La Presse Clandestine dans la Belgique Occupée. Jean Massart

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avis du gouvernement militaire de Bruxelles, le 22 novembre 1914, parlait d'emprisonnement prolongé:

       Avis.

      Je rappelle à la population de Bruxelles et des faubourgs qu'il est strictement défendu de vendre ou de distribuer des journaux qui ne sont pas expressément admis par le gouverneur militaire allemand. Les contraventions entraînent l'arrestation immédiate des vendeurs ainsi que des peines d'emprisonnement prolongé.

      Bruxelles, le 22 septembre 1914.

      Le Gouverneur militaire, Baron VON LÜTTWITZ, Général.

      L'arrêté du 13 octobre 1914, signé baron von der Goltz, menaçait d'une punition, «conformément à la loi martiale, celui qui propage des écrits non censurés»12.

      L'avis du 4 novembre 1914, signé également baron von der Goltz, disait que les contrevenants seraient «punis d'emprisonnement de longue durée»13.

      Des condamnations furent effectivement prononcées à cette époque, par exemple: Louis Prost, condamné à six mois de prison «pour avoir répandu des copies de nouvelles menteuses de la guerre, reproduites par dactylographie»14.

      Mais les rigueurs allemandes n'empêchèrent pas l'introduction de journaux étrangers ni la création de journaux clandestins. Dans un communiqué officiel, reproduit par les journaux censurés, du 14 juin 1915, M. le baron von Bissing, gouverneur général en Belgique, se plaint de cette situation.

      Quelques jours plus tard, un autre communiqué précise ces notions: les contrevenants seront punis d'un emprisonnement de un jour à trois ans et frappés d'une amende de 3.000 marks au maximum.

      Un arrêté du gouverneur, en date du 25 juin 1915, dit:

      Les actions et les omissions défendues par l'arrêté du 13 octobre 1914 et l'avis du 4 novembre 1914, concernant la censure des imprimés, récitations, etc., et par l'avis du 15 décembre 1914 concernant le transport de lettres, écrits, etc., sont passibles d'une peine d'emprisonnement de un jour à trois ans et d'une amende de 3.000 marks au plus ou d'une de ces deux peines à l'exclusion de l'autre, à moins que d'autres lois ou arrêtés ne prescrivent une peine plus élevée.

      Les tentatives de commettre les actions et omissions précitées sont punissables; les objets soustraits au contrôle seront confisqués. Les infractions seront jugées par les tribunaux militaires ou, s'il s'agit de contraventions peu graves, par les autorités militaires.

      Le présent arrêté entrera en vigueur le jour de sa publication.

      (L'Écho de la Presse internationale, 5 juillet 1915.)

      Mais aucune menace ne fait fléchir le patriotisme des Belges. Aussi le gouverneur général exhale-t-il de nouvelles lamentations en janvier 1916. Il y avoue—enfin!—que la population bruxelloise reste irréductiblement hostile aux occupants. Cette petite crise de sincérité jure avec les interviews qu'il accordait au début de 1915 à des journaux allemands, notamment à la Norddeutsche Allgemeine Zeitung; il y disait régulièrement que les rapports des Bruxellois avec les Allemands étaient devenus meilleurs. Voici la plainte de janvier 1916:

      L'attitude de la population bruxelloise à l'égard de la garnison allemande montre, dans tous les domaines, une hostilité non justifiée. Non seulement on distribue et on achète volontiers continuellement dans la ville des écrits injurieux, d'un caractère obscène contre l'Administration allemande, sous les yeux de la police de la ville; non seulement des officiers allemands ont été insultés en pleine rue (par exemple le cas de Jonghe), mais souvent la population bruxelloise en est arrivée à prêter au service de renseignements ennemi une aide active en lui fournissant des renseignements sur la situation militaire en ville, par exemple, sur l'occupation temporaire des hangars à aéroplanes, et elle a ainsi rendu possible des actes hostiles contre la garnison allemande établie dans ses murs. Il est regrettable que même des employés communaux n'aient pas eu honte de participer à ces actes hostiles, et d'y prêter aide, comme agents de l'espionnage ou comme détenteurs d'explosifs. De plus, et sur une grande échelle, malgré des avis réitérés avec menace de pénalités sévères du gouvernement général, la population bruxelloise a tenu des armes cachées et a ainsi indiqué son intention de se garder armée en vue d'un soulèvement.

      De même, dans le domaine des logements, l'attitude hostile de la population bruxelloise s'est manifestée ouvertement. Non seulement on a créé des difficultés de toutes sortes aux officiers et aux employés allemands, pour la location d'appartements convenables, mais encore les quelques bailleurs qui ont loué à des officiers ou employés allemands, pour gagner ainsi légitimement leur vie, ont été en butte, de la part de leurs concitoyens, à des chicanes continuelles, à des menaces et à des humiliations. C'est ainsi que pour les officiers et employés allemands la question du logement est devenue particulièrement embarrassante.

      (Signé) VON BISSING.

      De nouveau, quelques jours après, le 11 janvier 1916, confirmation menaçante des plaintes du gouverneur général:

       Arrêté.

      .............................

       ART. 2.—Quiconque, dans le territoire du gouvernement général, aura lancé ou fait circuler sciemment, sur le nombre, la marche ou de prétendues victoires des forces ennemies, de faux bruits pouvant induire en erreur les autorités civiles ou militaires quant aux mesures à prendre par elles;

      .............................

       Sera puni d'une peine d'emprisonnement de cinq ans au plus, à moins que les lois et arrêtés en vigueur ne prescrivent l'application d'une peine d'emprisonnement plus élevée.

      ART. 3.—Les infractions au présent arrêté sont de la compétence des tribunaux militaires allemands.

      Bruxelles, le 11 janvier 1916.

      VON BISSING. VON SAUBERZWEIG.

      Jusqu'ici n'étaient exposés aux sévérités des tribunaux militaires que ceux qui s'occupent de propager les «écrits provocateurs». A partir du 5 février 1916, il est tout aussi criminel de les recevoir et de les conserver.

      Celui qui trouve La Libre Belgique dans sa boîte aux lettres est donc tenu de la brûler immédiatement!

       Arrêté.

      Quiconque possède des imprimés qui, contrairement aux prescriptions en vigueur, ont été soustraits à l'examen de la censure, sera puni, soit d'une peine d'emprisonnement de trois ans au plus et d'une amende pouvant atteindre 3.000 marks, soit d'une de ces deux peines à l'exclusion de l'autre, à moins que les circonstances ne prouvent que le détenteur n'est pas coupable.

      Les imprimés formant l'objet des infractions seront confisqués.

      Ces infractions sont de la compétence des tribunaux ou autorités militaires allemands.

      Bruxelles, le 5 février 1916.

      C'est sans doute à la suite de cet arrêté que fut condamné le propriétaire d'un café de Liège:

      Liège.—M. Adam Quaden, le propriétaire de la Taverne Britannique, place Verte, vient d'être condamné par les tribunaux boches à quatre mois de prison pour le fait suivant:

      La Taverne Britannique, lieu de réunion de tous les vrais Liégeois, reçut un jour la visite de quelques Allemands qui y procédèrent à une minutieuse perquisition. On découvrit dans la loge du portier


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