Le Crime des Socialistes allemands. Petit dossier documentaire.—On y lit notamment le récit des visites faites à la Maison du Peuple de Bruxelles par divers militants allemands: Wendel, Liebknecht, Köster et Noske (voir p. 181).

      La Franc-Maçonnerie belge et les Loges allemandes.—Reproduit l'appel de M. Ch. Magnette à neuf loges allemandes, pour demander une enquête impartiale sur ce qui s'est passé en Belgique; le refus des deux seules loges qui aient répondu; la riposte de M. Magnette; des documents justificatifs d'origine allemande.

      Patriotisme et Endurance.—C'est la lettre pastorale bien connue de Mgr Mercier, qui a produit une si grande impression. L'édition princeps, imprimée à Malines chez Dessain, a été en partie saisie par l'autorité allemande. Mais on en a fait une douzaine d'éditions en français et trois éditions flamandes; elle a aussi été répandue par la dactylographie. Chaque édition a eu de nombreux tirages. Chez un seul imprimeur de Bruxelles, la police allemande a confisqué 35.000 brochures. Mais il en a été publié tant de centaines de milliers que chaque maison de Belgique en recèle au moins un exemplaire.

      Autour de la Lettre cardinalice.—Réimpression de la principale correspondance échangée entre les autorités allemandes et le clergé belge à l'occasion de la prohibition de la lettre pastorale.

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      La propagande anti-allemande s'opère aussi à l'aide de cartes illustrées, représentant le Roi, la Reine, le prince Léopold, M. Max, Mgr Mercier, Miss Cavell et Ph. Baucq, etc.

      La carte prohibée qui a dû vexer le plus profondément les Allemands est celle qui reproduit les portraits de leurs espions. Une trentaine de ceux-ci avaient eu l'ingénieuse idée de se faire photographier en corps. Une semaine ne s'était pas écoulée que les Belges en possédaient une épreuve et la faisaient reproduire en carte postale9. Dès qu'un de ces sympathiques mouchards entrait dans un tram, tout le monde le dévisageait avec une insistance significative.

      Quoiqu'il soit défendu de photographier, de nombreux amateurs bravent les rigueurs de la «justice» allemande, et prennent des clichés des ruines de Louvain10, de Dinant, de Termonde11, de Visé, des villages du Luxembourg, etc.

       4. Les arrêtés allemands sur la presse.

      Sont en présence: d'une part les Allemands détenteurs de l'autorité, et décidés à en abuser sans le moindre scrupule, ne cherchant qu'à nous démoraliser pour pouvoir plus facilement nous écraser sous leur botte; d'autre part les Belges, abandonnés à eux-mêmes, exposés à toutes les rigueurs des tribunaux militaires chaque fois qu'ils font un effort pour se dégager de l'étouffoir. Dans cette lutte, tellement inégale que les Belges semblent vaincus d'avance, ce sont pourtant eux qui gardent le dessus; rien ne prouve


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