Robert Burns. Angellier Auguste

Robert Burns - Angellier Auguste


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target="_blank" rel="nofollow" href="#n205" type="note">205, c'est-à-dire des quelques jours qui avoisinent le jour de l'an; l'Ouverture et la Clôture de la Session206; l'Élection du Magistrat207. Dans Auld Reekie, il chante la vie d'Édimbourg, depuis le moment où les servantes se frottant les yeux commencent de bonne heure leurs mensonges et leur clabaudage, jusqu'à celui où, le soir, on trouve, dans les flaques et les ruisseaux, «les macaroni» c'est-à-dire les élégants, ivres-morts, souillés et empuantis par l'heure dangereuse de la ville. Les deux plus jolis morceaux de Fergusson sont, dans ce genre, Les Courses de Leith et surtout La Foire de la Toussaint.

      Celle-ci commence par une description du matin:

      À la Toussaint, quand les nuits se font longues,

      Et que les étoiles luisent bien claires,

      Quand les gens, pour repousser le froid piquant,

      Portent leurs habits d'hiver;

      Près d'Édimbourg se tient une foire;

      Je crois qu'il n'y en a guère dont le nom soit,

      Pour les filles bien droites et les gars solides,

      Pour les verres et les pintes, plus fameuse

      Que celle de ce jour-là.

      Sur le haut des cheminées

      Le soleil a commencé à luire,

      Et a dit aux filles, en beaux habits, d'aller

      Chercher un beau bon-ami,

      À la foire de la Toussaint, où les fins brasseurs

      Vendent de la bonne ale sur des tréteaux,

      Et ne vous refusent pas un morceau

      De fromage de leur cuisine,

      Très salé ce jour-là208.

      Sur le champ de foire, les colporteurs étalent et prônent leurs marchandises; il y a des rétameurs, des chaudronniers, des maquignons, des diseuses de bonne aventure, un marchand de bas d'Aberdeen. Là-bas est l'inévitable sergent de recrutement qui apparaît dans toutes les foules de ce temps.

      Un roulement de tambours alarme nos oreilles;

      Le sergent piaille à haute voix:

      «Vous tous, gentlemen et volontaires,

      Qui souhaitez le bien de votre pays,

      Venez ici, et je vous donnerai

      Deux guinées plus une couronne,

      Un bol de punch où, comme sur la mer,

      Flotterait un long dragon,

      Aisément ce jour-ci209

      Plus loin, les chevaux piaffent et hennissent. Sous les tentes, les vieillards vident des verres. Il y a un tel tapage de cris, de bavardages de femmes et d'enfants, un tel boucan, qu'on se croirait revenu à la Tour de Babel. Le soleil se couche, et on rentre en ville s'entasser dans les tavernes. Mais il ne fait pas bon y trop rire. Les vieux butors de la garde civique sont là, qui brutalisent et molestent les bons ivrognes. Et il ne faut pas faire d'observations. Jock Bell s'en aperçoit. Il reçoit un coup de hache de Lochaber, et il a la mauvaise idée de protester.

      «Aïe! (dit-il) j'aimerais mieux être

      Piqué par une épée ou une bayonnette,

      Que mon corps ou mon crâne reçoivent

      Une entaille d'une si terrible arme».

      Là-dessus, il reçut un autre coup

      Plus lourd que le premier,

      Qui secoua son maigre corps,

      Et lui fit cracher le sang,

      Tout rouge, ce jour-là.

      Il gisait sur la chaussée, reprenant son souffle,

      Tout meurtri de coups de pied et de poing;

      Le sergent lâcha un juron des Hautes-Terres:

      «Mettez l' main sur chet hôme»

      Et le brave caporal s'écria:

      «Abortez c't imb'cile d'ifrogne».

      Ils le traînèrent au poste, et, sur mon âme,

      Il eut à payer l'amende d'ivresse,

      Pour ça le jour suivant.

      Braves gens! en revenant de la foire,

      Écartez-vous de cette bande noire;

      Il n'y a pas ailleurs de pareils sauvages

      Qui aient le droit de porter une cocarde.

      Plus que de la mâchoire puissante du lion affamé,

      Ou de la défense de l'ours Russe,

      De leur patte cruelle et brutale,

      Vous avez raison de redouter

      Votre mort ce jour-là210.

      Fergusson n'aimait pas le bataillon des vieux gaëls. Il avait sans doute eu maille à partir avec eux.

      Les Courses de Leith sont un poème du même genre, avec cette différence que, au début, Fergusson introduit une figure imaginaire et abstraite, la Gaîté, qu'il rencontre et avec laquelle il fait route. C'est une idée assez malheureusement ingénieuse, qui n'ajoute rien à la pièce et a le défaut d'introduire dans un tableau réaliste une allégorie fade dans le goût du XVIIIe siècle211. Burns a repris cet artifice au commencement de sa Sainte-Foire, en y mettant plus de vie et en l'adaptant mieux à l'ensemble du morceau.

      Toutes ces pièces sont dans la veine ancienne. La Sainte-Foire et Les Courses de Leith sont écrites dans la vieille strophe de neuf vers. Les Jours fous, Le Jour de naissance du Roi sont écrits dans la strophe plus courte de cinq vers. Fergusson, on l'a vu plus haut, s'est rattaché au filon des élégies comiques par son Élégie sur la mort de M. David Gregory, professeur de mathématiques, et par celle Sur John Hogg, ex-portier de l'Université de Saint-Andrews.

      Un dernier poème de Fergusson, Le Foyer du Fermier, tient, pour la forme et le ton, une place à part dans son œuvre. Au lieu d'être écrit en vers courts et en strophes légères, il est écrit en vers héroïques de cinq pieds, le vers de Spenser et de Milton, et en strophes de neuf vers, qui se rapprochent de la strophe spenserienne. Celle de Fergusson est seulement moins savante et moins solide. La strophe de Spenser forme réellement un tout, grâce aux rimes du milieu qui entrent dans le premier et le troisième tercets et les accrochent ensemble; on a en effet des rimes disposées ainsi: a b a b b c b c c. Dans la strophe de Fergusson, au lieu de trois rimes, on en a quatre, qui se suivent de la sorte: a b a b c d c d d; en sorte que la strophe se casse, en réalité, après le second b, et que les deux parties ne tiennent ensemble que par juxtaposition typographique et non par interpénétration de sonorités. Voici du reste, un exemple de chacune des deux. Le premier est tiré de l'ouverture du chant XII du livre VI de La Reine des Fées.

      Comme un vaisseau qui va sur les flots incertains,

      Se dirigeant devers une certaine côte,

      S'il rencontre des vents et des courants soudains,

      Sa marche est traversée, et lui-même tressaute

      Surpris et ballotté sur mainte houle haute;

      Mais s'arrêtant souvent, virant souvent de bord,

      Il poursuit son chemin, il arrive sans faute:

      Ainsi va-t-il de moi dans ce si long effort,

      Je m'arrête souvent, mais je gagne le portСкачать книгу


<p>206</p>

The Sitting of the Session; the Rising of the Session.

<p>207</p>

The Election.

<p>208</p>

Hallowfair.

<p>209</p>

Hallowfair.

<p>210</p>

Hallowfair.

<p>211</p>

Voir les cinq premières strophes des Leith Races.