Pie IX et Victor-Emmanuel: Histoire contemporaine de l'Italie (1846-1878). Jules Zeller

Pie IX et Victor-Emmanuel: Histoire contemporaine de l'Italie (1846-1878) - Jules Zeller


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n’était pas très-sérieuse. Nugent, sans grandes difficultés, passa la Piave le 8, dispersa, sous Trévise révoltée, le corps indiscipliné de Ferrari le 9, et rejeta, le 20, Durando avec les débris de son armée vers Vicence, seule maintenant, révoltée aussi, entre lui et Radetzki. Charles-Albert, pour empêcher la jonction, n’avait plus espoir, même en Pepe, arrivé déjà un peu tard le 13 à Ancône. Il avisait à un autre plan, quand les événements insurrectionnels qui éclatèrent alors (15 mai), comme par une entente secrète, à Paris même contre la chambre républicaine, à Vienne contre l’empereur d’Autriche un instant obligé de quitter sa capitale, et surtout à Naples, exercèrent une influence considérable sur les opérations militaires du Nord.

      Ce jour-là devait avoir lieu, à Naples, l’ouverture des chambres; toute la ville était en émoi; dans la formule du serment, le roi n’avait point fait mention du droit, conféré aux députés par le décret d’avril, d’étendre ou de modifier la constitution. L’assemblée préparatoire de la veille composée de représentants cependant généralement modérés, produits d’une élection d’ailleurs peu empressée de la part des ayants droit, avait été fort tumultueuse. Il s’agissait de s’entendre pour rétablir la formule du serment que devaient jurer le roi et le parlement, conformément aux promesses précédentes, et l’on n’était pas loin de tomber d’accord, quand, le lendemain, un certain La Cecilia, qui prétendait que les marins de la flotte française, alors dans le port, feraient cause commune, poussa aux barricades des Calabrais et des gens perdus (gente perduta), récemment venus à Naples. Des députés se jetèrent d’abord entre l’émeute et le château royal. Le roi fit appel à ses troupes, puis les retira; mais les barricades s’étendant bientôt dans toute la large rue de Tolède, qui va de la place du Palais-Royal à Capo di Monte, les troupes napolitaines et suisses vinrent se ranger devant le palais et au Largo Castello, place voisine de là. Au milieu de ces mouvements un coup de feu partit des barricades, et le combat commença vers midi. Les députés réunis au Monte Oliveto, la garde nationale, au milieu de l’émotion et des malentendus, ne savaient plus que faire. On se partageait.

      Le roi, alors, prit le parti d’agir. Il envoya aux forteresses l’ordre de tirer sur la ville et à l’assemblée celui de se dissoudre. La résistance opposée par la garde civique et par l’émeute fut très-vive sur la place du Palais dont les hôtels furent pris d’assaut, et près de la barricade Saint-Ferdinand; le palais Gravina sur le Monte-Oliveto, où étaient trois cents Calabrais, fut escaladé et réduit en cendres; les Suisses, en débouchant par des rues obliques du Largo Castello sur les barricades, coupèrent en deux la rue de Tolède et emportèrent toutes les rues, non sans commettre avec les lazzaroni, qui prirent parti pour le roi, de grands excès. Le lendemain, un nouveau ministère, qui rappelait celui qui avait précédé le 3 avril, était formé et la réunion d’une nouvelle chambre ajournée. Le roi promettait, d’ailleurs, de rester fidèle à ses promesses précédentes et fit élire, en effet, le mois suivant, une nouvelle chambre. La victoire de Ferdinand était moins fâcheuse encore pour le royaume de Naples que ne le fut, pour l’Italie, l’ordre envoyé par lui à Pepe de faire rétrograder son armée et à la flotte napolitaine celui de revenir dans les eaux de Naples.

      Charles-Albert, en effet, d’après un nouveau plan, venait de donner l’ordre au général Pepe (le 18) de passer le Pô et de se porter entre Radetzki et de Thurn, successeur de Nugent, déjà arrivé à Vicence. Le roi lui-même devait, en s’appuyant sur l’armée toscane de Laugier, aux environs de Mantoue, tenter une nouvelle attaque. Le 20, Pepe reçut la missive de Ferdinand. Poussé par l’enthousiasme des Bolonais, il se décida à désobéir; mais il se convainquit bientôt qu’il ne pouvait entraîner son armée. Un des officiers, ne sachant quel parti prendre, entre l’ordre de son souverain et la cause de l’indépendance, se brûla la cervelle. Le 26, la plupart des régiments napolitains, déjà arrivés à Ferrare, donnèrent l’exemple de l’abandon de la cause italienne, et Pepe ne conserva bientôt plus avec lui qu’une division d’infanterie, une de cavalerie et quelques canons, qu’il eut même beaucoup de peine à retenir, et avec lesquels il arriva à Venise.

      Assuré désormais sur ses derrières, Radetzkifit venir la réserve de Thurn qui n’avait pu emporter Vicence, et résolut de prendre lui-même l’offensive.

      Le 27, d’une part, on assurait à Radetzki que la cour de Vienne, alors fort empêchée entre les émeutes autrichiennes et le soulèvement de la Hongrie, était prête à céder la ligne du Mincio; d’autre part, il avait lui-même de la peine à nourrir son armée depuis l’arrivée du général de Thurn, en tout cinquante mille hommes; et la forteresse de Peschiera, bombardée parles Piémontais, commençait à faiblir. Le 27 au soir, laissant les hauteurs qui défendent Vérone au nord-ouest occupées et quatre mille hommes dans la ville, avec quarante mille hommes divisés en trois longues colonnes, il quitta Vérone et, par trois routes différentes, entre l’Adige à sa gauche et les lignes italiennes à distance de deux lieues à sa droite, il se dirigea au sud vers Mantoue. Il offrait le flanc à l’ennemi, mais sa marche était si bien conduite et les reconnaissances des Italiens si imparfaitement faites, qu’il ne fut point attaqué et entra dans la forteresse le 28 au soir. Son intention était de déboucher par Mantoue sur la rive droite du Mincio et de dégager le cours inférieur de cette rivière, gardé par les médiocres troupes de Laugier, puis d’enlever Goïto, ou, tout au moins, d’attirer Charles-Albert de ce côté, et de permettre ainsi à l’armée restée à l’entour ou au-devant de Vérone de ravitailler Peschiera, bombardée depuis le 23 et déjà à bout de vivres. Charles-Albert, conseillé par Bava inquiet, tomba dans le piège; il donna l’ordre de faire repasser aussi, le 28, une partie de ses troupes sur la rive droite du Mincio par le pont de Goïto.

      Le matin du 29, Radetzki commença ses opérations contre Curtatone et Montanara, occupés par les recrues et les étudiants toscans et modénais; ces troupes improvisées firent heureusement bonne contenance et arrêtèrent les Autrichiens six heures, tant qu’elles eurent des munitions. Il y avait là des professeurs, des étudiants de Pise. Pilla, professeur de géologie, fut frappé par un boulet. Montanelli, professeur de droit, fut grièvement blessé et fait prisonnier. Radetzki paraît avoir manqué, cette fois, d’énergie ou de promptitude à marcher sur Goïto, dès que les Toscans de Laugier furent à la débandade. Charles-Albert eut en effet le temps de s’établir à Goïto et, le 30 au matin, il réunissait seize mille hommes contre Radetzki entre le Mincio et l’Oglio. Le même jour, un peu tard, à quatre heures, les trois colonnes de Radetzki s’avançaient au nord-est vers Goïto; la première à droite fut arrêtée par des batteries piémontaises disposées sur la rive opposée du Mincio, la seconde s’égara en faisant un long détour à gauche. Radetzki lui-même conduisait l’attaque du centre; il s’avançait vers Goïto, culbutait une brigade, et menaçait de couper les Piémontais, quand un jeune capitaine arrivant à cheval avec un régiment des gardes, l’épée à la main, rallia la brigade, et quoique blessé jeta son régiment à la baïonnette sur l’ennemi culbuté à son tour; c’était encore Victor-Emmanuel. Cependant le roi, à la rive du Mincio, se dressant froid et calme sur son cheval, faisait pointer les canons sur l’ennemi, qui cédait, et il ordonnait sa poursuite. Vainement Radetzki appela sa réserve. Il dut céder, se replia sous la protection des canons de Mantoue, et apprit que les Piémontais chargés du blocus de Peschiera avaient empêché les Autrichiens laissés à Vérone de se faire jour et ainsi forcé la citadelle à se rendre. Ces trois jours furent les plus honorables de la campagne pour les Italiens.

      Le maréchal autrichien avait besoin de se relever. Le 29, le gouvernement provisoire de Milan, malgré les plaintes des républicains sur son insuffisance, avait obtenu des suffrages la réunion de la Lombardie au Piémont. Quelques jours après, les villes de Vicence, Padoue, etc. (3 juin), en faisaient autant. Radetzki avait de mauvaises nouvelles même de Vienne. Il prit une résolution hardie et heureuse. Le 2 juin, quittant de nouveau Mantoue et renvoyant une division à Vérone, il repassa l’Adige (le 5) par Legnano, et recula sur Vicence avec vingt-quatre mille hommes pour achever ainsi de débarrasser ses derrières et pouvoir, assuré de l’arrivée de nouveaux secours amenés par Welden, se porter de nouveau en avant. Il ne laissait sous Vérone que vingt mille hommes devant l’armée piémontaise.


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