La Presse Clandestine dans la Belgique Occupée. Jean Massart

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de Prusse près le Vatican. Les informations contraires publiées par la presse française, anglaise et belge sont donc contraires à la vérité.

      Breslau, 9 septembre.

      Le commandant général du corps d'armée de Breslau publie ceci: «La landwehr silésienne a livré hier un combat victorieux à la Garde impériale du III° corps d'armée caucasien; nous avons fait prisonniers 17 officiers et 1.000 hommes.»

      Vienne, 9 septembre (communication officielle).

      On apprend au sujet des récents combats déjà relatés de l'armée autrichienne Dankl, contre laquelle l'ennemi (les Russes) avait amené par chemin de fer des renforts considérables, que l'armée commandée par le lieutenant-feld-maréchal Kestranck a repoussé avec de sanglantes pertes une forte attaque russe. A cette occasion, 600 nouveaux prisonniers ont été ramenés. A part cela, un calme relatif a régné hier sur le théâtre de la guerre russo-autrichien.

      Le Gouvernement militaire allemand.

      On reste rêveur devant les «raisons humanitaires» de l'armée autrichienne, qui se sont si éloquemment manifestées en Serbie, et devant l'activité de l'escadre allemande qui «capture quinze barques de pêche». Ce qui nous réjouit plus encore, ce fut d'apprendre que, malgré «les informations contraires publiées par la presse française, anglaise et belge», le cardinal Mercier est revenu de Rome «en traversant les troupes allemandes». Comme si nous n'avions pas tous lu le texte, imprimé et répandu en cachette, du sermon prononcé par le cardinal au Havre, pendant ce voyage de retour! Le Havre n'est pourtant pas sur le trajet de Rome à Malines, en traversant les lignes allemandes.

      Enfin, ce qui nous amusait aussi dans cette affiche, c'est qu'elle ne soufflait mot de la bataille de la Marne, dont les péripéties nous étaient connues par les journaux français introduits en fraude.

      Tant par ce qu'elle raconte que par ce qu'elle tait, cette affiche est un bon exemple des informations que l'autorité allemande fait placarder sur nos murs. Quelle opinion les gouvernants de l'Allemagne ont-ils donc de l'intelligence de leurs propres concitoyens, pour penser nous égarer par de semblables inepties.

      Quand les affiches sortent du genre niais, c'est d'ordinaire pour tomber dans l'impudence, par exemple celle où von Hindenburg déclare que «plus la guerre est cruellement menée, moins elle le sera en réalité, parce que d'autant plus tôt elle sera finie» (20 novembre 1914), ou celle où M. Fox dit n'avoir pas remarqué de «cruauté inutile» (26 avril 1915):

       Pfui!!!

      Il faut rendre cette justice aux Allemands que certains commencent à avoir honte des atrocités commises par l'armée de la «Kultur». Ils se donnent une peine incroyable pour les nier ou les excuser. Ils sont vexés de voir que tout le monde, en dehors de leurs alliés, les massacreurs des Arméniens, les met au ban de la société. Eh quoi? Une «Kultur» si enviable, si vantée, si supérieure, produire des fruits pareils! Non, non, il ne faut pas se lasser de mentir et de démentir. Tous les témoignages tendant à innocenter les Allemands, si osés qu'ils soient, doivent être soigneusement recueillis et mis en lumière. Voici ce que le Freiherr von Bissing, gouverneur général de Belgique, qui est cependant au courant des cruautés des Gott mit Uns, a eu dernièrement l'impudence de faire placarder sur les murs de la capitale:

      «Un certain Edward Fox, journaliste américain, homme sincère (oh! combien!), qui a parcouru les fronts à l'Est et à l'Ouest, n'a pu constater, en dépit de ses sérieuses recherches, un seul acte de cruauté inutile commis par les Allemands.»

      Ce digne homme peut se vanter d'être un reporter de tout premier ordre! Par contre, il affirme que les Russes ont assassiné, violé, incendié partout, d'une façon impossible à décrire. Comment, un homme qui a de si bons yeux lorsqu'il s'agit des Russes, est-il aveugle comme une taupe lorsqu'il s'agit des Teutons? Par quel miracle d'illusion d'optique avons-nous pu croire, nous autres Belges, que nos villes ont été incendiées, nos fermes détruites, nos concitoyens fusillés, nos femmes, nos filles, nos religieuses outragées, nos maisons pillées? Nous aurons sans doute mal vu, car le Fox, qui est un animal clairvoyant, n'a rien constaté de semblable! Que le Freiherr von Bissing fasse placarder ses affiches menteuses en Allemagne ou dans les pays neutres, soit, il y trouvera peut-être quelque crédit; mais ici, en Belgique, à Visé, à Dinant, à Andenne, à Battice, à Tamines, à Termonde, à Aerschot, à Louvain et dans maints autres lieux, témoins des forfaits de la «Kultur»! Allons donc!

      Le Freiherr s'en rend compte. Sachant bien qu'il ne lui est pas possible de nous faire prendre ses vessies pour des lanternes, il ajoute comme restrictif, au mot «cruautés», le mot «inutiles». Il y a donc des cruautés utiles. Dans son idée, ce mot sauve tout.—Vous vous plaignez d'atrocités? Elles étaient utiles, cher Monsieur. Les Gott mit Uns ont assassiné des hommes, des femmes, des vieillards inoffensifs: cruautés utiles! Ils ont outragé des femmes et des jeunes filles: cruautés utiles! Ils se sont emparés de civils innocents, les ont brutalement emmenés en captivité où ils ont été traités inhumainement: cruautés utiles! Que diriez-vous, Herr Baron von Bissing, si, en 1916, nos soldats allaient promener la torche en Allemagne? Appelleriez-vous ces représailles des «cruautés utiles»?

      (La Libre Belgique, n° 21, mai 1915, p. 4, col. 1.)

      D'autres affiches sont doublement instructives, en ce qu'elles nous révèlent l'existence de livres dont l'importation est prohibée: nous nous empressons alors de nous les procurer par fraude. Ainsi, celle du 21 juin 1915 nous annonçait l'apparition du livre La Guerre allemande et le Catholicisme:

       Nouvelles publiées par le Gouvernement général allemand.

      Cologne, 21 juin.

      On mande à la Kölnische Volkszeitung:

      Les cardinaux allemands von Bettinger (Munich) et von Hartmann (Cologne) ont adressé la dépêche suivante à l'Empereur: «Révoltés des diffamations dont la patrie allemande et sa glorieuse armée ont été l'objet dans le livre: La Guerre allemande et le Catholicisme, nous éprouvons le besoin d'exprimer à Votre Majesté la douloureuse indignation de tout l'épiscopat allemand. Nous ne manquerons pas d'adresser une plainte au Souverain Pontife.» L'archevêque de Cologne a reçu la réponse suivante: «Je vous remercie vivement, vous et le cardinal Bettinger, des sentiments d'indignation que vous m'avez exprimés au nom de l'épiscopat allemand au sujet des honteuses calomnies que certains écrivains répandent sur l'armée et le peuple allemands. Ces attaques, elles aussi, viennent se briser contre la force morale et la bonne conscience du peuple allemand défendant la juste cause, et elles retombent sur leurs auteurs.»

       Le Gouvernement général en Belgique.

      L'affiche fut commentée par La Libre Belgique:

       Un livre.

      Il a paru un livre qui s'appelle: La Guerre allemande et le Catholicisme.

      Nous n'en savions rien.

      C'est devant le mur que nous l'avons appris, vous savez le mur—chacun a le sien dans son quartier—où le Gouvernement militaire, vraiment trop bon, colle chaque matin des nouvelles savamment dosées à seule fin d'épater les Allemands avant tout, les Flamands ensuite et les Wallons enfin.

      Donc, il a paru un livre qui a mis en colère deux kardinaux allemands et le Kaiser par-dessus le marché.

      J'aurais donné gros pour avoir ce bouquin. Les librairies aussi voudraient l'avoir, mais ils ne l'ont pas, car nous vivons sous le régime délicieux d'une liberté inkomparable.

      Eh! qui sait! peut-être que cette vieille Excellence de von Bissing songe à le mettre en vente, cet ouvrage qui a troublé Munich, Cologne et Berlin. Notre gouverneur fait installer, à ses frais évidemment, à tous les carrefours, dans tous les coins, sur toutes les places de Bruxelles des aubettes d'une élégance toute teutonne, où s'étalent des karicatures d'une finesse kolossale, des journaux austro-gothiques, des


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