La loi de Dieu. Charles Deslys

La loi de Dieu - Charles Deslys


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de l’emporter avec moi, ne fût-ce que pour lui faire traverser de nouveau le fracas des batailles.

      –Eh! je ne demande pas mieux! conclut l’abbé, je remonte chez moi, venez m’y rejoindre. mais dans un quart d’heure seulement. Patience!

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      Le colonel se garda bien de manquer au rendez-vous. Il reçut des mains de l’abbé la sainte relique.

      –Mais, observa Bourgachard, ce médaillon ne me semble pas aussi ancien que vous voulez bien le dire?

      –Il fut remis à neuf par le dernier marquis de la Roche-Aymon, qui était le père de Renée, de votre femme.

      Puis, voyant que le comte cherchait à l’ouvrir, ainsi qu’un enfant curieux:

      –Le ressort est brisé, s’empressa de dire l’oncle Pierre, il faut me croire sur parole. Il n’y a que la foi qui sauve!

      –Soit! conclut le colonel, qui se laissa suspendre au cou le talisman.

      Durant les trois jours qui suivirent, il eut plus d’une occasion, plus d’une velléité de colère.

      Mais chaque fois que son sourcil se fronçait, chaque fois qu’un éclair s’allumait dans ses yeux, chaque fois que sa bouche s’entr’ouvrait pour laisser échapper un juron, bien vite l’oncle Pierre lui rappelait son serment par un geste et, du regard, indiquait la place où se trouvait le médaillon.

      Le comte aussitôt se calmait. Il souriait.

      Arriva l’instant du départ.

      La comtesse, toute en pleurs, palpitait d’un tendre effroi entre les bras de son époux, en murmurant:

      –Si c’était un éternel adieu! si tu n’allais plus revenir!

      –Ne crains rien! répondit-il, notre oncle Pierre m’a prêté un talisman, une relique. et quelque chose me le dit là, s’il veut bien ne pas me la reprendre, les balles et les boulets me respecteront. je reviendrai général.

      –Gardez le médaillon! s’écria l’abbé Patience, gardez-le, mon neveu… mais qu’il vous rappelle votre serment!

      –Le vieux La Hire est mort pour l’avoir oublié, conclut le colonel en embrassant une dernière fois sa femme; et moi qui suis jeune, heureux, moi qui aime et suis aimé… je ne veux’pas mourir!

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      Ainsi qu’il l’avait annoncé, le colonel Bourgachard revint général.

      En accourant au-devant de lui, la comtesse Renée portait dans ses bras un enfant, un fils.

      –Eh bien! fit l’abbé Patience, que dites-vous de mon talisman?

      –Je dis. je dis que très-réellement, à Austerlitz, il m’a sauvé la vie en recevant pour moi certaine balle autrichienne, dont il garde encore la trace. Voyez plutôt, mon oncle!

      Entr’ouvrant son uniforme, il montrait le médaillon tout fracassé.

      –C’est, ma foi, vraii! fit le vieillard, il vous a servi d’égide.

      –Oh! mon. Dieu! s’écria la comtesse en pressant le médaillon contre ses lèvres.

      Puis, tout à coup:

      –Tienss! il s’est ouvertt!

      –Tant mieuxx! fit le général, je ne serais pas fâché de voir.

      –Regardez maintenant, mon neveu; regardez, je vous le permets.

      La jeune mère ouvrit sa main, sur la paume de laquelle les deux parties du médaillon s’écartèrent ainsi que les deux valves d’une coquille.

      Bourgachard fit un mouvement de surprise.

      Pas le moindre fragment de bois, mais un portrait de Renée, au bas duquel, sur une petite bande de vélin, ces deux lignes écrites par l’abbé Patience:

      Dieu en vain tu ne jureras,

      Ni autre chose pareillement.

      L’oncle et le neveu se regardèrent en souriant.

      –Ainsi, vous vous êtes moqué de moi, monsieur l’abbé…

      –M’en voulez-vous, général?

      –Bien au contraire! je vous remercie, mon oncle… car, grâce à vous, je ne serai plus un épouvantail pour ma chère Renée, je no donnerai pas un mauvais exemple à notre fils… Vous m’avez radicalement corrigé… Je ne jure plus que par mon bâton… comme La Hire!

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       Memento ut diem m sabbati sanctifices.

      C’était un samedi soir, dans l’un de ces chantiers de construction maritime qui bordent la grève, entre Sainte-Adresse et le Havre.

      Les derniers rayons d’un resplendissant soleil d’été, qui bientôt allait disparaître à l’horizon, embrasaient le ciel, empourpraient la mer, et venaient allumer de rougeâtres reflets sur le sable, parmi les galets, jusque dans les vitres flamboyantes des quelques masures voisines. Temps calme, silence profond, délicieuse soirée, bien que la chaleur fût grande encore.

      Aussi les ouvriers travaillaient-ils mollement comme au déclin d’une fatigante journée dont le lendemain doit être un jour de repos, sinon de plaisir.

      L’un d’entre eux cependant, un charpentier, se distinguait par sa consciencieuse ardeur à la besogne.–

      C’était presque un vieillard, mais un vieillard alerte et de joyeuse humeur. Ses cheveux, déjà tout blancs, formaient une sorte de frange à son grand front chauve, et faisaient davantage encore ressortir la teinte bronzée de son mâle visage. Ses bras nus, sa large et musculeuse poitrine, que permettait de voir la chemise entr’ouverte, attestaient la force et la santé; son air de bonh0mie narquoise, son clair regard, son franc sourire, annonçaient un honnête homme, un homme heureux.

      Par intervalle, cependant, une certaine inquiétude, mêlée d’impatience, se lisait sur ses traits. Il se redressait un instant, et regardait du côté de la ville. Puis, après un soupir, il se remettait au travail. On eût dit qu’il attendait quelqu’un.

      Non loin de là, ses camarades organisaient une partie de plaisir pour le lendemain. et le surlendemain peut-être.

      ,–Dites donc, père Jaques, questionna tout à coup l’un d’eux, pourquoi donc que vous travaillez toujours le lundi?. Pourquoi donc que vous ne nopcez pas même le dimanche?

      –Le dimanche appartient à Dieuu! répliqua le vieil artisan avec une sorte d’austérité naïve.

      –Soit! fit l’autre, on sait que vous avez de la religion, monsieur Jacques Renaud; mais le bon Dieu permet les lundis…

      –Mes lundis!. se récria le vieillard avec unee expression étrange, oh ! oh !… mes lundis à moi...

      Mais,


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